King Kong, roi de la
jungle... urbaine, déchu de son piédestal, au sommet de l'Empire
State Building... On connaît tous le sort tragique du plus grand, du
plus noble et du plus élégant des primates et pourtant, même après
cette énième version du mythe, l'effroyable dernier acte est
toujours bouleversant. Comme si l'âme sensible qui nous traverse
parfois était incapable d'accepter de voir quelle par d'inhumanité
peut se cacher chez certains de nos semblables. Mais avant cette
insoutenable tragédie finale, Peter Jackson a rendu le plus
merveilleux, le plus brillant et le plus spectaculaire résultat d'un travail
rendant hommage au roi des Titans. Trois heures et vingt minutes d'un
spectacle aussi merveilleux qu'intense. Dont les effets-spéciaux
s'intègrent à un récit et une interprétation sans failles. Mais
revenons au début, lorsque tout commence deux-cent minutes plut tôt
et que le dixième long-métrage du cinéaste néo-zélandais s'ouvre
sur ''I'm Sitting on Top of the World''
de Al Jolson...
Deux
ans après avoir signé le troisième volet de l'incroyable
adaptation cinématographique du Seigneur des Anneaux
et sept avant celle du Hobbit,
Peter Jackson accepte de réaliser le remake du King
Kong
de Merian Caldwell Cooper et Ernest Beaumont Schoedsack ayant
lui-même déjà inspiré une second version en 1976 et réalisée
cette fois-ci par le cinéaste John Guillermin. Le poids de
l'héritage est important, mais après avoir rassuré les fans de
J.R.R. Tolkien en réalisant une trilogie du Seigneur
des Anneaux
en tous points remarquable, son King Kong
à venir a l'air d'une sinécure. Pourtant, l'auteur du cultissime
Bad Taste
au tout début de sa carrière de cinéaste n'a pourtant pas choisi
de se reposer sur ses lauriers comme le prouvera ce long-métrage
fleuve de presque trois heure trente dans sa version ''Director's
Cut''.
Si
le King Kong
de Peter Jackson est effectivement une franche réussite, terme
éminemment réducteur si l'on tient compte du fait qu'il s'agit sans
doute de l'un des meilleurs blockbusters sortis sur les écrans cette
année là aux côtés du Batmans Begins
de Christopher Nolan, il n'est cependant pas tout à fait exempt de
défauts. Un terme à mettre au singulier puisqu'après un premier
acte durant lequel le cinéaste expose en quelque sorte les
inintéressants états d'âme du personnage de Carl Denham incarné
par l'acteur Jack Black (Soyez sympas, rembobinez
de
Michel Gondry), et la bluette entre les génialissimes Naomi Watts
(qui incarne l'héroïne Ann Darrow) et Adrien Brody (qui campe Jack
Driscoll), le film ne prends son rythme de croisière (sans mauvais
jeu de mots) qu'au bout de trois-quart d'heure seulement. Si le temps
paraît long durant ces quarante-cinq première minutes, ces
dernières sauront très vite se faire oublier par la suite car le
spectacle que va nous offrir Peter Jackson et toute son équipe
technique va dépasser de très loin tout ce que l'on aurait pu
imaginer, ou du moins espérer. En effet, dès lors que la ''Skull
Island''
(territoire où vit le singe géant) se profile dans le sillage du
navire du capitaine Englehorn (excellent Thomas Kretschmann),
le récit ne connaîtra plus aucune baisse de
régime :
Le
second acte s'ouvre sur la rencontre des protagonistes avec une
peuplade de sauvages vivant sur l’Île du Crâne (des indigènes au
moins aussi impressionnants que ceux du formidable Apocalypto
de Mel Gibson). S'ensuit un périple au cœur d'une nature luxuriante
à la recherche d'Ann Darrow, d'abord offerte en sacrifice par les habitants de
l'île puis kidnappée par le grand singe qui s'enfonce alors en
plein cœur d'une forêt particulièrement hostile. Acte le plus
important en terme de mise en scène, d'interprétation et
d'effets-spéciaux, il couvre plus de la moitié du long-métrage et
propose un spectacle grandiose aux effets-spéciaux extraordinaires.
