L'alcool, les cigarettes,
la baise, c'est le quotidien de Gunther, de son père et de ses trois
oncles. Enfin, c'est surtout celui des adultes car à son âge, ce
jeune garçon qui va à l'école à vélo, n'a pas d'amis, et dont la
mère a quitté les siens pour vivre avec son amant à quelques pâtés de
maisons de là est le témoin ''privilégié'' d'une inexorable
dérive qui touchera chacun des membres de sa famille, à commencer
par lui. La Merditude des Choses (De Helaasheid
der Dingen) est sombre, trash, irrévérencieux, grossier,
mais ce ton volontairement outrancier cache une poésie et une
profondeur inattendues. Comme si cette merditude qui colle aux
basques de ses personnages avait une chance de disparaître,
combattue par la force de caractère d'un Gunther dont la
caractérisation cache l'écrivain et traducteur belge Dimitri
Verhulst, auteur du roman original De Helaasheid der Dingen
qu'il écrivit en 2006 et qui s'inspirait de sa propre existence.
Essentiellement
situé durant l'enfance du jeune héros, La Merditude
des Choses
est surtout une œuvre atypique qui semble ne trouver de comparable
que le cinéma du nord de la France et des pays frontaliers. Comme si
la vie désespérée de ses personnages était impossible à
concevoir dans les régions où le soleil brille à longueur d'année.
Plus
que la simple comédie trash, Felix Van Groeningen signe une œuvre
poignante dessinant le parcours d'un enfant devenu homme et revenant
sur son passé. L'évocation de son enfance auprès de son père, de
ses trois oncles et de sa grand-mère. De l’irresponsabilité d'un
père ayant atteint l'alcoolisme au dernier degré. De l'absence
d'une mère considérée de pute par son propre fils. Et d'un milieu
social défavorisé dans lequel la famille de Gunther est à juste
propos considérée de marginale. Si l'humour noir est évidemment de
la partie, c'est sans doute le côté le plus sombre et désespéré de La
Merditude des Choses que
retiendront en général les spectateurs. Felix Van Groeningen ne
comptant absolument pas ménager ces derniers, de nombreuses
séquences pourront s'avérer difficiles voire déchirantes. Il étudie
également l'évolution intellectuelle de son personnage principal
lors de voyages ponctuels entre passé et présent. D'où la
question : Gunther saura-t-il faire fit de sa propre expérience
pour accepter à son tour d'être père et d'éduquer son enfant dans
de meilleures conditions que les siennes ?
La Merditude des
Choses,
derrière ce titre, entre racolage pour amateur de ''trashitudes''
et évocation brute d'une vie de marginal passée à la moulinette de
l'émotion, est une œuvre précieuse, rare, intense, et
bouleversante. Malgré l'effervescence qui anime ses personnages,
Felix Van Groeningen dirige ses personnages avec une cohérence
remarquable. Remarquable également est l'interprétation des membres
de cette famille hors du commun. De Kenneth Vanbaeden qui incarne
Gunther enfant jusqu'à Valentin Dhaenens qui l'interprète à l'âge
adulte, en passant par Koen De Graeve, Johan Heldenbergh, Wouter
Hendrickx, Bert Haelvoet et Gilda De Bal qui incarnent respectivement
le père, les oncles, et la grand-mère du jeune héros, tous
participent à l'élaboration d'une œuvre exceptionnelle dont
l'émouvante partition musicale composée par Jef Neve finit
d'achever le spectateur. Inoubliable et bouleversant, La
Merditude des Choses
a reçu de nombreux prix au festival du Cinéma Flamand en 2010 ainsi
que le Prix Art et
Essai de la CICAE
au festival de cannes l'année précédente...
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