Si nos pensées pouvaient
agir comme les balles d'un revolver ou d'un fusil, chacun de nous
sèmerait derrière lui mort et désolation. Qui peut se vanter de
n'avoir jamais voulu la mort d'un voisin écoutant sa musique un peu
trop fort, d'un automobiliste dressant son majeur devant son
interlocuteur tout en le définissant sous divers noms d'oiseaux ou
d'un type lui barrant la route à l'accueil d'une banque ou la caisse
d'un supermarché ? Personne, convenons-en. Parfois il en est
qui passent à l'acte comme William Foster, ce père de famille et
ancien époux d'Elisabeth Travino dont il lui est interdit de
s'approcher à moins de cent mètres. Aujourd'hui, la chaleur est
écrasante et pris dans un immense embouteillage qui risque de le
mettre en retard pour l'anniversaire de sa fille Adele, William pète
littéralement un câble, sort de son véhicule et se met en route
pour retrouver sa petite ''famille''. Mais en chemin, l'homme qui n'a
plus toute sa raison va semer la mort et la terreur. Il s'en prend
notamment au gérant d'une épicerie, à deux membres d'un gang de
latinos, s'attaque à un fast-food puis à un vendeur de surplus
militaire néo-nazi dont il abandonne derrière lui le cadavre. Alors
que les victimes encore vivantes de Foster témoignent au
commissariat, l'inspecteur Martin Prendergast dont c'est le dernier
jour en poste avant la retraite s'intéresse de très près à cette
affaire. Aidé par l'inspectrice prénommée Sandra, il se lance à
la poursuite de William avant que celui-ci ne parvienne à ses fins :
retrouver son ex-femme et leur fille Adele...
Sorti en France sous le
titre Chute Libre,
Falling Down
est l'un des plus célèbres longs-métrages du réalisateur
américain Joel Schumacher qui fut notamment responsable de
Génération Perdue
en 1987, L'Expérience Interdite
en 1990, de deux films tournant autour du super-héros Batman ou de
Phone Game
en 2002 et Le Nombre 23
en 2007. Film d'action et policier sur fond de drame social poignant,
Falling Down
est littéralement habité par ses deux principaux personnages
qu'interprètent Michael Douglas et Robert Duvall. Deux hommes lâchés
dans un contexte urbain auquel le scénario de Ebbe Roe Smith et la
mise en scène de Joel Schumacher apportent une aura de film
post-apocalyptique dont le spectateur sentira poindre les premiers
remous. Au delà du simple divertissement que le film semble être
tout d'abord, le réalisateur américain s'efforce de dresser toute
une liste de critiques envers ce pays qui l'a vu naître à New York
le 29 août 1939 avant d'y mourir quatre-vingt ans plus tard d'un
cancer. Quelles que soient les raisons qui animent William Foster,
cet individu qui nous est tout d'abord décrit comme un homme tout à
fait normal ayant perdu la raison après ce qui semble n'avoir été
qu'un gros coup de chaleur, Joel Schumacher bat le chaud et le froid
concernant celui-ci. En effet, car si à certaines occasions l'on
peut s'émouvoir de cet homme qui ressent à tout pris le besoin de
retrouver celles qu'il aime, le scénario le décrit également comme
un être froid, violent et surtout, mentalement déséquilibré...
Face
à lui, l'inspecteur Martin Prendergast, proche de la retraite, et
qui lui-même doit faire face à des problèmes personnels même si
de moindre importance. Méprisé de sa hiérarchie qui ne sait pas
que sa peur apparente d'être confronté au monde extérieur au
commissariat où il séjourne à longueur de journées est
directement lié à son épouse Amanda (l'actrice Tuesday Weld), il
est en revanche apprécié de certains de ses collègues et notamment
de l'inspectrice Sandra qu'interprète l'actrice américaine
originaire du Bronx Rachel Ticotin. À redécouvrir aujourd'hui ce
film tout de même âgé de vingt-sept ans, on peut se demander dans
quelles mesures il aurait pu ou pourrait encore servir de curseur
prévisionnel dans un contexte où la vie dans des grandes cités
telle que celle décrite dans le film ressemblent de plus en plus à
des jungles où l'homme ne cesse de s'attaquer à ses semblables. Et
comment Falling Down
échappe-t-il aujourd'hui à la polémique lorsque l'on assiste à
l'affrontement entre l'antagoniste et l'homme d'origine asiatique ou
mexicaine ? Peut-être parce que Joel Schumacher prend de
l'avance en se chargeant de lui opposer ensuite l'un de ces immondes
représentants de la suprématie blanche adepte du dictateur Adolf
Hitler et du troisième Reich...
''Après
sept ans, vous savez ce qu'ils m'ont dit ? Que je n'étais pas
économiquement viable...''
Là
où Falling Down
semble ne pas tout à fait assumer son statut de critique cynique
envers son pays demeure dans les quelques trop discrètes
insinuations que le réalisateur abandonne ensuite pour ne plus
s’intéresser qu'à la traque du policier et au dingue qui en ville
manifeste son ''grain de folie'' à travers des exactions que
n'aurait sans doute pas renié le Terminator du long-métrage éponyme
de James Cameron sorti neuf ans auparavant. Ghettoïsation,
clochardisation, consumérisme et j'en passe. De menues séquences
qui expriment l'état de notre société actuelle que la partition
musicale de James Newton Howard rend encore plus marquantes, voire
glaçantes. Le long-métrage de Joel Schumacher a la particularité
d'être une œuvre profondément divertissante tout en étant
cruelle, visionnaire et parfois nihiliste. Surtout, l'américain
signa là l'un de ses meilleurs films...
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