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samedi 29 février 2020

Le Mur Invisible de Julian Roman Pölsler (2012) - ★★★★★★★★★☆



Auteur d'une foule de téléfilms pour la télévision autrichienne mais de trois longs-métrages seulement pour le cinéma, le réalisateur et scénariste autrichien Julian Roman Pölsler signait en 2012, le premier d'entre eux. Une œuvre dense et fascinante. Une ode à la nature. Sa faune et sa flore, dans un contexte très particulier puisque son héroïne, formidablement interprétée par l'actrice allemande Martina Gedeck, se retrouve dans une situation inédite : alors que le personnage principal dont le réalisateur ignore le nom s'installe dans un pavillon de chasse des Alpes Autrichiennes en compagnie d'un couple d'amis partis faire quelques achats dans le village voisin, la narratrice s'inquiète dès le lendemain matin de ne pas les avoir vu revenir. Lancée à pieds à leur recherche en compagnie de leur chien Lynx, la jeune femme bute en chemin contre un mur invisible. Totalement isolée du reste du monde, elle remarque également que les rares individus qu'elle aperçoit de l'autre côté de ce mur infranchissable sont figés comme si le temps n'avait plus d'emprise sur eux. Contrainte de veiller sur Lynx et sur elle-même, la femme adopte sa nouvelle existence en fonction de son environnement et de la nature même de celui-ci. Propice à la chasse, la jeune femme y apprend à tuer pour se nourrir mais sans jamais y prendre le moindre plaisir. Le Mur Invisible relate cette situation pour le moins incongrue, anxiogène, touchante et belle à la fois : réapprendre à vivre en totale communion avec la nature...

Il a fallut cependant pour Julian Roman Pölsler apporter quelques modifications par rapport au roman de l'écrivain autrichienne Marlen Haushofer. Publié en 1963 et s'inscrivant donc dans une époque plus ancienne que celle, contemporaine, du long-métrage, l'ouvrage ''employait'' des technologies ancrées dans leur époque tandis que le réalisateur autrichien élude de son côté toute éventualité scientifique quant aux origines de ce mur dont la présence n'est au fond, qu'un prétexte pour isoler son héroïne du reste du monde et lui permettre un voyage intime et introspectif aux confins de l'esprit humain. C'est à un retour aux fondamentaux auquel nous convie Le Mur Invisible. Une excursion d'une stupéfiante beauté (les paysages de Haute-Autriche où fut tourné le film sont d'une splendeur renversante), un voyage intérieur bénéficiant d'une très belle écriture et d'un message très profond. Surtout, Julian Roman Pölsler remporte le difficile pari d'offrir une intrigue ne reposant presque exclusivement que sur le long monologue de son héroïne. Portées par un texte d'une très grande richesse philosophique, les images de cartes postales enneigées ou plus simplement baignée par les rayons du soleil agissent tantôt comme un baume apaisant, tantôt comme une vague d'un froid si intense que le spectateur la sentirait presque lui brûler la peau jusqu'aux os.

D'où ce sentiment d'apaisement que partage l'actrice Martina Gedeck lorsque le soleil baigne son visage d'un éclat tout particulier, parfois contrainte lorsque l'hiver la transit de froid de marcher durant des heures dans l'épaisse couche de neige qui recouvre la région. Julian Roman Pölsler saisit merveilleusement bien ce sentiment d'angoisse inhérent à la solitude. Surtout lorsque l'héroïne évoque la disparition de la seule créature qu'elle finit par ne plus considérer autrement que comme un ami : le chien Lynx. La musique abrutissante des débuts reléguée par l'auto-radio de ses hôtes laisse la place à l'apaisement des bruits de la nature et la partition du compositeur allemand Jean-Sébastien Bach. Si la science-fiction n'est qu'un point de départ, l'harmonie de la mise en scène, de l'interprétation, des décors et de leur atmosphère font de ce Mur Invisible, un acte d'amour envers la nature, un retour aux sources de la vie. Un film profond, intelligent, ''new age''. Presque une antithèse au cinéma rugueux d'un autre réalisateur autrichien : le brillant Michael Haneke...

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