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samedi 24 août 2019

La Belle Noiseuse de Jacques Rivette (1991) - ★★★★★★★★☆☆



La Belle Noiseuse, c'est d'abord l'aboutissement d'une vie toute entière consacrée à la peinture. À une œuvre jamais achevée, abandonnée dix ans en arrière par un artiste qui depuis n'a plus touché un seul pinceau. Mais il faut surtout le savoir, c'était avant de devenir un long-métrage fleuve long de presque quatre heures, une nouvelle de l'écrivain français Honoré de Balzac publiée pour la première fois en août 1831 sous le titre Maître Frenhofer mais depuis connue sous celui de Le Chef-d'œuvre Inconnu. D'abord sorti sous le titre Divertimento dans une version écourtée longue de cent-vingt cinq minutes, le quatorzième long-métrage du cinéaste français Jacques Rivette est une œuvre passionnante sur l'art créatif dans lequel interviennent des concepts sans doute restés inédits pour l'amateur non-averti en matière de peinture : de l'absence totale de compassion de l'artiste pour son modèle, ou de la contrition de ce dernier pour celui auquel il se met à nu. Si le peintre essaie de s'extraire de l'abîme intellectuel dans lequel il est plongé depuis qu'il a cessé toute activité, le modèle, lui, est assujetti aux desiderata de l'artiste auquel il voue son corps au mépris de la douleur physique.

Pour incarner le rôle du peintre Édouard Frenhofer, le cinéaste convoque un monstre d'interprète en la personne de Michel Piccoli. Emmanelle Béart, quant à elle, incarne le modèle, la belle et fragile Marianne. D'un côté l'une des plus grandes stars masculines du cinéma français et de l'autre, une ''débutante'' qui n'a jusqu'à présent (nous sommes en 1991), interprété qu'une dizaine de rôles au cinéma dont l'un des personnages centraux du formidable Manon des Sources de Claude Berri cinq ans auparavant. La Belle Noiseuse est également parcouru par les présences de David Bursztein dans le rôle de Nicolas, le petit ami de Marianne qui était déjà présent dans la nouvelle d'Honoré de Balzac, et surtout de Jane Birkin dont le naturel et la présence hantent les merveilleux décors du film, et notamment le château de Assas dans le Languedoc-Roussillon qui sert de cadre principal au récit.

Datant du dix-huitième siècle, il fut bâtit sur les vestiges d'un château féodal et fut une ancienne seigneurie languedocienne. Chaque plan ou presque est l'occasion pour le spectateur de s'immerger dans un espace érigé de pierre taillées à la main, de plafonds hauts comme deux hommes. Les cigales chantent et le soleil brille tandis que l'artiste et son modèle s'enferment et s'isolent dans l'atelier de peinture plusieurs jours durant pour donner naissance à la Belle Noiseuse du titre. Si quelques courtes séquences laissent supposer que Michel Piccoli pourrait être celui qui tient durant des heures plumes et pinceaux, cette main qui d'abord s'exerce dans des cahiers à dessins puis sur de grandes toiles, est en réalité celle du peintre et photographe Bernard Dufour, mort à l'âge de quatre-vingt treize ans en 2016 et connu pour sa représentation de femmes particulièrement sexuées.

Le concept est au demeurant fort particulier, mais son efficacité reste sidérante. Encore faut-il être en mesure d'en accepter les préceptes : car ici, plus que les mots, ce sont les gestes qui prévalent. Si les échanges verbaux n'ont pas tout à fait été omis de l’œuvre de Jacques Rivette, ils sont cependant bien maigres face aux longues séances tournées dans l'intimité d'une ancienne grange transformée en atelier de peinture. Si les deux héros de cette histoire, chacun à leur manière, sont mis à nu, c'est pourtant celle qui incarne Marianne qui fera preuve d'un courage exemplaire en acceptant de tourner intégralement nue lors de nombreuses scènes de poses durant lesquelles, l'intégrité physique de Marianne est mise à mal par un artiste sourd à sa douleur. Objet de fascination ou de rejet (il faut pouvoir encaisser les quatre heures de la version intégrale), La Belle Noiseuse est une œuvre hypnotique qui envoûte les sens. Remarquablement interprété et d'une saveur organique et intellectuelles inédites, le film de Jacques Rivette méritait amplement les prix qu'il remporta, et notamment celui du jury au festival de Cannes de l'année 1991...

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