Auteur d'une foule de
téléfilms pour la télévision autrichienne mais de trois
longs-métrages seulement pour le cinéma, le réalisateur et
scénariste autrichien Julian Roman Pölsler signait en 2012, le
premier d'entre eux. Une œuvre dense et fascinante. Une ode à la
nature. Sa faune et sa flore, dans un contexte très particulier
puisque son héroïne, formidablement interprétée par l'actrice
allemande Martina Gedeck, se retrouve dans une situation inédite :
alors que le personnage principal dont le réalisateur ignore le nom
s'installe dans un pavillon de chasse des Alpes Autrichiennes en
compagnie d'un couple d'amis partis faire quelques achats dans le
village voisin, la narratrice s'inquiète dès le lendemain matin de
ne pas les avoir vu revenir. Lancée à pieds à leur recherche en
compagnie de leur chien Lynx, la jeune femme bute en chemin contre un
mur invisible. Totalement isolée du reste du monde, elle remarque
également que les rares individus qu'elle aperçoit de l'autre côté
de ce mur infranchissable sont figés comme si le temps n'avait plus
d'emprise sur eux. Contrainte de veiller sur Lynx et sur elle-même,
la femme adopte sa nouvelle existence en fonction de son
environnement et de la nature même de celui-ci. Propice à la
chasse, la jeune femme y apprend à tuer pour se nourrir mais sans
jamais y prendre le moindre plaisir. Le Mur Invisible
relate cette situation pour le moins incongrue, anxiogène, touchante
et belle à la fois : réapprendre à vivre en totale communion
avec la nature...
Il
a fallut cependant pour Julian Roman Pölsler apporter quelques
modifications par rapport au roman de l'écrivain autrichienne Marlen
Haushofer. Publié en 1963 et s'inscrivant donc dans une époque plus
ancienne que celle, contemporaine, du long-métrage, l'ouvrage
''employait'' des technologies ancrées dans leur époque tandis que
le réalisateur autrichien élude de son côté toute éventualité
scientifique quant aux origines de ce mur dont la présence n'est au
fond, qu'un prétexte pour isoler son héroïne du reste du monde et
lui permettre un voyage intime et introspectif aux confins de
l'esprit humain. C'est à un retour aux fondamentaux auquel nous
convie Le Mur Invisible.
Une excursion d'une stupéfiante beauté (les paysages de
Haute-Autriche où fut tourné le film sont d'une splendeur
renversante), un voyage intérieur bénéficiant d'une très belle
écriture et d'un message très profond. Surtout, Julian Roman
Pölsler remporte le difficile pari d'offrir une intrigue ne reposant
presque exclusivement que sur le long monologue de son héroïne.
Portées par un texte d'une très grande richesse philosophique, les
images de cartes postales enneigées ou plus simplement baignée par
les rayons du soleil agissent tantôt comme un baume apaisant, tantôt
comme une vague d'un froid si intense que le spectateur la sentirait
presque lui brûler la peau jusqu'aux os.
D'où
ce sentiment d'apaisement que partage l'actrice Martina Gedeck
lorsque le soleil baigne son visage d'un éclat tout particulier,
parfois contrainte lorsque l'hiver la transit de froid de marcher
durant des heures dans l'épaisse couche de neige qui recouvre la
région. Julian Roman Pölsler saisit merveilleusement bien ce
sentiment d'angoisse inhérent à la solitude. Surtout lorsque
l'héroïne évoque la disparition de la seule créature qu'elle
finit par ne plus considérer autrement que comme un ami : le
chien Lynx. La musique abrutissante des débuts reléguée par
l'auto-radio de ses hôtes laisse la place à l'apaisement des bruits
de la nature et la partition du compositeur allemand Jean-Sébastien
Bach. Si la science-fiction n'est qu'un point de départ, l'harmonie
de la mise en scène, de l'interprétation, des décors et de leur
atmosphère font de ce Mur Invisible,
un acte d'amour envers la nature, un retour aux sources de la vie. Un
film profond, intelligent, ''new age''. Presque une antithèse au
cinéma rugueux d'un autre réalisateur autrichien : le brillant
Michael Haneke...
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