Un an après la grande
révolte de Mai 68 durant laquelle des grèves de grande ampleur et
des manifestations ont eu lieu sort sur les écrans de cinéma
français le premier long-métrage du cinéaste Gérard Pirès,
Erotissimo. En vedette, la belle Annie Girardot, Jean
Yanne, et Francis Blanche. En entame, les événements de Mai 68. Le
film s'inscrit donc directement à l'issue des émeutes et propose
une vision très moderne de
l'émancipation de la femme à travers l'exploitation de son
potentiel érotique par la presse et la publicité. Alors que
Philippe (Jean Yanne) est contrôlé
par l'inspecteur des finances Butor (Francis Blanche), ce riche PDG
d'une entreprise spécialisée dans les accessoires pour bébés
délaisse peu à peu son épouse (Annie Girardot), accaparé qu'il
est par ce polyvalent qui va, dès lors, éplucher la totalité de
ses comptes professionnels et personnels. Sur le ton de l'humour,
Erotissimo
décline le scénario écrit à six mains par Nicole de Buron, Gérard
Pirès et Pierre Sisser sur un mode tout à fait étonnant. En roue
libre, le long-métrage ressemble à un collage plus ou moins
cohérent de scènes aux multiples aspirations. Du couple qui se
délite sous le poids des responsabilités du président directeur
général d'une entreprise, jusqu'au questionnement de son épouse
qui se demande devant la distance prise par son mari si elle est
encore à la hauteur.
Arrive
alors à point nommé la réponse à ses turpitudes : la femme
moderne se doit d'être sexy. Et même si dehors, certains haranguent
les épouses délaissées et refusent l'image de ces femmes soumises
au dictât du mâle et des médias, Annie va tout faire pour se
reconquérir Philippe.Nouvelle
coiffure, passage obligé chez l'esthéticienne, nouvelles robes. Le
ravalement de façade une fois accompli, c'est avec désespoir qu'au
retour de Philippe, Annie constate que rien n'a changé. Obsédé par
le contrôle fiscal dont il est l'objet, le mari ignore sa
femme. Aiguillée par une amie dont les avis sont plus ou moins
avisés, Annie ne sait plus quoi faire pour attirer l'attention de
Philippe. A moins qu'un amant...
Erotissimo,
presque cinquante ans après sa sortie, continuera de demeurer un
objet filmique non identifié. Ou presque puisque derrière un humour
pas toujours immédiat, Gérard Pirès dresse le portrait d'un couple
miné par les responsabilités de l'époux. La vie professionnelle
prenant le dessus sur la vie privée, ça n'est certes pas nouveau,
mais à revoir ce film datant de 1969, année très érotique
sublimée en son temps par un certain Serge Gainsbourg qui apparaît
justement à la sortie d'un cinéma porno, le style contemporain de
l'époque paraît avoir bien vieilli. Les chemises à fleurs ont
disparu. Du moins, celles à la mode en cette période très
près-Woodstock, festival qui accueillera un demi million d'adeptes
de musique folk et rock deux mois après la sortie du long-métrage
de Gérard Pirès. Une œuvre contestataire qu'aurait pu finalement
réaliser lui-même Jean Yanne, surtout qu'il réalisera lui-même
quelques brûlots contestataires particulièrement jouissifs dont le
scandaleux (pour l'époque), Tout le Monde il est
Beau, Tout le Monde il est Gentil.
Erotissimo est
aussi l'occasion aujourd'hui pour l'amateur, de retrouver des gueules
bien
connues du grand et du petit écrans : Rufus dans le rôle du
comptable de Jean Yanne, l'acteur italien Venantino Venantini dans
celui de (l'amant)
Sylvio, les animateurs Jacques Martin et Fabrice, les chanteurs
Nicole Croisille, Jacques Higelin et Serge Gainsbourg, donc, ou
encore Daniel Prevost et jacques Balutin.
Le
montage est parfois ultra-nerveux. Les situations sont souvent
pittoresques. Annie Girardot est magnifique (le film est l'occasion
de la voir porter une grande panoplie de robes), Jean Yanne toujours
aussi savoureusement bougon, Francis Blanche délicieusement retors.
Une œuvre sur le couple, ses déchirements (ici traités sur un ton
beaucoup moins triste que n'aurait pu le laisser supposer le sujet),
les médias, la société. Un long-métrage incongru, atypique,
contemporain en son temps, mais aujourd'hui, quelque peu
anachronique. A voir pour son originalité et ses interprètes...
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