Cinq ans après
l'expérience fantastique que fut la découverte de l'extraordinaire
Stalker du cinéaste russe Andreï Tarkovski, c'est la
seconde fois aujourd'hui que je me penche sur son œuvre. Alors même
que l'exploration de certains de ses plus fameux films m’apparaît
comme une évidence (je pense notamment à Solaris et à
Andreï Roublev que
j'attends avec impatience de pouvoir découvrir), j'ai
pourtant jeté mon dévolu sur son premier long-métrage réalisé
en 1962. L'Enfance d'Ivan. Ou comment revenir aux
origines d'un cinéaste toujours aussi prompt à noyer ses intrigues
dans des univers accordant une large place à l'onirisme. Tiré de la
nouvelle écrite par l'écrivain soviétique Vladimir Bogomolov, et
adapté pour le grand écran par son auteur lui-même ainsi que par
Mikhaïl Papava, l’œuvre d'Andreï Tarkovski est à ce point
déroutante dans son approche qu'il demeure difficile d'en faire une
analyse totalement objective.
Étrange repoussoir pour
certains. Voyage fantastique aux confins de la mémoire pour
d'autres. Dur de choisir son camp. Les moyens mis en œuvre
paraissent parfois si pauvres que l'on a bien du mal à imaginer
assister à un épisode tragique opposant l'armée soviétique à
l'armée allemande. Les effets-visuels tendent parfois à la naïveté
par leurs jeux de lumières et leurs feux d'artifices simulant des
bombes volant au dessus de la tête de nos héros. Ce n'est que
rétrospectivement, et après avoir probablement assimilé l’œuvre
toute entière du cinéaste que l'on comprendra sans doute (ceci
demeurant pour moi, à ce jour, une hypothèse) le message caché
derrière ces effets puérils.
Car le récit de
L'Enfance d'Ivan
ne tourne-t-il pas autour d'un enfant, jeté non pas malgré lui mais
avec une féroce et personnelle volonté dans un combat opposant deux
nations ? Peut-être faut-il donc y voir la vision de cet
enfant. Les yeux encore tout embués par l'imagerie enfantine qu'il
ne cesse pourtant de vouloir chasser de son esprit. Et ce, afin
d'être définitivement débarrassé de cette enveloppe qui lui colle
à la peau et qui l'empêche de devenir l'adulte qu'il rêve d'être.
Tout
débute par un rêve, qui très vite se transforme en cauchemar.
Andreï Tarkovski s'adresse au spectateur par énigmes. On sent
poindre l'idée d'un drame dont les conséquences furent suffisamment
terribles pour qu'un gamin désire fuir sa condition d'enfant afin
d'obtenir vengeance. Mais de quelle vengeance s'agit-il ? Cela,
le spectateur le découvrira bien plus tard, mais avant cela, il
devra subir un spectacle qui au regard de l’œuvre future de l'un
des plus grands cinéastes russes de sa génération, se révèle
malgré tout décevant. C'est d'autant plus rageant que le final
laisse déjà entrevoir les multiples possibilités dont le cinéaste
aura la bonne idée d'abuser dans son remarquable Stalker
dix-sept
ans plus tard. L'Enfance d'Ivan propose
un spectacle peu motivant, ne laissant même pas au spectateur
l'opportunité de créer son propre imaginaire à l'aide des outils
visuels mis à disposition par Andreï Tarkovski. Seuls quelques
rares plans demeurent en surface et font regretter que le reste ne
soit que dialogues insipides et décors figés.
La
fin, curieusement, peut être envisagée de manières différentes
selon que l'on est prompt ou non à accepter le merveilleux dans une
œuvre avant tout considérée comme un film mêlant drame et
guerre. Une image, celle d'Ivan lui-même, remet alors tout en
question. Les dix dernières minutes seront certainement les seules à
visuellement bluffer le spectateur. En tout cas, elles me donnèrent
suffisamment de raisons de regretter que le cinéaste russe n'ait pas
choisi de traiter l'intégralité du long-métrage avec autant
d'application que cette fin superbement onirique. Une fin qui aurait
pourtant sans doute des conséquences positives pour l'avenir, du
réalisateur, laissant espérer un spectacle à venir, grandiose et
majestueux. Ce qu'allait fort heureusement prouver très rapidement
Andreï Tarkovski...
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