Coïncidence ?
Lorsque sort sur les écrans américains le 26 Octobre 1984, le
dernier né de Brian de Palma Body Double, la présence
de deux des interprètes du soap opera Santa Barbara coïncide
étrangement avec leur participation au nouveau film de l'auteur de
Phantom of the Paradise et Carrie. Lane
Davies qui interprétait Mason Capwell du clan familial du même nom
et David Haskell qui incarnait Nick Hartley apparaissent donc de
manière succincte dans Body Double.
De manière à rentabiliser l'affaire en attirant les amateurs de ce
qui allait devenir comme l'un des plus populaires soap
opera
américain, qu'il s'agisse sur sa terre natale ou bien même chez
nous, en France, où il connaîtra un bel engouement de la part du
public français ? Si l'étroitesse existant entre la diffusion
du téléfilm sur NBC et la sortie en salle de Body
Double laisse
envisager qu'il ne s'agit que d'une coïncidence, cette dernière
demeure troublante. Surtout à la vision du long-métrage de Brian de
Palma, un hommage évident au cinéma du britannique Alfred Hitchcock
(Vertigo),
et dont le visuel naïf et l'interprétation quasi télévisuelle de
ses interprètes laissent planer un doute. Une peu à la manière de
David Lynch et de son Blue Velvet et
Brian Yuzna et Society,
le cinéaste originaire de Newark dans le New Jersey s'approprie les
codes esthétiques du soap opera afin d'y insuffler une aura exhalant
le souffre.
Sur
un air des plus troublant composé par Pino Donaggio (Telescope),
il se dégage de Body Double une
extraordinaire sensualité, parfaitement retranscrite à travers
l'interprétation de la sublime Deborah
Shelton (qui remporta le titre de Miss USA en 1970, on comprend
pourquoi), actrice ayant participé à une vingtaine de
longs-métrages ainsi qu'à un grand nombre de séries télévisées.
Regard vert, intense, corps de rêve. Dont la silhouette bouleverse
Craig Wasson, ou plutôt son personnage, Jake Scully. Acteur de
seconde zone, trompé par son épouse (Barbara Crampton, pour une
apparition de quelques secondes seulement) viré du plateau de
tournage où il interprétait le rôle d'un vampire. Mais pour un
acteur claustrophobe, demeurer dans un cercueil étant quasiment
impossible, il est remplacé par un autre. Sans argent, ni toit, ni
travail, il fait tout à fait par hasard la connaissance de Sam
Bouchard, un acteur qui comme lui traîne de casting en cours de
théâtre. Habitant dans une luxueuse demeure prêtée par un ami,
Sam propose à Jake d'y loger durant les cinq prochaines semaines.
C'est là que ce dernier fera la connaissance de Gloria (Deborah
Sheldon, donc), par l'entremise d'un téléobjectif pointé sur son
appartement. La jeune femme, tous les soirs, se donne légèrement
vêtue en spectacle. Alors que Sam abandonne l'appartement à son
nouvel ami pour les cinq semaines à venir, Jake profite du spectacle
donné par Gloria à dix-huit pétantes, tous les soirs. C'est ainsi
qu'il découvre qu'il n'est pas seul à la regarder danser à moitié
nue devant la baie vitrée de son salon. Un homme que Jake identifie
comme étant un indien semble malintentionné...
Dans
le rôle de Jake Scully donc, Craig Wasson, acteur qui débuta sa
carrière au cinéma avec Le
Toboggan de la Mort et
y mit un terme en 2006 après sa participation au tournage de Akeelah
and the Bee
de Doug Atchison. On le vit notamment dans le rôle du Docteur Neil
Gordon dans Les Griffes
du Cauchemar
(troisième opus de la saga Freddy
Krueger)
ou dans Velocity Trap,
œuvre de science-fiction signée Philip J. Roth en 1997, mais c'est
bien avec son interprétation dans Body
Double qu'il
tient son meilleur rôle. Incarnant à la perfection ce personnage
effacé, peu confiant en lui, trompé, naïf et timide, ce dernier se
« révèle »
au moment même où tout semble perdu. C'est au contact d'une autre
magnifique interprète que le personnage de Jake se libère
véritablement. Car si Deborah Shelton incarnait la sensualité,
Melanie Griffith, elle, incarne désormais la sexualité. D'un côté,
la brune sensuelle, de l'autre, la blonde sexuelle.
Brian
de Palma qui jusqu'ici filmait des personnage dans un visuel de
téléfilm stéréotypé qui dans sa globalité relevait de la
naïveté, à l'arrivée de Holly Body (Melanie Griffith), le
cinéaste chamboule les repères auxquels il nous avait habitué et
plonge ses personnages (et nous avec), dans le stupre du milieu de la
pornographie. A la danse langoureuse de Gloria, à la petite culotte
de dentelle blanche, Brian de Palma préfère désormais le cuir, le
latex, et le décor sordide d'un porno-soft servant de cadre au
groupe bien réel qu'est Frankie
Goes to Hollywood.
Ses membres choisiront finalement de tourner leur propre clip pour la
chanson entendue dans le film, Relax.
D'ailleurs, la réalité rejoignant la fiction, le clip se révélera
finalement bien plus glauque que les quelques images que l'on
entrevoie dans Body
Double. L’œuvre de Brian de palma est également un témoignage de son amour
pour le cinéma. Du tournage du film d'horreur, aux décors, en
passant par les scènes de casting et les cours de théâtre. Il y
convoque également le thème des fausses apparences, aspect que nous
n'évoquerons pas ici afin de ne rien révéler du contenu. Toujours
est-il que Body Double
se
révèle être une œuvre troublante, comme dit plus haut, sensuelle
et sexuelle, naïve par certains aspects de son approche et
finalement assez inattendue dans son approche esthétique. L'un des
meilleurs de son auteur. Shelton et Griffith y sont superbes et
Wasson excellent...
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