Cinéaste japonais à la filmographie remarquable et aux thématiques
démesurées, le réalisateur Shin'ya Tsukamoto s'est d'abord fait
connaître avec le film culte cyberpunk Tetsuo en
1992. Puis il enchaîne ensuite à partir de 1995 toute une série de
longs-métrages notables. De Tokyo Fist
à Kotoko
en 2011 en passant par Bullet Ballet
en 1998, Gemini
en 1999, A Snake of June en
2002 ou encore le troisième volet de la saga qui le rendit célèbre,
Tetsuo the Bullet Man
en 2009. Fires on the Plain
est à ce jour son avant-dernier long-métrage. Shin'ya Tsukamoto y
aborde le thème de la survie en pleine seconde guerre mondiale sur
une île des Philippines. Sujet déjà abordé dans l’œuvre
éponyme de Kon
Ichikawa en 1959, les deux films sont adaptés du roman Nobi
de
l'écrivain, traducteur et critique littéraire japonais Shōhei
Ōoka. Shin'ya Tsukamoto nous conte les mésaventures du soldat
Tamura, un homme malade dont ne sait que faire sa hiérarchie qui
l'envoie se faire soigner à plusieurs reprises dans un autre camp
pour des problèmes respiratoires. Retournant sans cesse auprès des
siens, il est battu, puis à nouveau renvoyé...
Jusqu'à
ce qu'il décide de se séparer de son unité. Isolé dans la jungle,
Tamura (qu'interprète Shin'ya Tsukamoto) tente de survivre et va
très rapidement faire face aux horreurs de la guerre. Il apprend
notamment de la bouche de trois soldats croisés par hasard que son
unité a semble-t-il été décimée par l'ennemi qui peu à peu
progresse dans les parages. Épuisé, et surtout affamé, Tamura n'en
est cependant pas encore rendu aux pratiques exercées par certains
individus qu'il sera mené à croiser. En effet, pour survivre,
ceux-ci n'ont pas trouvé d'autre moyen que de recourir au
cannibalisme... Dans un style nerveux et parfois épileptique qui le
caractérise plutôt bien, Shin'ya Tsukamoto signe une œuvre forte
qui mêle contemplation et visions nihilistes d'un conflit qui décima
des millions d'individus. Le réalisateur japonais incarne donc ce
héros de la guerre qui refuse de s'adonner à l'un des actes
contre-nature les plus horribles qui soient et ce, malgré un appétit
qui ne cesse de grandir au point de lui donner des hallucinations. À
moins qu'il ne s'agisse plus ''simplement'' des horreurs auxquelles
il est confronté...
Car
Shin'ya Tsukamoto ne fait pas les choses à moitié. Et même si
certaines séquences dues à un superbe travail en matière de
photographie arborent de jolies teintes, le réalisateur passe le
plus clair de son temps dans la merde. Jungle luxuriante, boue, et
surtout, charniers. Des cadavres par dizaines que le personnage
principal de cette virée en Enfer est pratiquement contraint de
chevaucher s'il veut pouvoir espérer s'en sortir. Shin'ya Tsukamoto
n'est peut-être pas Steven Spielberg ou n'a en tout cas pas les
mêmes moyens financiers (Il
faut Sauver le Soldat Ryan et
ses soixante-dix millions de dollars), son Fires
on the Plain demeure
une œuvre marquante que l'on rangera sans doute plutôt aux côtés
du chef-d’œuvre du réalisateur soviétique Elem Klimov Requiem
pour un Massacre
signé en 1985 que n'importe quel film de guerre américain. S'il
apparaît parfois bricolé, Shin'ya Tsukamoto prend tout de même le
temps avec Fires on the
Plain de
poser sa caméra pour de superbe plans dont certains mettent en scène
le héros en ombres chinoises.
Un
choix artistique qui ne peut alors que rendre plus crues les attaques
de l'ennemi lorsque le réalisateur met notamment en scène le
massacre de dizaines de soldats japonais qui tombent au sol par
grappes entières. Shin'ya Tsukamoto s'attarde alors sur les corps
démembrés, les viscères qui s'échappent de l'abdomen éclaté des
victimes, le sang qui gicle par saccades. Des atrocités qui
trouveront leur aboutissements lors d'actes de cannibalisme
absolument tétanisants. Surtout, Shin'ya Tsukamoto parvient à se
mettre en scène dans le rôle d'un soldat japonais perdant peu à
peu la tête et ne ménage pas ses efforts pour faire de Tamura, un
personnage crédible. Suffocant, gore, nihiliste mais parfois
poétique, Fires on the
Plain est
un très grand cru de la part d'un cinéaste japonais important et
surtout complet puisque Shin'ya Tsukamoto a non seulement réalisé
le film, mais en a écrit le scénario, s'est chargé lui-même de la
photographie, du montage et de la production...
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