Le personnage de l'homme
invisible créé par H. G. Wells à la fin du dix-neuvième siècle
n'est pas un individu des plus recommandables. Sombrant dans la
démence, mégalomaniaque, coupable de meurtre et de plusieurs vols,
le pourtant très talentueux Griffin est parvenu à inventer une
formule lui permettant de devenir invisible. Si à la télévision,
le scientifique s'est montré par deux fois un individu plutôt
sympathique (L'Homme invisible, en 1975 et Le
Nouvel Homme invisible en 1976), au cinéma, cela n'a pas été
toujours le cas. On se souvient notamment de la première version
officielle réalisée par James Whale en 1933 (vingt-quatre ans après
Le Voleur Invisible du
français Ferdinand Zecca et de l'espagnol Segundo de Chomón qui ne
semble entretenir aucun rapport avec l’œuvre de H. G. Wells) ou
plus récemment, celle de Paul Verhoeven Hollow
Man : L'Homme sans ombre dans
laquelle l'acteur Kevin Becon y livrait une sacrée performance dans
le rôle de Sebastian Caine, un scientifique talentueux mais
néanmoins narcissique...
Cent
vingt-trois ans après la première édition du roman de H. G. Wells
sort sur les écrans sa toute dernière adaptation. Intégralement
remanié, l'ouvrage n'inspire en réalité que très
superficiellement le réalisateur Leigh Whannell (notamment auteur en
2018 de Upgrade)
qui offre au mythe une seconde jeunesse en l'encrant dans notre
époque. À l'air du mouvement #MeToo
et
de ses désastreuses conséquences, le réalisateur australien met en
scène une femme victime de la violence de son compagnon. Un
richissime scientifique ayant apparemment réussi à concevoir une
combinaison lui permettant de devenir invisible. Alors, lorsque
Cecilia décide de le fuir en pleine nuit après l'avoir drogué à
l'aide de somnifères, celle qui se réfugie chez sa sœur Emily
(l'actrice Harriet Dyer) et son beau-frère James Laner (excellent
Aldis Hodge) n'en est pourtant pas libérée du harcèlement dont
fait preuve envers elle Adrian (Oliver Jackson-Cohen). Même après
que sa sœur lui ait annoncé que celui-ci s'est finalement suicidé.
Poursuivie, continuellement épiée, la malheureuse voit de plus son
entourage se méfier des propos qu'elle tient lorsqu'elle affirme
qu'Adrian n'est pas mort et qu'il est revenu la harceler. Contrainte
de se défendre seule, Cecilia semble perdre peu à peu la raison.
Jusqu'à ce qu'un jour, elle découvre dans le grenier des preuves de
la présence d'Adrian...
Si
chaque année, la presse encense un certain nombre de films
d'épouvante en les auréolant du titre de ''meilleur film d'horreur
de l'année'', il est moins courant que les vrais amateurs du genre
soient aussi optimistes. Jusqu'à maintenant, aucun film d'horreur ne
semblait avoir fait l'unanimité en ce début d'année 2020. Et même
si Invisible Man
ne s'est pas vu unanimement salué par la presse ou le public, rien
n'est plus vrai que d'affirmer que Leigh Whannell a réussi son pari
en portant jusqu'à son terme, un concept remarquablement efficace.
En évitant d'apporter sa contribution à l'aspect scientifique qui
ici se résume à la seule évocation d'une combinaison
d'invisibilité, l'australien a surtout tordu jusqu'au bout le
concept du chercheur mégalomaniaque en en faisant un être pétri de
mauvaises intentions. Un personnage abjecte, violent, narcissique,
orgueilleux, meurtrier et violeur. Un bogeyman plus flippant que
n'importe quel monstre humanoïde tiré du bestiaire fantastique.
Même
si rien ne laisse véritablement envisager l'hypothèse que l'héroïne
puisse avoir perdu la tête et que seul son esprit ait pu à lui seul
concevoir cette folle idée d'un être invisible la harcelant,
l'extraordinaire incarnation de l'actrice britanico-américaine
Elisabeth Moss qui interprète ici le personnage de Cecilia Kass nous
convint cependant durant un court instant d'une telle déduction.
Habitée jusque dans la prunelle effrayée de ses yeux se désorbitant
chaque fois qu'un événement lui paraît anormal, l'actrice et la
caméra au regard baladeur de Leigh Whannell poussent le spectateur à
visiter du sien le cadre jusque dans ses moindres recoins à la
recherche du détail qui témoignera de la présence d'Adrian.
Terriblement anxiogène et ne baissant jamais de rythme, Invisible
Man
est sans doute le plus bel hommage qu'un cinéaste pouvait rendre à
un mythe tel que l'homme invisible même si Leigh Whannell a choisi
pour cela de retourner l'intrigue pour en faire un ersatz de Slasher
dramatico-fantastique. Une authentique réussite...
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