Premiers
symptômes…
Saviez-vous
que sans le toujours très inspiré Alejandro Jodorowsky qui réunit
en 1975 l’auteur de bandes dessinées Moebius, le plasticien,
graphiste et illustrateur Hans Ruedi Giger et le scénariste et
réalisateur Dan O‘Bannon, Alien, le Huitième Passager n’aurait
peut-être jamais vu le jour ? Saviez-vous que le scénario qui dans
un premier temps s’apparentait beaucoup au film d’Edward L. Cahn
"It
! The Terror from Beyond Space"
datant de 1958 s’inspira également d’un détail beaucoup plus
incommodant qui toucha Dan O’Bannon lui-même et qui l’emporta
dans la tombe en 2009 ? Et saviez-vous enfin que Tristan et Yseult
que le cinéaste Kevin Reynolds réalisa en 2006 devait être à
l’origine mis en scène bien des années auparavant par Ridley
Scott lui-même en lieu et place de ce que allait devenir (et
demeurer aujourd’hui encore) comme l’une des œuvres de
science-fiction les plus marquantes de l’histoire du cinéma ? Et
ce parce que l’auteur de "Blade
Runner"
fut totalement subjugué par le premier volet de la saga "Star
Wars",
"La
Guerre des Étoiles" ?
Toute
ces petites choses qui en réalité en sont des grandes, mises bout à
bout, et dieu sait s’il en demeure beaucoup à ajouter à la liste
des événements qui ont forgé la légende Alien, ont participé à
la mise en boite d’un monument de science-fiction et d’épouvante
qui continue de faire son petit effet même après quarante ans. La
marque des plus grands. De ces œuvres qui ne se comptent
certainement pas sur les quelques cheveux résiduels d’un homme
atteint par la calvitie mais qui continuent à faire fantasmer
scénaristes, réalisateur, interprètes et spectateurs du monde
entier. Le genre de long-métrage qui ferait passer n’importe quel
aficionado pour un individu proprement dérangeant ? Dérangé, même
dans sa conceptualisation d’un fanatisme le poussant, tel le
croyant respectant ses prières quotidiennes, à visionner une fois
par semaine ce grand classique spatial et horrifique. A sa manière,
ou à LEUR manière, le ou les auteurs du films, qu’ils aient
directement participé à la mise en scène ou à l’écriture du
scénario ont accouché d’un film à l’érotisme si bien étudié
qu’il semble au premier abord invisible si ce n’était à travers
le regard perçant de certains spécialistes qui virent à travers
certains agissements de personnages ou éléments de décors, des
connotations sexuelles qui une fois révélées au grand jour
deviennent d’une perturbante évidence. Une fois mis devant le fait
accompli, il ne peut demeurer le moindre doute devant cette cavité
organique dessinée par un Giger au sommet de son art et figurant un
vagin immense pénétré par trois des sept passagers du Nostromo
lors de la visite du vaisseau extraterrestre. Si l’on décide de
poursuivre de son propre chef la même voie que celle évoquée par
celui qui se référa à l’appareil génital féminin pour décrire
l’entrée en la matière des trois cosmonautes lors de l’écriture
d’un article consacré à "Alien,
le Huitième Passager",
il devient alors difficile de concevoir la chambre d’incubation où
attendent des milliers d’œufs comme autre chose qu’autant
d’ovules attentifs à l’apparition du spermatozoïde qui les
libérera de la gangue de forme ovoïde qui les retenait jusque-là
en un état végétatif. Plus tard d’ailleurs, n’assistons-nous
pas à la naissance d’un individu et donc d’une forme nouvelle, à
la manière, avouons-le plutôt crade, d’un bébé qu’aura porté
en lui l’un des passagers du Nostromo ?
