Lorsque l'on découvre le
synopsis de L'Angle Mort,
troisième long-métrage du duo formé par Patrick-Mario Bernard et
Pierre Trividic, on pense forcément à l'ouvrage de H.G.Wells publié
en 1897, L'Homme Invisible.
Mais lorsque l'on plonge dans l'aventure mettant en scène le
personnage de Dominick Brassan qu'incarne à l'écran l'acteur
d'origine togolaise Jean-Christophe Folly, c'est déjà tout autre
chose. Les deux réalisateurs ne se sont pas simplement contentés
d'adapter à la ligne près le roman fantastique de l'écrivain
britannique. À dire vrai, il n'en demeure même qu'une infime
parcelle ne relevant ni de son aspect scientifique, ni du dérèglement
psychologique dont sera victime Griffin, le héros du roman.
D'ailleurs, le film de Patrick-Mario Bernard et Pierre Trividic
repose en fait sur un scénario qu'ils ont conçu eux-même à partir
d'une idée originale d'Emmanuel Carrère, romancier (La
Classe de Neige,
adapté sur grand écran en 1998 par Claude Miller), scénariste
donc, et surtout réalisateur du brillant La
Moustache
notamment interprété par Vincent Lindon et Emmanuelle Devos en
2005...
Ici,
le principe n'est pas tant d'impressionner les spectateurs à travers
l'extraordinaire pouvoir d'un homme tout à fait ordinaire que de
s'appuyer sur l'existence de son personnage principal. L'Angle
Mort repose
sur un concept fort. Et même, sur différentes idées. Le pouvoir
d'attraction de ce long-métrage plus dramatique que fantastique
s'inscrit dans une certaine logique. Surtout si l'on considère les
deux premiers films de Patrick-Mario Bernard et Pierre Trividic
(Dancing en
2003 et L'Autre
en 2009) et dont L'Angle Mort assume
une certaine filiation. Ici, le pouvoir d'invisibilité est tantôt
vécu comme un atout, tantôt comme une contrainte. À travers un
minimum d'effets ne requérant pas ou (si peu) la participation de
génies en effets-spéciaux de maquillages ou numériques,
Jean-Christophe Folly se met littéralement à nu devant la caméra
des deux réalisateurs. Leur film rejoint l'excellent Vincent
n'a pas d’Écailles
de Thomas Salvador réalisé cinq ans auparavant dans son approche
réaliste d'un thème au fort pouvoir d'attraction...
Les
deux réalisateurs imaginent des situations complexes, des rapports
entre humains bouleversants. On pense notamment à la relation que
mène le héros avec la voisine d'en face, Elham (l'actrice iranienne
Golshifteh Farahani), atteinte de cécité. Ses retrouvailles avec
son ancien pote Richard Jaskowiak (le franco-algérien Sami Ameziane)
lui-même ''armé'' du même pouvoir d'invisibilité. Ou son rapport
à sa sœur Cynthia (l'ivoirienne Claudia Tagbo). L’œuvre y est
parcourue par la présence discrète de la toujours brillante
Isabelle Carré qui incarne la compagne de Dominick.. Surtout,
L'Angle Mort
se termine comme il débuta. Dans une simplicité qui n'appartient
qu'au quotidien le plus anodin. Au spectateur de voir si le pouvoir
du héros est un don ou une punition. Patrick-Mario Bernard et Pierre
Trividic nous abandonnent très certainement avec une foule de
questions. À nous de nous y replonger afin de décrypter ce qui est
demeuré dans l'ombre. L'Angle Mort
est une belle surprise, où la musique prend une place très
importante, entre rock, tribal et nappes envoûtantes. Un
long-métrage qui ne ressemble finalement qu'à ses auteurs et aborde
des thèmes universels sous un angle original. À voir...
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