Premier long-métrage du
cinéaste britannique Michael Pearce, Jersey Affair
prend pour cadre l'île Anglo-Normande du même nom pour nous conter
l'histoire de Moll, une jeune et jolie jeune femme coincée entre une
mère autoritaire qui l'étouffe et le souvenir d'une erreur de
jeunesse qui la bouffe jusqu'à la moelle. Du moins, jusqu'à ce jour
où après avoir quitté en catimini la fête célébrant son anniversaire, elle
fait la connaissance de Pascal. Un artisan au passé criminel
important qui va lui porter secours alors qu'un homme s'avère un peu
trop entreprenant envers elle. Bien que sa mère voit d'un mauvais
œil la nouvelle relation qu'entretiennent sa fille et le jeune
homme, Moll parvient pour la première fois à s'imposer, se libérant
peu à peu du joug de sa génitrice. Mais alors que les ''amis'' peu
à peu deviennent ''amants'' ressurgit un fait divers macabre. En
effet, sur l'île de Jersey quatre meurtres de jeunes filles ont été
commis et avec son passé criminel, Pascal est dans la ligne de mire
de la police...
Porté
par l'extraordinaire interprétation de l'actrice irlandaise Jessie
Buckley, Jersey Affair
aborde les thèmes de l'émancipation, de l'amour et de la passion
sous un angle nébuleux. Pourtant, même si le doute persiste
concernant la responsabilité de Pascal dans la série de meurtres,
l'intérêt du long-métrage réside ailleurs. L'actrice irradie le
film de la première seconde à la dernière minute et c'est à
travers des plans souvent fugaces et silencieux que Michael Pearce
évoque l'emprise des membres de la famille de Moll. Le réalisateur
impose dès les premiers instants la pesante présence de la mère de la jeune femme
(fameuse Geraldine James) ainsi que celle de sa
sœur Polly (l'actrice Shannon Tarbet) qui d'une simple annonce
(l'arrivée prochaine de deux jumeaux dans la famille) évoque un
contexte familial dans lequel, Moll est souvent la dernière dans
l'ordre de priorité. À ce titre, Jersey Affair
évoque le glaçant Préjudice
réalisé en 2015 par le cinéaste belge Antoine Cuypers.
Pourtant,
plus encore que l'ambiance chargée, le fait divers sordide qui
entoure l'île et ses habitants ou les soupçons portés sur Pascal,
c'est bien l'histoire d'amour que vont vivre Moll et ce dernier qui
délivre le spectateur de l'inconfort dans lequel l'a installé
Michael Pearce. Mise en scène, scénario mais surtout,
interprétation participent à l'excellence de Jersey
Affair
qui plus que de reprendre certains codes du thriller a l'intelligence
de proposer une aventure qui sort des carcans habituels. Autre point
positif à accorder au film : son ambiance un brin décalée.
Mais on ne parle pas ici de décalage humoristique, non, mais de
cette émanation quelque peu sulfureuse qui naît de la liaison entre
les deux amants, lesquels peuvent éventuellement s'inscrire dans une
même optique que le couple rageur de Natural
Born Killer
d'Oliver Stone. Sauf qu'ici, le climat, les décors et la planante
musique du britannique Jim Williams et de l'islandais Gunnar
Oskarsson participent d'une autre approche. Un conte exotique,
macabre, passionné, dans lequel les préjugés vont bon train et les
contraintes sociales ont la vie dure.
Pour
un premier film, Michael Pearce signe une œuvre presque parfaite où
des myriades d'émotions naviguent sur un terrain pourtant
dangereusement meuble. On est touché par l'amour fragile de nos deux
héros que le réalisateur aurait pu laisser évoluer vers un sort
similaire à ceux de Charles Starkweather et Caril Ann Fugate ou de
Bonnie Parker et Clyde Barrow (ouais, bon, j'exagère un peu). Il y a
des films qui ne peuvent compter que sur la mise en scène, le
scénario ou l'interprétation. Jersey Affair
repose sur une alchimie parfaitement menée révélant de très
grands interprètes et un réalisateur très prometteur. On en
redemande...
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