On y découvre la présence d'innombrables espèces animales ayant
toutes connu une croissance démesurée. Du simple moustique, en
passant par les cafards, les poissons, divers insectes, et des vers
pour une séquence qui reste gravée dans les esprits. Qu'elles
rampent, qu'elles volent ou qu'elles nagent dans les eaux putrides de
l'île au Crâne, les créatures que sont amenés à croiser les
protagonistes sont toutes dangereuses. Au titre du bestiaire, le
spectateur assistera à la rencontre avec un troupeau de brontosaures, d'un
tricératops, et d'un trio de tyrannosaures particulièrement
affamés. En terme de rythme et d'ambiance, Steven Spielbeg peut aller
se rhabiller. Et même si Peter Jackson opte pour des séquences
d'action vertigineuses MAIS souvent dénuées de tout réalisme (en
dehors de l’improbabilité de croiser des dinosaures de nos jours),
il est impossible de demeurer indifférent devant ce spectacle
ininterrompu aux extraordinaires effets-spéciaux conçus par les
compagnies de Peter Jackson, Weta
Workshop et
Weta Digital.
Un travail remarquable effectué sur les décors (faune et flore
étant intégralement issus de l'imagination de leurs concepteurs)
ainsi que sur la numérisation de King Kong lui-même réalisée à
partir de l'interprétation d'Andy Serkis, lequel avait auparavant prêté ses traits au personnage de Gollum dans la
trilogie du Seigneur des Anneaux
ainsi que pour celle, plus tard, de La Planète
des Singes
dans laquelle il interpréterait le singe César.
Le troisième acte, lui, se situe dans le Broadway des années 1930
reconstitué avec un soucis du détail démesuré. Costumes, décors,
accessoires, moyens de locomotion. C'est bien simple, on s'y
croirait. Les immeubles furent quant à eux conçus à l'aide de
diverses techniques d'effets-spéciaux. Si chacun d'entre eux ne
mesurait que l'équivalent de deux étages construits avec les matériaux d'usage courant dans le cinéma, les étages supérieurs
furent conçus en images de synthèse. L'histoire se répétant,
c'est après que King Kong ait été arraché de sa terre d'origine
pour être exhibé par un Carl Denham ayant perdu tout son bon sens
au titre de la reconnaissance, de la gloire et du billet vert que
l'on retrouve le grand singe lors d'un dernier acte propageant le
désordre dans un Broadway cataclysmique et un final devenu culte et
répété depuis le début du siècle dernier par le chef-d’œuvre
de Merian Caldwell Cooper et Ernest Beaumont Schoedsack.
Au
delà des effets-spéciaux, de l'interprétation générale et de
l’époustouflante mise en scène de l'un des plus fascinants
artisans du septième art, l'un des aspects les plus remarquables
entrepris sur le tournage de King King
se situe au niveau de la caractérisation du grand singe entièrement
réalisé en images de synthèse. Jamais l'on n'aura vu jusque là
une créature non humaine exprimer avec autant d'humanité ses
sentiment. Qu'il s'agisse de son attachement nouveau pour la digne
descendante de Jessica Lange (King Kong
1976) ou de montrer avec force détails sa gestuelle ou plus
simplement les traits de son visage, le King
Kong
de Peter Jackson est attachant, bouleversant, et au final... terriblement humain. Parfois taquin,
orgueilleux, bougon... les différentes séquences qui l'unissent au
personnage interprété par Naomi Watts tiennent du miracle et ne
font que redouter la sentence finale... Peter Jackson signait en
cette année 2005, un très grand blockbusters, grouillant
d'effets-spéciaux qui pour le bien de ses fidèles adorateurs, ne
parasitent jamais l'intrigue. Un très grand film qui aurait pu
atteindre le statut de chef-d’œuvre si le premier acte
n'apparaissait pas tant inutile...
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