Les
réunions familiales ou entre amis sur grand écran, on sait
généralement comment cela commence et comment cela se termine. La
plupart des longs-métrages distillent les éclats de rire du début
à la fin grace à des dialogues finement écrits. On s'aime, on se
déteste, on rit, on pleure, mais dans la plupart des cas, tout ça
finit dans une certaine bonne humeur. On pense notamment à Un
Air de Famille de Cédric Klapisch ou
Cuisine et Dépendances de
Philippe Muyl. Et puis, il y a quelques exemples plus rares de
comédies qui prennent une direction tout à fait différente. Le
genre à ne ménager ni leurs personnages ni les spectateurs.
Exemple: le glaçant Préjudice
du réalisateur et scénariste BELGE Antoine Cuypers. Oui, comme si
la Belgique était une fois encore moins frileuse que la France à
prendre des chemins de traverse et diriger la Comédie vers un humour
beaucoup moins confortable. Bien plus noir comme on a l'habitude de
nommer le genre lorsqu'il se penche sur des sujets plus délicats
tels que la mort, la maladie, les histoires de famille, etc...
Il
ne faut cependant pas croire que dans notre hexagone, ne subsistent
que les comédies légères de Dany Boon (Bienvenue
chez les Ch'tis), Kad Merad
(Brillantissime,
la daube signée en 2018 par Michèle Laroque) Christian Clavier
(Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu et
sa suite réalisées toutes deux par Philippe de Chauveron) ou Frank
Dubosc (Camping 1,
2, 3,
la trilogie ringarde de Fabien Onteniente, également auteur du
nullissime All Inclusive).
Non, certains auteurs savent mettre des mots sur... les maux, et le
faire avec style ainsi qu'avec un sens certain de la mise en scène.
Comme chez Antoine Cuypers, l'acteur français Cédric Kahn, lequel a
le bon gout de s'offrir l'un des principaux rôles de son tout
dernier long-métrage en tant que réalisateur Fête
de Famille, signe une comédie qui au
fil du récit s'assombrit à tel point que l'on oublie presque les
sourires du début pour ne retenir que la noirceur du propos...
L'histoire est
pourtant ce qu'il y a de plus classique. Aujourd'hui est une journée
spéciale pour Andréa, cette septuagénaire qui pour fêter son
anniversaire a réuni toute sa famille. Toute ou presque puisqu'il en
manque une: sa fille Claire qui vit depuis trois ans aux Etats-Unis.
Pourtant, le rêve d'Andréa se réalise puisque Claire refait
justement surface ce jour là. C'est donc en compagnie de ses frères
Vincent et Romain, de leur conjointe respective, des deux fils du
premier mais également de la fille de Claire, Emma et de son petit
ami Julien et bien sûr de son époux Jean qu'Andréa espère fêter
son anniversaire. Malheureusement rien ne va se dérouler comme
prévu. Alors qu'Emma et ses deux petits cousins préparent une pièce
de théâtre à l'attention de leur grand-mère, alors que Romain
tente de retenir sa fiancée Rosita qui ne se sent pas à sa place
dans ce contexte qui peu peu à peu va se déliter et alors que
Romain met la dernière patte aux préparatifs de l'anniversaire de
sa mère, Claire annonce son intention d'ouvrir un gîte en Espagne
avec une amie. Mais pour cela, elle a besoin de deux-cent mille
euros. Une somme qu'elle a bien l'intention de récupérer de
l'hypothétique vente de la maison familiale. Ce qui n'est pas au
goût de tout le monde...
Cédric
Kahn met en place ce qui n'aurait pu être qu'un vaudeville dans
lequel s'enchaînent les quiproquos et les disputes entre membres
d'une même famille sauf qu'il choisit une vue de la famille proche
de la vision d'Antoine Cuypers. A tel point que Fête
de Famille paraît comme une adaptation
francisée d'une comédie dramatique belge particulièrement noire.
Si Catherine Deneuve se pose en matriarche dépositaire d'un calme
presque religieux, l'interprétation démentielle de l'extraordinaire
Emmanuelle Bercot balaye absolument tout sur son passage. En
admirateur et en fin connaisseur du métier d'acteur, Cédric Kahn
dirige ses interprètes avec une précision et une maturité
exceptionnelles. A travers Fête de
Famille le réalisateur et acteur étudie
les comportements d'une famille où tout ou partie semble avoir été
sacrifié au mensonge. Si l'on s'amuse d'abord de certains traits de
caractère (Vincent Macaigne est irresistible en vidéaste amateur
irrésponsable), très rapidement, le ton change lorsque débarque le
personnage de Claire. Sanguine, instable, bipolaire, Emmanuelle
Bercot l'incarne avec une touchante justesse et une force telle
qu'elle parvient à nous indisposer. Dans le paysage humoristique
français, Fête de Famille figure
presque comme une exception. En tout cas, une franche réussite,
admirablement interprétée et mise en scène. Un film à voir,
absolument...
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