Non mais, de qui se
moque-t-on ? Qui, à part le réalisateur américain Ed Adlum,
oserait présenter en vedette un héros qui porte sa montre à la
main droite ? Quand on voit le pedigree cinématographique du
bonhomme, on comprend que Invasion of the Blood Farmers
soit resté orphelin. Scénariste, producteur, acteur et donc
réalisateur de la chose en question, Ed Adlum a sans doute conçu
son œuvre sous l'effet de puissants psychotropes. Si l'allemand
Werner Herzog a imposé en 1976 aux interprètes de son mythique Herz
aus Glas
de tourner sous hypnose, ceux de cette petite bande crapoteuse,
arriérée, paysanne et psychédélique signée d'Ed Adlum semblent
avoir écoulé la totalité du stock d'euphorisants d'un apothicaire
itinérant. Le contexte est original : Imaginez un Panoramix
sous acides soliloquant des lignes de dialogues propres aux
schizophrènes. Imaginez les habitants du comté de Winchester
bourrés, vautrés au bistrot du coin regardant l'un d'entre eux
agoniser au sol sans qu'aucun d'entre eux n'ait l'idée de lui venir
à l'aide. Imaginez des druides interprétés par des suppôts de
Satan qui auraient eu fière allure aux côtés du gourou Charles
Manson. Imaginez-les drainer le sang d'âmes plus ou moins pures afin
de ressusciter la reine Onhorrid. Imaginez un certain docteur Roy
Anderson étudier les conséquences d'accroissement sanguins d'un tel
traitement sur les sujets victimes de ces exactions. Enfin, imaginez
la fille de ce dernier, roucoulant au bras du héros lors de
séquences aussi profondes qu'une idylle partagée entre deux
personnages de soap opera, et vous obtenez sans doute l'un des films
d'épouvante les plus curieux de l'histoire du cinéma...
Aidé
par une pellicule marquée au fer rouge par un grain particulièrement
prononcé, ce petit film d'horreur né de l'esprit passablement
dérangé d'un réalisateur sous influence, Invasion
of the Blood Farmers
est typique de ces longs-métrages qui ont éclot dans les années
Soixante/soixante-dix et qui mêlaient avec allégresse
psychédélisme, horreur et amateurisme. L'Amérique profonde dans
tous ses états. Le genre de film qui en Europe n'a la chance d'avoir
sa petite fiche que sur des sites dont la vocation première et
d'établir la liste exhaustive des nanars ''Made
in''
la Terre entière. On comprendra donc que l'excellent Nanarland
s'en soit fait l'écho. Parce que derrière le caractère
esthétiquement dérangeant d'une bobine qui sans doute a pris un
violent coup de soleil, Invasion of the Blood
Farmers est
surtout un bon gros navet. Qui ne marquera pas les esprits pour ses
saillies sanglantes qui se résument à bien peu de chose : ici,
deux types à chemise rouge, à salopette bleue et à chapeau de
paille franchement glauques kidnappent hommes et femmes et pratiquent
sur eux ce qui semble tout d'abord s'apparenter à des embaumements.
Mais lorsque l'on n'a pas le matériel adéquat, on fait avec les
outils du bord. Un tube enfoncé dans le corps des victimes, caché
sous des bandages, ce qui permet d'économiser, et sur le latex, et
sur le talent des maquilleurs. Exsangues, ne reste plus qu'à se
débarrasser des corps et d'utiliser le sang afin de voir s'il est
compatible avec l'idée de ressusciter la reine Onhorrid. L'époux du
corps blême et allongé dans son sarcophage se nomme Creton. Et le
type qui l'interprète, lui, s'appelle Paul Craig Jennings. Très
motivé, l'acteur n'en est pas moins mauvais. Trop théâtral pour
être crédible, sans doute aurait-il fait son petit effet chez le
John Waters des débuts (genre, Mondo Trasho
ou Multiple Maniacs)...
À
dire vrai, le seul qui s'en sorte à peu près convenablement, c'est
Norman Kelley qui incarne le docteur Roy Anderson. Ce qui ne l'a pas
empêché de disparaître totalement des radars après son apparition
dans Invasion of the Blood Farmers.
Comme une très grande partie du casting d'ailleurs, dont je me suis
fait un devoir de consulter les biographies. Jack Neubeck et Warren
D'Oyly-Rhind ont également joué dans Shriek of
the Mutilated
de Michael Findlay deux ans plus tard et puis... plus rien. Deux
seulement semblent avoir tiré ''profit'' de leur passage sur le
tournage de Invasion of the Blood Farmers.
Tout d'abord John Stewart, qui dès l'année suivante a peut-être eu
la chance de croiser l'immense Al Pacino sur le tournage de Serpico
de
Sidney Lumet et a ensuite poursuivi sa carrière jusqu'en 1994 avec
Les Indians
de David S. Ward avec Charlie Sheen et Tom Berenger. Quant à Richard
Kennedy, il a surtout joué pour le petit écran, apparaissant
notamment dans l'épisode pilote du Nouvel Homme
Invisible
en 1976, Drôles de Dames
la même année, Happy Days – Les Jours Heureux
en 1981 et même deux épisodes de La Petite
Maison dans la Prairie
en 1979 et 1982. Je ne conseillerai pas à grand monde de tenter de
regarder Invasion of the Blood Farmers.
Les ''complétistes'' se feront un plaisir de le découvrir. Tout
autant que les amateurs de nanars. Les autres, eux, risquent de
demeurer circonspects, voire moqueurs devant cette petite bande
horrifique aussi désopilante qu'innocente...
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