On voit sa trogne partout
depuis quelques années. Ces derniers temps, l'actrice Sarah Suco a
notamment trimbalé son regard pénétrant sur les tournages de Guy
d'Alex
Lutz, le formidable Les Invisibles
de Louis-Julien Petit, ou très récemment dans Lucky
d'Olivier Van Hoofstadt. Une dizaine d'années seulement qui
pourtant, en comparaison de sa carrière de réalisatrice paraissent
une éternité. Car en dehors d'un court-métrage en 2017 (Nos
Enfants),
Sarah Suco n'a réalisé qu'un seul long-métrage. Et quel
long-métrage... de ceux qui comptent parmi les quelques œuvres qui
chaque année se détachent très largement du reste de la production
cinématographique. La réalisatrice y laisse s'exprimer d'autres
interprètes qui pour elle et à travers elle, vont témoigner du
drame qu'elle a vécu de ses huit ans jusqu'à sa majorité. Si le
thème des sectes n'est pas rare sur grand écran, les films relatant
avec vérisme le sujet ne sont par contre pas légion. Dans ce fatras
constitué de dizaines de longs-métrages, peu de réalisateurs
peuvent s'enorgueillir d'avoir apporté un témoignage aussi glaçant
que l’œuvre de la française. On pense notamment à La
Secte sans Nom
de Jaume Balagueró ou à Guyana, la Secte de
l'Enfer
de René Cardona Jr...
Les Éblouis suit
le parcours d'une jeune adolescente, Camille (formidable Céleste
Brunnquell pour qui ce rôle est le tout premier au cinéma), dont
les parents ont choisi de suivre la voie du seigneur en intégrant
avec leurs quatre enfants une communauté charismatique (mouvement
catholique né aux États-Unis dans les années 1960) dirigée par
celui que tous nomment le Berger (là encore, formidable est
Jean-Pierre Darroussin qui endosse la robe de bure). Si très
rapidement Christine (excellente Camille Cottin), la mère de
l'adolescente, accepte de donner suite aux exigences du Berger parmi
lesquelles la contrainte pour Camille d'abandonner sa passion pour le
cirque, la jeune fille vit très mal cette décision et refuse tout
net d'y mettre un terme. Son père Frédéric (l'acteur Eric
Caravaca), impuissant, lâche, donne tout d'abord raison à sa fille
avant de changer de position. Après une forte dispute engageant ses
parents et ses grands-parents, ces derniers sont jetés dehors avec
ordre de ne plus jamais entrer en contact avec leurs proches. C'est
le début d'un cauchemar pour Camille ainsi que ses frères et sœurs.
Les liens d'amour qui unissent ces enfants à leurs parents
disparaissent peu à peu pour un amour de Dieu sans partage...
Face
à une Céleste Brunnquell absolument remarquable et dont le regard
renvoie inévitablement à celui de Sarah Suco et à l'enfer qu'elle
vécu durant une partie de son enfance et toute son adolescence, une
communauté soudée, aveuglée, lavages de cerveaux, exorcismes et
punitions à la clé. Plus angoissant que n'importe quel film
d'horreur ou d'épouvante porté sur le sujet, plus illustratif que
n'importe quel documentaire sur les sectes, Les
Éblouis
prouve, sinon que Sarah Suco fut effectivement cette jeune fille aux
prises avec un gourou charismatique et ses adeptes, du moins qu'elle
maîtrise le sujet sur le bout des doigts. La réalisatrice démontre
avec quelle facilité un individu à lui seul peut pousser l'autre au
détachement de ses biens personnels et affectifs. Ici, le
comportement de Camille Cottin résume assez bien l'envoûtement d'un
adepte aux prises avec un homme prêchant la belle parole. Mais ce
qui différencie la simple communauté de la secte demeure tout ce
qui en arrière-plan symbolise la manipulation par la foi en Dieu, et
l'appropriation exclusive et entière des biens qui appartiennent au
membre de la communauté. Mais ce qui apparaît comme le plus
effarant demeure dans le contrôle mental absolu du Berger sur ses
brebis et que retranscrit à l'écran avec une justesse terriblement
troublante, Sarah Suco. Profitant d'un casting largement à la
hauteur du projet, la réalisatrice signe une œuvre puissante sur
les arcanes d'un mythe qui tient moins de la fiction que du réel.
Une merveille...
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