De la fiction...
A la sortie de la
projection de Jestem morderca, dernier long-métrage du
cinéaste polonais Maciej Pieprzyca, le sentiment d'avoir assisté à
quelque chose de passablement innovant est réellement perceptible.
Ces individus qui fascinent autant qu'ils révulsent à la simple
évocation des horreurs que la justice leur a imputé trouvent leur
contradiction derrière le portrait qu'a choisi le cinéaste de
dresser sur l'un des pires tueurs en série de Pologne. Car derrière
Wiesław Kalicki, cet homme marié, père de deux enfants, se cache
peut-être et même très probablement le coupable d'une série de
meurtres qui ensanglante le pays depuis plusieurs années et qui
jusqu'à son arrestation, a fait douze victimes. Toutes des femmes.
Le nom a changé, mais l'histoire repose sur celle de Zdzisław
Marchwicki, surnommé à l'époque des faits 'le Vampire de
Zagłębie'. Le film se décompose en plusieurs actes pas
véritablement définit par de quelconques inserts mais par les
différentes étapes menant de l'arrestation du criminel jusqu'à sa
pendaison en passant par le procès.
Jestem morderca
évoque
le contact étroit qui va naître entre le tueur supposé et
l'inspecteur nouvellement chargé de l'enquête, Janusz Jasinski. La
pression hiérarchique et les attentes du peuple sont telles que pour
assurer sa carrière, le flic ira jusqu'à provoquer des faits de la
part de certains témoins (ici, l'épouse même du tueur qui espère,
en témoignant contre son mari, toucher un million de zloty promis à
quiconque aiderait à l'arrestation du tueur). Presque une amitié
sincère, allant bien au delà du jeu que certains flics jouent afin
d'amadouer les suspects. Si bien que la frontière entre manipulation
et réel affection devient de plus en plus floue.
Bien
que le cinéaste mette le plus souvent en avant le personnage de
Januzs Jasinski (on suit son quotidien d'époux, de père et d'amant
se dégrader à mesure que le procès se profile), c'est ici, le
tueur qui nous intéresse et la manière dont est menée l'enquête
avec ce sentiment que l'ordre des choses n'est pas véritablement
respecté. L'enquête étant relativement bâclée du fait que les
éléments incriminant soient proportionnellement faibles par rapport
à l'importance des enjeux, le spectateur finit par se demander dans
quelle mesure cet individu que l'on considérait au premier abord
comme éminemment détestable, pourrait être en réalité, la
victime innocente d'une machine judiciaire n'ayant que comme unique
objectif, de rassurer la population.
J'écrivais
plus haut que Jestem morderca renforçait
le sentiment que quelque chose de neuf se déroulait sous nos yeux.
Et c'est sans doute vrai puisque de l'arrestation, en passant par
l'interrogatoire, le procès et l'exécution, le spectateur a
largement le temps de se faire sa propre opinion. Au point de se
demander si l'on assiste pas simplement à une erreur judiciaire. Et
lorsque le doute arrive, alors, ce personnage que l'on méprisait se
mue alors en un individu victime du système. De la broyeuse
judiciaire, et ce, jusqu'à ce qu'il soit pendu. Ne reste plus alors
que l'insupportable impression d'avoir assisté à une injustice. Un
fait qui sépare très largement la fiction de la réalité.
D'ailleurs, le cinéaste Maciej Pieprzyca semble avoir
volontairement choisit de s'éloigner de la réalité pour ne
conserver qu'une partie de la véritable histoire. Au final, Jestem
mordercase
révèle être une assez bonne surprise, déroutante, et laissant non
pas un sentiment mitigé consécutif à la réalisation ou à
l'interprétation, toutes deux de très bonne facture, mais à la
forte impression de manque qu'offre le récit qui ouvre des portes
sans que toutes soient fermées. Un choix risqué, mais qui s'avère
finalement payant puisque le film laissera sans doute quelques traces
dans l'esprit des spectateurs lors d'un final poignant...
...à la réalité
Né le 18 octobre 1927, le serbe Zdzisław Marchwicki est connu en
Pologne pour avoir commis de nombreux meurtres (14, plus 7
tentatives). Surnommé le Vampire de Zagłębie',
il débuta sa carrière de tueur en série le 7 novembre 1964,
laquelle s'acheva le 4 mars 1970, et fut arrêté deux ans plus tard,
le 6 janvier 1972. L'enquête dura plus de deux ans et le 28 juin
1975 lors du procès, le tribunal condamna Zdzisław Marchwicki à
mort. Il fut exécuté par pendaison à la prison de détention
provisoire de Katowice et enterré au cimetière de Katowice
Panewniki, non loin de la tombe d'un autre tueur en série, Bogdan
Arnold, surnommé lui-même 'le
Vampire de Katowice'...
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