Galant, Pierre
Granier-Deferre imagine les sources du mal à travers l'odieux
personnage de Julien que campe merveilleusement bien Jean Gabin. Le
responsable, c'est donc forcément lui. Un homme qui n'éprouve plus
rien pour celle qu'il a aimée. Jalousée. Au point de se satisfaire
de l'accident dont elle fut victime par le passé. C'est vrai, qui
aurait alors voulu d'une éclopée ? Beau prince, lui l'a
épousée. Mais ne lui a jamais fait d'enfants. L'a cloisonnée dans
ce petit pavillon de banlieue. Sans doute très joli à l'époque de
sa construction, mais qui dans ce quartier qui accueillera bientôt
de grands et modernes buildings fait tâche.
Alors, justifié ou pas,
le comportement de Clémence peut après tout se comprendre. Ce chat
qui vient de s'installer dans le couple, c'est forcément lui le
problème. Du moins, celui qui n'aide pas à la réconciliation. D'un
côté, Julien qui se trouve un nouveau compagnon, désertant
davantage encore ses responsabilités d'époux. De l'autre, Clémence,
qui vit l'intrusion du félin comme une nouvelle trahison. Oui,
vraiment, on peut comprendre qu'à bout de force, elle aie voulu s'en
débarrasser. L'abandonner dans un grand magasin. Pour l'atteindre
lui, Julien, lui faire mal comme il la blesse, elle, sans relâche,
ignorant ses cris de désespoir. Lorsqu'il acceptait encore de lui
adresser la parole. Ce silence qui désormais hante les lieux, c'est
lui qui l'a instauré. Et puis, arrive ce qui devait arriver...
« j't'avais
dit que j't'aimerais toujours, ben, je m'suis gouré, j'ai vieilli,
et puis j't'aime plus... »
Le Chat,
c'est la promesse d'une expérience vraiment hors du commun. C'en est
même presque trop. Trop de chagrin. Trop de noirceur. Trop
pessimiste. Avec ce long-métrage, Pierre Granier-Deferre nous
introduit dans l'intimité de ce couple délié avec une force
d'évocation étonnante. Simone Signoret joue sur l'expressivité de
son visage pour faire passer la foule d'émotions qui traversent son
personnage. Jean Gabin, lui, use de son timbre et d'un vocabulaire
imprudent. Le Chat n'est
clairement pas le film divertissant des familles. C'est surtout la
satisfaction de retrouver deux interprètes magnifiques qui du haut
de leur talent, n'ont pas besoin d'en faire des tonnes pour qu'un
long frisson nous parcoure l'échine. Pierre Granier-Deferre expose
ses personnages sans pour autant donner dans le voyeurisme. Curieux
comme le film semble faire référence à l'histoire même de Simone
Signoret qui selon la légende, vécu une fin de relation avec
l'immense Yves Montand, plutôt désagréable. Avec pudeur, mais sans
jamais sacrifier son œuvre à la facilité et aux compromis, le
cinéaste prenait un risque insensé. Le long-métrage est si
désespéré, si profondément ancré dans la noirceur du propos et
de ses personnages qu'on pourrait éprouver le besoin de le fuir.
S'il
demeure un élément essentiel, pourtant particulièrement discret
ici, à la mise en œuvre de ce récit, c'est le thème musical
composé par Philippe Sarde. Un thème au piano qui, invariablement
fait chavirer le cœur. Vous le transperce comme il incommode l'âme.
La tragédie prend alors davantage de sens et certaines scènes y
gagnent en émotion. En profondeur. Comme ce ralenti fixant sur la
pellicule une Simone Signoret se recoiffant sur le pas de la porte de
leur maison. Bouleversant ! La sinistrose nous guette et
pourtant, il demeure comme une attirance indéfectible envers Le
Chat qu'une
alchimie finement dosée parvient à rendre d'une parfaite
homogénéité. Si Jean Gabin et Pierre Granier-Deferre ne tourneront
plus ensemble, le cinéaste et Simone Signoret se retrouveront par
deux fois encore, sur le tournage de La Veuve
Couderc,
la même année, ainsi que onze ans plus tard en 1982 sur celui de
L'Étoile du Nord...
A noter la présence d'Annie Cordy dans le rôle de Nelly, la
patronne de l'hôtel et ancienne maîtresse de Julien...
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