Pendant que les
blockbusters feront de grosses recettes, de petits films sans
prétentions tenteront toujours de sortir de l'ombre en perçant l'épaisse
croûte qui les sépare de la lumière. Directement sorti chez nous
en DVD, The Endless n'aura
malheureusement pas connu les joies d'une sortie nationale. Sans
doute pas suffisamment commercial, pas assez grand public et
probablement trop intimiste et insuffisamment ''bourrin''
pour plaire au plus grand nombre, tel semble être ou ne pas être le film de Justin Benson et Aaroon
Moorhead. Condamné à finir sa vie sur l'écran large des vrais
passionnés de science-fiction, The Endless
suit donc la même voie que des classiques aussi instantanés que The
Man From Earth
de Richard Schenkman (oubliez la séquelle, totalement indigeste) ou
Prédestination
de Michael et Peter Spierig, deux long-métrages qui eux non plus
n'ont pas connu les honneurs d'une diffusion sur grand
écran...Semblant tenir compte de l'adage qui veut que l'on n'est
jamais aussi bien servi que par soit même, Justin Benson et Aaron
Moorhead réalisent, scénarisent, produisent, montent se chargent de
la photographie et interprètent eux-même leur troisième
long-métrage...
Un
film qui opère un virage vers un certain cinéma artisanal, bricolé,
tout en demeurant d'une incroyable originalité et d'un formidable richesse thématique. De la
science-fiction mature, intellectuelle, profonde qui ne se contente
pas d'accumuler les clichés habituels ou d'endormir le spectateur en
planquant un quelconque scénario sous une avalanche
d'effets-spéciaux.
The Endless
prend d'abord pour cadre une secte dont les membres se sont suicidés
et à laquelle ont échappé Justin et Aaron, deux frères qui sous
l'impulsion du premier ont pris la fuite avant que la situation ne
dégénère. Des deux frangins, Justin semble avoir mieux vécu le
départ de la secte que son frère Aaron qui lui, depuis dix ans,
semble n'avoir pas encore digéré le fait que son frère l'ait
contraint à le suivre. Lorsqu'ils reçoivent un très curieux
message vidéo de l'un des membres du ''Camp
Arcadia'',
Aaron supplie Justin d'accepter de l'accompagner là-bas pour une
journée afin de revoir leurs anciens compagnons. Si les deux garçons
sont plutôt bien accueillis, Justin reste méfiant tandis qu'Aaron
se rapproche d'Anna, la jeune femme présente sur la vidéo. Alors
que leur séjour va se prolonger bien au delà de cette seule
journée, les deux frères vont constater que des événements
étranges se produisent à l'intérieur même du camp. Pour
commencer, ses membres ne semblent pas avoir vieilli. Anna qui
paraît-il a quarante ans n'en paraît que la moitié. Mais le plus
inquiétant demeure dans les faits étranges qui se déroulent aux
abords du camp. Une entité invisible semble avoir pris possession
des lieux. Les deux frères sont alors loin d'imaginer ce à quoi ils
vont être confrontés...
Avec
leur troisième long-métrage, Justin Benson et Aaron Moorhead
réalisent une œuvre curieuse, qui sort très largement des sentiers
(re)battus de la science-fiction et de l'épouvante traditionnelles.
Ils y convoquent une imagerie toute ''Lovecraftienne''
(une créature se tapissant dans les ténèbres semble fasciner les
membres du ''Camp
Arcadia''),
théorisant sur une équation physique et surtout, retenant chacun
dans une sorte de boucle temporelle à laquelle ils semblent ne
pouvoir échapper. C'est par petites touches que l'angoisse
s’infiltre dans ce récit qui laisse tout d'abord planer le doute
avant de confirmer les certitudes des membres du camp : le
sourire de l'un glace le sang. L'imperméabilité émotionnelle d'un
autre constitue un élément perturbateur. Comme cette gentillesse
toute naturelle qui pourtant laisse planer le doute quant aux
intentions supposées réelles des membres. On ne sait quelle vérité
recèle le choix de ces hommes et de ces femmes de vivre hors des
contingences, chacun apportant ses propres connaissances, tous voués
à un culte étrange dont les réalisateurs/acteurs choisiront de
conserver une grande part de mystère. En mélangeant les genres,
Justin Benson et Aaron Moorhead auraient pu pondre une œuvre
manquant de cohésion et se dispersant au grès de leur imagination,
et pourtant, c'est bien dans les différents choix qu'ils
entreprennent que The Endless
(l'infini) trouve sa voie. Angoissant, pénétrant, mystérieux et
fascinant, le long-métrage de Justin Benson et Aaron Moorhead est
une sorte de relecture beaucoup moins ''auteurisante''
(et avouons-le, très prise de tête) que le Primer
de Shane Carruth, mâtiné d'un soupçon de culte païen parfois
aussi angoissant que Le Dieu d'Osier
(The
Wicker Man)
de Robin Hardy en 1973 et renouvelant le thème de la boucle
temporelle et des extraterrestres sous un angle beaucoup moins tape à
l’œil que les habituelles grosses productions américaines. Et que dire de la partition musicale de Jimmy LaValle qui pén^tre littéralement notre cortex cérébral...? Après
un Spring
fort convaincant mêlant épouvante et romantisme, Justin Benson et
Aaron Moorhead prouvent une fois encore qu'en choisissant d'aborder
leur nouveau sujet sous l'angle de l'originalité, ils ont choisi le
bon cheval. Déjà culte ! On attend avec impatience leur nouveau projet intitulé Synchronic, une oeuvre de science-fiction qui devrait logiquement voir le jour dans le courant de l'année...
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