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vendredi 26 avril 2019

The Endless de Justin Benson et Aaron Moorhead (2019) - ★★★★★★★☆☆




Pendant que les blockbusters feront de grosses recettes, de petits films sans prétentions tenteront toujours de sortir de l'ombre en perçant l'épaisse croûte qui les sépare de la lumière. Directement sorti chez nous en DVD, The Endless n'aura malheureusement pas connu les joies d'une sortie nationale. Sans doute pas suffisamment commercial, pas assez grand public et probablement trop intimiste et insuffisamment ''bourrin'' pour plaire au plus grand nombre, tel semble être ou ne pas être le film de Justin Benson et Aaroon Moorhead. Condamné à finir sa vie sur l'écran large des vrais passionnés de science-fiction, The Endless suit donc la même voie que des classiques aussi instantanés que The Man From Earth de Richard Schenkman (oubliez la séquelle, totalement indigeste) ou Prédestination de Michael et Peter Spierig, deux long-métrages qui eux non plus n'ont pas connu les honneurs d'une diffusion sur grand écran...Semblant tenir compte de l'adage qui veut que l'on n'est jamais aussi bien servi que par soit même, Justin Benson et Aaron Moorhead réalisent, scénarisent, produisent, montent se chargent de la photographie et interprètent eux-même leur troisième long-métrage...
Un film qui opère un virage vers un certain cinéma artisanal, bricolé, tout en demeurant d'une incroyable originalité et d'un formidable richesse thématique. De la science-fiction mature, intellectuelle, profonde qui ne se contente pas d'accumuler les clichés habituels ou d'endormir le spectateur en planquant un quelconque scénario sous une avalanche d'effets-spéciaux.

The Endless prend d'abord pour cadre une secte dont les membres se sont suicidés et à laquelle ont échappé Justin et Aaron, deux frères qui sous l'impulsion du premier ont pris la fuite avant que la situation ne dégénère. Des deux frangins, Justin semble avoir mieux vécu le départ de la secte que son frère Aaron qui lui, depuis dix ans, semble n'avoir pas encore digéré le fait que son frère l'ait contraint à le suivre. Lorsqu'ils reçoivent un très curieux message vidéo de l'un des membres du ''Camp Arcadia'', Aaron supplie Justin d'accepter de l'accompagner là-bas pour une journée afin de revoir leurs anciens compagnons. Si les deux garçons sont plutôt bien accueillis, Justin reste méfiant tandis qu'Aaron se rapproche d'Anna, la jeune femme présente sur la vidéo. Alors que leur séjour va se prolonger bien au delà de cette seule journée, les deux frères vont constater que des événements étranges se produisent à l'intérieur même du camp. Pour commencer, ses membres ne semblent pas avoir vieilli. Anna qui paraît-il a quarante ans n'en paraît que la moitié. Mais le plus inquiétant demeure dans les faits étranges qui se déroulent aux abords du camp. Une entité invisible semble avoir pris possession des lieux. Les deux frères sont alors loin d'imaginer ce à quoi ils vont être confrontés...

Avec leur troisième long-métrage, Justin Benson et Aaron Moorhead réalisent une œuvre curieuse, qui sort très largement des sentiers (re)battus de la science-fiction et de l'épouvante traditionnelles. Ils y convoquent une imagerie toute ''Lovecraftienne'' (une créature se tapissant dans les ténèbres semble fasciner les membres du ''Camp Arcadia''), théorisant sur une équation physique et surtout, retenant chacun dans une sorte de boucle temporelle à laquelle ils semblent ne pouvoir échapper. C'est par petites touches que l'angoisse s’infiltre dans ce récit qui laisse tout d'abord planer le doute avant de confirmer les certitudes des membres du camp : le sourire de l'un glace le sang. L'imperméabilité émotionnelle d'un autre constitue un élément perturbateur. Comme cette gentillesse toute naturelle qui pourtant laisse planer le doute quant aux intentions supposées réelles des membres. On ne sait quelle vérité recèle le choix de ces hommes et de ces femmes de vivre hors des contingences, chacun apportant ses propres connaissances, tous voués à un culte étrange dont les réalisateurs/acteurs choisiront de conserver une grande part de mystère. En mélangeant les genres, Justin Benson et Aaron Moorhead auraient pu pondre une œuvre manquant de cohésion et se dispersant au grès de leur imagination, et pourtant, c'est bien dans les différents choix qu'ils entreprennent que The Endless (l'infini) trouve sa voie. Angoissant, pénétrant, mystérieux et fascinant, le long-métrage de Justin Benson et Aaron Moorhead est une sorte de relecture beaucoup moins ''auteurisante'' (et avouons-le, très prise de tête) que le Primer de Shane Carruth, mâtiné d'un soupçon de culte païen parfois aussi angoissant que Le Dieu d'Osier (The Wicker Man) de Robin Hardy en 1973 et renouvelant le thème de la boucle temporelle et des extraterrestres sous un angle beaucoup moins tape à l’œil que les habituelles grosses productions américaines. Et que dire de la partition musicale de Jimmy LaValle qui pén^tre littéralement notre cortex cérébral...? Après un Spring fort convaincant mêlant épouvante et romantisme, Justin Benson et Aaron Moorhead prouvent une fois encore qu'en choisissant d'aborder leur nouveau sujet sous l'angle de l'originalité, ils ont choisi le bon cheval. Déjà culte ! On attend avec impatience leur nouveau projet intitulé Synchronic, une oeuvre de science-fiction qui devrait logiquement voir le jour dans le courant de l'année...

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