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mardi 30 juin 2020

Fires on the Plain de Shinya Tsukamoto (2014) - ★★★★★★★★☆☆



Cinéaste japonais à la filmographie remarquable et aux thématiques démesurées, le réalisateur Shin'ya Tsukamoto s'est d'abord fait connaître avec le film culte cyberpunk Tetsuo en 1992. Puis il enchaîne ensuite à partir de 1995 toute une série de longs-métrages notables. De Tokyo Fist à Kotoko en 2011 en passant par Bullet Ballet en 1998, Gemini en 1999, A Snake of June en 2002 ou encore le troisième volet de la saga qui le rendit célèbre, Tetsuo the Bullet Man en 2009. Fires on the Plain est à ce jour son avant-dernier long-métrage. Shin'ya Tsukamoto y aborde le thème de la survie en pleine seconde guerre mondiale sur une île des Philippines. Sujet déjà abordé dans l’œuvre éponyme de Kon Ichikawa en 1959, les deux films sont adaptés du roman Nobi de l'écrivain, traducteur et critique littéraire japonais Shōhei Ōoka. Shin'ya Tsukamoto nous conte les mésaventures du soldat Tamura, un homme malade dont ne sait que faire sa hiérarchie qui l'envoie se faire soigner à plusieurs reprises dans un autre camp pour des problèmes respiratoires. Retournant sans cesse auprès des siens, il est battu, puis à nouveau renvoyé...

Jusqu'à ce qu'il décide de se séparer de son unité. Isolé dans la jungle, Tamura (qu'interprète Shin'ya Tsukamoto) tente de survivre et va très rapidement faire face aux horreurs de la guerre. Il apprend notamment de la bouche de trois soldats croisés par hasard que son unité a semble-t-il été décimée par l'ennemi qui peu à peu progresse dans les parages. Épuisé, et surtout affamé, Tamura n'en est cependant pas encore rendu aux pratiques exercées par certains individus qu'il sera mené à croiser. En effet, pour survivre, ceux-ci n'ont pas trouvé d'autre moyen que de recourir au cannibalisme... Dans un style nerveux et parfois épileptique qui le caractérise plutôt bien, Shin'ya Tsukamoto signe une œuvre forte qui mêle contemplation et visions nihilistes d'un conflit qui décima des millions d'individus. Le réalisateur japonais incarne donc ce héros de la guerre qui refuse de s'adonner à l'un des actes contre-nature les plus horribles qui soient et ce, malgré un appétit qui ne cesse de grandir au point de lui donner des hallucinations. À moins qu'il ne s'agisse plus ''simplement'' des horreurs auxquelles il est confronté...

Car Shin'ya Tsukamoto ne fait pas les choses à moitié. Et même si certaines séquences dues à un superbe travail en matière de photographie arborent de jolies teintes, le réalisateur passe le plus clair de son temps dans la merde. Jungle luxuriante, boue, et surtout, charniers. Des cadavres par dizaines que le personnage principal de cette virée en Enfer est pratiquement contraint de chevaucher s'il veut pouvoir espérer s'en sortir. Shin'ya Tsukamoto n'est peut-être pas Steven Spielberg ou n'a en tout cas pas les mêmes moyens financiers (Il faut Sauver le Soldat Ryan et ses soixante-dix millions de dollars), son Fires on the Plain demeure une œuvre marquante que l'on rangera sans doute plutôt aux côtés du chef-d’œuvre du réalisateur soviétique Elem Klimov Requiem pour un Massacre signé en 1985 que n'importe quel film de guerre américain. S'il apparaît parfois bricolé, Shin'ya Tsukamoto prend tout de même le temps avec Fires on the Plain de poser sa caméra pour de superbe plans dont certains mettent en scène le héros en ombres chinoises.

Un choix artistique qui ne peut alors que rendre plus crues les attaques de l'ennemi lorsque le réalisateur met notamment en scène le massacre de dizaines de soldats japonais qui tombent au sol par grappes entières. Shin'ya Tsukamoto s'attarde alors sur les corps démembrés, les viscères qui s'échappent de l'abdomen éclaté des victimes, le sang qui gicle par saccades. Des atrocités qui trouveront leur aboutissements lors d'actes de cannibalisme absolument tétanisants. Surtout, Shin'ya Tsukamoto parvient à se mettre en scène dans le rôle d'un soldat japonais perdant peu à peu la tête et ne ménage pas ses efforts pour faire de Tamura, un personnage crédible. Suffocant, gore, nihiliste mais parfois poétique, Fires on the Plain est un très grand cru de la part d'un cinéaste japonais important et surtout complet puisque Shin'ya Tsukamoto a non seulement réalisé le film, mais en a écrit le scénario, s'est chargé lui-même de la photographie, du montage et de la production...

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