Jean-Pierre Jeunet sans
Marc Caro, c'était sans doute la peur d'une approche esthétique du
septième art perdue à jamais. Pourtant, le futur allait prouver
qu'il n'en était rien et que le cinéaste français réussirait haut
la main à voler de ses seules ailes tandis que son ancien compagnon
de cinéma irait se perdre dans une pseudo science-fiction
intellectuelle bien moins marquante qu'un Bunker Palace Hôtel
signé Enki Bilal. Dévergondé le temps d'un long-métrage
en outre-atlantique (le désastreux Alien, la Résurrection),
Jean-Pierre Jeunet revenait parmi les siens et leur offrait en 2001
le magnifique Fabuleux Destin d'Amélie Poulain,
n'en déplaise aux contestataires. Celui-là même dont l'héroïne,
avec le temps, finirait par agacer une partie du public, sans
reconnaissance aucune pour un auteur et ses interprètes. Puis vint
alors Un long Dimanche de Fiançailles,
ce beau film tenant surtout davantage de l'œuvre d'art plastique que
du réel film à l'impact émotionnel tant recherché par son auteur.
Une triste période que cette années 2004... Puis il y a presque dix
ans (que le temps, inexorablement, passe vite...), arrivait enfin sur
nos écrans, ce Micmacs à Tire-Larigot dont
il est désormais question ici. Avant-dernier long-métrage d'un
esthète accompli, et surtout, retour d'un esthétisme cher à
l'ancien duo que formaient les deux cinéastes avant leur séparation.
Vingt
ans après qu'il soit descendu vers la capitale, Dany Boon est choisi
opportunément ou pas par Jean-Pierre Jeunet pour incarner le
personnage de Bazil, fils de démineur, envoyé en orphelinat après
la mort de son père. Retrouvé trente ans plus tard allongé sur le
sol du vidéoclub qu'il gère seul, le crâne troué d'une balle
perdue, le voici désormais lancé dans une aventure dont seul
Jean-Pierre Jeunet semble avoir le secret. Déjà l'on retrouve ces
couleurs chaudes, surannées, vieillies par on ne sait quel procédé
que l'on aimerait chimique plutôt que numérique. Delicatessen
n'est déjà plus aussi loin que laissent le prétendre les dix-huit
années qui séparent les deux films. Jean-Pierre Jeunet se fera
d'ailleurs plus loin l'écho d'un hommage vibrant à ce chef-d’œuvre
de l'anticipation et à celui avec lequel il l'écrivit et le
réalisa. Une scène émouvante dont il faut obligatoirement
conserver le secret, même presque dix ans plus tard, puisque
certains ne l'ont encore probablement pas vu.
Bazil vit désormais du mime, qu'il exerce tout comme Dany Boon le
pratiquait sur Paris. Remarqué par Placard, il est pris sous l'aile
d'une bande de clochards vivant à l'intérieur d'une caverte
secrètement située sous un immense amas de ferraille. Désormais
considéré comme un membre de cette étrange 'famille', c'est
lors d'une sortie à la recherche d'objets de récupération que
Bazil tombe nez à nez avec l'entreprise qui a fabriqué la mine qui
a tué son père et cette qui a forgé la balle qui l'a atteint deux
mois auparavant. Il est donc désormais temps pour le jeune homme de
faire payer les PDG de ces deux usines de la mort en les confrontant
l'un à l'autre. Et pour cela, Bazil va se faire aider par ses
nouveaux compagnons...
Il se dégage de Micmacs à Tire-Larigot, une véritable
poésie, généralisée par des décors somptueux, des dialogues aux
petits oignons, et des situations toutes plus rocambolesques et
surréalistes les unes que les autres. La chef décoratrice Aline
Bonetto qui avait débuté sa carrière en 1991 sur Delicatessen
et l'avait notamment poursuivie sur les tournages de La Cité
des enfants perdus, Le Fabuleux Destin d'Amélie
Poulain, ou encore Astérix aux Jeux olympiques
de Frédéric Forestier et Thomas Langmann, crée des décors
fourmillant de détails et dont la caverne représente sans aucun
doute l'aboutissement d'un travail d'orfèvre impressionnant. La
photo est quant à elle l'oeuvre du directeur de la photographie
japonais Tetsuo Nagata. Les couleurs sont magnifiques, et la majorité
des images baignées d'une teinte sépia sont renforcées par
quelques notes de bleus ou de verts qui rehaussent l'ensemble et
donnent au long-métrage, l'apparence de tableaux vivants dans
lesquels s'intègrent parfaitement les personnages grâce aux
costumes créés par Madeline Fontaine déjà à l'oeuvre sur deux
longs-métrage de Jean-Pierre Jeunet. Quelques airs rappellent le
Paris d'Amélie Poulain mais sont cette fois-ci l’œuvre
du compositeur Raphaël Beau. Les dialogues sont quant à eux le
résultat du travail accompli par Guillaume Laurant (autre fidèle
allié du cinéaste).
Aux côtés de Dany Boon, on retrouve un grand nombre de vedettes du
cinéma puisque'André Dussolier, Jean-Pierre Marielle, Nicolas
Marié, Julie Ferrier, Yolande Moreau, Omar Sy et le toujours fidèle
Dominique Pinon participent à l'aventure dans des rôles aussi
importants que celui incarné par l'humoriste. Des personnages haut
en couleur et portant des noms typiques du cinéma de Jean-Pierre
Jeunet : La Môme Caoutchouc, Fracasse, Placard, Tambouille,
Ange-Gardien, Calculette, ou encore Remington. On retiendra la
prestation d'Omar Sy dans le rôle de Remington, passionné de bons
mots et ne s'exprimant qu'à travers des expressions célèbres ou
encore Julie Ferrier qui dans le rôle de la Môme Caoutchouc, passe
son temps à se contorsionner et entrer dans des bouches d'aération
ou dans des cartons à peine plus grands qu'elle. Micmacs à
Tire-Larigot est une excellente surprise, pleine de
trouvailles ingénieuses. La famille Tire-Larigot est attachante et
chaque personnage a son importance. Même les méchants André
Dussolier et Nicolas Marie sont captivants. Si le film ne propose pas
un scénario d'une richesse exemplaire, il a le mérite de proposer
une aventure familiale sympathique et fort agréable à l’œil. Une
bonne surprise...
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