Chopper nous
convie pour un court instant à vivre auprès de l'un des plus grands
criminels que l'Australie ait connu. Né le 17 novembre 1954 et
décédé à l'âge de cinquante-neuf ans le 9 octobre 2013, Mark
Brandon "Chopper" Read semble avoir été un criminel
''multi-fonction''. Chef de gang, cambrioleur, incendiaire,
usurpateur d'identité, tortionnaire et kidnappeur, il a passé de
nombreuses années en prison. Le cinéaste néo-zélandais Andrew
Dominik dont il s'agissait du tout premier long-métrage n'a pas
choisi de nous conter l'histoire de celui qui se faisait appeler
''Chopper''
de sa plus tendre enfance jusqu'à son adolescence. Tout commence ici
alors que Mark est déjà en prison, condamné pour avoir mis en danger la
vie d'un juge alors qu'il n'était encore qu'un adolescent. Les
conditions de détention sont particulières et d'ailleurs, le
long-métrage d'Andrew Dominik ne nous en dévoilera qu'un bref
aperçu. Pas de réfectoire, de douches, de cellules communes...
juste une sorte d'enclos, de pièce centrale, blanche du sol au
plafond dans laquelle se jaugent deux camps, dont celui de Mark.
Mark,
justement... Chopper pour les intimes et personnage qui traîne avec
lui une étonnante ambivalence qui peut tout aussi bien séduire
qu'agacer. Car derrière cet individu capable du pire (le meurtre
qu'il commet lors du premier acte est, reconnaissons-le, assez peu
ragoutant) se cache sans doute l'enfant qui n'aura pas eu le temps de
''grandir'' avant d'être directement plongé dans la violence.
L'acteur australien Eric Bana cerne assez bien son personnage. Entre
l'ogre épris de reconnaissance, insensible à la douleur physique
mais préoccupé par ce que l'on dit de lui, et ce gamin naïf trahi
par ses ''amis'' mais toujours convaincu que derrière cette trahison
demeure l'espoir. Chopper est
un grand premier film. Une œuvre belle et sordide. Dure et fragile.
Andrew Dominik n'hésite pas à verser dans le gore lorsqu'il
considère que cela est nécessaire. Mais rien n'est jamais gratuit
et sert un propos qui tourne autour de son héros. Un individu auquel
même la liberté sonne comme une incarcération.
Car
comme le démontre avec force ce véritable acte d'amour dans lequel
il ne faudrait surtout pas mal interpréter les objectifs du
cinéaste, c'est toute la souffrance de Mark qu'Andrew Dominik
exploite afin de, sinon justifier, du moins expliquer comment un
homme en est venu à de telles extrémités. Image poisseuse, lumière
déliquescente, décors fanés... toute la dégénérescence du
milieu dans lequel vivait et vivra encore notre héros à sa sortie
de prison sonne comme un rappel de ce qu'était, est, et sera sa vie.
Eric Bana signe une interprétation magistrale, mélange de monstre
au cuir tanné, au cœur d'enfant, mais à l'âme tourmentée par de
sombre et inexactes interprétations de son entourage. Chopper
est surtout une œuvre parcourue de visions sinistres formidablement
mises en lumières par la photographie de Geoffrey Hall et Kevin
Hayward. Loin de l'étude clinique d'un cas sans doute irrécupérable
de schizophrène, le film d'Andrew Dominik est une saisissante
plongée dans la tête d'un homme qui aura grandit sans modèles. Un
uppercut ! Choquant ! Pathétique! Morbide ! Furieux !
Émouvant ! Et définitivement culte !
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