Le vampirisme et le
septième art, c'est une histoire presque aussi vieille que le
cinéma. Chaque fois ou presque qu'une décennie a ouvert ses portes
au mythe, celle-ci a été accompagnée d'un long-métrage qui n'a
pas laissé que des empreintes sanglantes mais dans l'esprit des
spectateurs, une marque indélébile. De sa variante allemande
réalisée en 1922 par le cinéaste Friedrich Wilhelm Murnau
(Nosferatu), en passant par l'un des plus grands
classiques s'inspirant ouvertement de l'ouvrage littéraire de Bram
Stocker réalisé par Tod Browning en 1931 (Dracula),
jusqu'aux visions personnelles de certains grands auteurs (The
Addiction d'Abel Ferrara). Chacun choisira son camp. Du
traditionnel vampire craignant l'ail et les crucifix, jusqu'à la
créature underground vivant recluse et cachée de ses contemporains.
Pour avoir découvert Låt den rätte komma
in du cinéaste suédois Tomas Alfredson en 2008,
apprendre qu'un remake allait voir le jour deux ans plus tard sous la
houlette du réalisateur, scénariste et producteur américain Matt
Reeves avait de quoi me mettre mal à l'aise. Oser toucher à ce
chef-d’œuvre me paraissait inconcevable. Jusqu'à ce jour
d'octobre 2017 ou n'ayant rien de mieux à regarder, j'osais
affronter la chose avec, tout de même, un petit pincement au cœur.
Laisse-Moi Entrer, c'est son nom. Et pour une fois que
le titre français sonne aussi joliment, autant mettre de côté
l'original qui ne nous apprend rien de nouveau (Let me In).
Matt Reeves adapte lui-même, le scénario qu'écrivit John Ajvide
Lindqvist pour l'adaptation suédoise de son propre roman Låt
den rätte komma in.
Laisse-Moi
Entrer
est peut-être, et même sans aucun doute, l'un des plus beaux, les
plus bouleversants longs-métrages sur le sujet. Impossible d'en
ressortir sans être littéralement ”rincé” par cette histoire,
ce conte magnifiquement interprété par les deux jeunes interprètes
que sont Kodi Smit-McPhee et Chloë Grace Moretz. Une histoire
d'amour, d'amitié. Cruelle, sombre, mais heureusement, parfois
aussi, lumineuse. L'américain rend honneur à l'oeuvre originale en
lui apportant son savoir-faire. Chaque plan est minutieusement pensé.
De la photographie jusqu'aux prises de vue, en passant par la sublime
partition musicale de Michael Giacchino, Laisse-Moi
Entrer crée
un état de béatitude tel que l'objet tient du miracle.
Sans
employer de changements de tons radicaux, Matt Reeves parvient avec
une exceptionnelle homogénéité à passer de la tendresse de ses
deux principaux protagonistes à l'horreur et l'épouvante les plus
épidermiques qui soient. De la monstruosité de l'âme humaine pas
plus haute que trois pommes, à cet amour interdit entre le jeune
Owen et la jolie Abby qui vient tout juste de s'installer dans le
même quartier avec son père. Matt Reeves parvient à faire mieux
que son homologue suédois. La beauté des rapports entre les deux
enfants est magnifiquement mise en lumière par l'intelligente mise
en scène du réalisateur américain. Les seconds rôles participent
à leur manière à l'exploit sans cesse renouvelé de ce qui
participe, je le répète une nouvelle fois, au miracle.
Laisse-Moi
Entrer,
c'est aussi l'occasion d'aborder le mythe du vampire (presque) sous
un nouveau jour. La créature est plus humaine que jamais et révèle
des secrets dont l'exposition fiche un sévère coup au moral. Matt
reeves traite non pas son œuvre comme un simple film d'horreur mais
comme une forme d'initiation vers l'âge adulte dont les derniers
instants révèlent l'aboutissement avec l'envol de ses personnages.
Le cinéaste n'oublie cependant pas le spectaculaire avec quelques
passages plus divertissants que réellement poétiques. La
saisissante scène de la piscine demeure dans le genre
particulièrement exemplaire, le cinéaste cherchant davantage à
suggérer plutôt qu'à montrer ouvertement les faits et ce, en usant
d'une astuce toute bête mais terriblement excitante. Laisse-Moi
Entrer évoque
l'affirmation de soit, relatif lui aussi, au passage à l'âge
adulte. Avec toute la sensibilité due à leur jeune âge, Kodi
Smit-McPhee et Chloë Grace Moretz ne vous laisseront certainement
pas indifférents. L’œuvre de Matt Reeves risque de vous hanter
longtemps encore après la projection. Un authentique chef-d’œuvre...
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