Always Shine,
second long-métrage de l'actrice et réalisatrice américaine Sophia
Takal après Green en 2011, serait le remake du
huitième film que réalisa le réalisateur, scénariste et producteur américain Robert Altman en 1972. Au
cœur d'une intrigue s'employant à démonter certaines mécaniques
propres à la jalousie, à l'envie et au manque de confiance en soi,
Anna et Beth. Deux jeunes femmes aussi blondes, mais bien moins
maniérées, que les shampouineuses et manucures habituellement (et
sempiternellement) caricaturées. Deux amies, de longue date, toutes
deux actrices, mais à différents niveaux. Pour que cloche leur
relation alors qu'elles partent pour quelques jours se ressourcer à
la campagne (et profiter de la maison de la tante d'Anna), il fallait
bien que la cinéaste invoque à travers le scénario de Lawrence
Michael Levine (Gabi on the Roof in July) une raison
valable pour que naisse de ce week-end au départ idyllique, une
séance de crêpage de chignons un brin dérangeant.
D'un côté, Beth donc.
Héroïne de quelques minuscules bandes numériques mais suffisamment
connue sur les réseaux sociaux pour qu'une « groupie »
interfère dans la discussions autour d'une table impliquant son amie
de toujours Anna. Déjà, on note une réaction de cette dernière
plutôt troublante. Jalouse, Anna ? Peut-être. Ou peut-être
pas encore. Mais l'on sent déjà pointer chez elle une certaine gêne
devant l'engouement de la fan de service pour son amie alors
qu'elle-même galère pour trouver des rôles au cinéma. Une
situation que ne fera que s'aggraver car, non contente de « crouler »
sous les demandes, Beth attire
davantage les hommes que son amie Anna. Il y a donc dans ce
parallèle, de quoi appesantir l'ambiance de ce Always
Shine
qui sombre peu à peu dans l'aigreur d'une jeune femme qui voit des
myriades de tapis rouges se dérouler devant sa meilleure copine. Une
Beth a priori peu sûre d'elle, préférant se dénigrer afin de ne
pas blesser une Anna qui ne mettra pas longtemps pour voir dans le
jeu de son amie, un certain niveau de perversion.
Toute
la question demeurant au fil d'une intrigue reposant presque
exclusivement sur le jeu des actrices Caitlin Fitzgerald (Dirty
Movie),
et surtout sur celui de Mackenzie Davis (Freaks
Of Nature),
de savoir à quel niveau situer le comportement de l'une et de
l'autre. L’œuvre s'ouvrant sur un casting auquel participe Beth,
la réponse y demeure sans doute concernant cette timide et fragile
jeune interprète que son amie finit par dénoncer comme étant une
réelle manipulatrice. Sauf qu'en instaurant un climat délétère où
la jalousie de l'une bouffe littéralement l'espace, on se demande
même jusqu'au générique de fin dans quelle mesure tout n'est que
le fruit de l'esprit tourmenté d'Anna.
Sophia
Takal s'amuse à placer quelques pièces dans cet ingénieux puzzle
mental forçant le spectateur à remettre sans cesse en question les
éventuels acquis. Beth s'ennuie-t-elle lorsqu'Anna fait le forcing
devant un beau mâle quadragénaire finalement séduit par la
première que par la seconde ou se désespère-t-elle en secret de
voir son amie jeter son dévolu sur un individu qu'elle aurait
préféré elle-même s'accaparer ? La réponse arrivera bientôt
sous l’œil perturbé d'une Anna qui s'enfonce (sans doute) peu à
peu dans la psychose. Là encore, quelques éléments viennent étayer
l'hypothèse selon laquelle, la pauvre petite Beth n'est pas aussi
angélique que voudrait le laisser entendre son joli minois :
pourquoi n'a-t-elle pas prévenu son amie qu'un jeune cinéaste
amateur voulait l'engager sur le tournage d'un court-métrage ?
Le spectateur, pauvre pomme endormie par l'astucieuse mécanique mise
en place par la cinéaste, pensera bêtement que la première aura tu
l'information pour protéger son amie d'une déconvenue (le jeune
réalisateur n'acceptant la présence d'Anna sur le tournage de son
court-métrage que si elle l'autorise à la débaucher sans
contrepartie financière !).
Always Shine est
un astucieux ballet qui recèle de nombreuses scènes dont l'aura est
démultipliée par l'interprétation si impeccable de ses deux
principales actrices, qu'aucune surenchère visuelle n'y demeure
indispensable. Encore une fois, c'est bien grâce à la présence à
l'écran de MacKenzie Davis que l’œuvre de Sophia Takal prend
toute son ampleur. Tour à tour virile, sexy, sensuelle, ou
schizophrène, elle porte littéralement l'adaptation du scénario de
Lawrence Michael Levine sur ses épaules. Always
Shine
est fin, psychologiquement perturbant, et si j'ai décidé de lui
retirer une étoile sur les huit que j'avais prévu lui mettre, c'est
en raison d'une conclusion attendue et manquant totalement de
surprise. Mis à part ce détail...
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