L’adolescence
de l’alien arrivant particulièrement vite, la créature a pour
habitude de laisser derrière elle ce que l’on a coutume d'appeler
« un joyeux bordel ». Incapable de ranger derrière elle, elle
laisse traîner après son passage les traces de ses exactions envers
l'espèce humaine. De là à juger de son appartenance à une
population xénomorphe nationale-socialiste, il n'y a qu'un petit pas
à franchir pour se convaincre que l'homme ne s'en fera jamais un
ami. D'où l'idée saugrenue que j'ai pu lire je ne sais plus où (et
qui proposait à la suite du premier long-métrage une alternative
assez curieuse à ce premier effort de Ridley Scott) et qui voyait
notre civilisation, ou du moins, quelques-uns de ses représentants
côtoyer une population xénomorphe apparemment assagie.
En
y regardant d'encore plus près, Alien,
le Huitième Passager
peut être considéré comme une œuvre visionnaire à l'attention
des futures mamans se voyant déjà dorloter leur progénitures avant
de subir les assauts immatures de la délicate période de
l'adolescence. Déjà très virulent dans sa forme initiale (que l'on
ne découvrira que longtemps après avec la dernière livraison de
Sieur Scott, "Alien
: Covenant")
mixant apparemment le végétal et l'animal, le Facehugger, ou
Etreigneur de visage prend le relais lors d'une étreinte nourricière
pour la futur progéniture de son hôte, puis mortelle pour ce
dernier. Donnant ainsi la vie à un Chesturbster, ou Exploseur de
poitrine (tout un programme) naissant forcément de façon peu
commune, son hôte n'étant de toute manière pas pourvu des orifices
d'expulsion naturels. Arrive ensuite la créature sous sa forme la
plus séduisante et sans doute la plus mature en dehors de la reine
imaginée et designée par James Cameron pour Aliens sept ans plus
tard. Une créature phallique, luisante, expectorant une bave épaisse
et opaque de sa gueule pourvue d'une double mâchoire dont l'utilité
nous est révélée lors du décès de l'un des membres du Nostromo
parti à la recherche du chat Jones. L'alien de Ridley Scott est un
sale gamin et le Nostromo un bac à sable aux stupéfiantes
dimensions.
Injection
de testostérones…
Une
aire de jeu que James « King
of the World »
Cameron reprendra à son compte pour Aliens,
la suite plutôt couillue d’Alien, l’homologue sans S, et lui
aussi interprété par la superbe mais néanmoins androgyne Sigourney
Weaver. Une séquelle invoquant d’abord Ridley Scott à la mise en
scène et sur une base scénaristique bien différente de celle que
Cameron envisagea. Un scénario qui ne ressortira du placard que bien
longtemps après (il servira en effet de base à Prometheus),
Cameron choisissant d’appliquer la recette de son illustre
prédécesseur à la sauce warrior. Car comme pour Terminator
peu auparavant et Abyss
ou Avatar
plus tard, James Cameron aime quelques spécimens gratinés de cette
belle armée américaine qui se mit en scène bien des années après
dans la guerre du Golfe. De braves soldats rompus à l’art de la
guerre offerts en pâture à une horde de créatures belliqueuses.
Parmi eux, un nouvel androïde, qui, on le jure à Ripley, n’a pas
les défauts du modèle qui le précéda cinquante-sept ans plus tôt
et participa à l’élimination systématique des membres du
Nostromo.
Tout
bon fan de vraie science-fiction s’est forcément demandé un jour
pourquoi les équipages sont parfois constitués d’individus bas du
front dont la présence à bord d’un vaisseau, d’une navette ou
de tout autre véhicule spatial ne serait même pas envisageable dans
la vie réelle. Si l’équipage du vaisseau-cargo minier le Nostromo
est formé d’individus capables de négocier des virages
sécuritaires devant leur permettre de survivre aux assauts répétés
du xénomorphe (malgré l’issue que l’on connait et malgré les
attributs professionnels de chacun), dans le second volet de la saga
Alien
on s’étonne de découvrir des soldats immatures, jaugeant les
attributs (cette fois-ci, physiques) de leurs camarades et se
révélant d’une totale incompétence lors de l’attaque de
la base des colons. Le désordre règne non seulement à travers les
décors semi-organiques imposés par la présence menaçante des
xénomorphes mais également par la seule présence de soldats qui
n’étaient pas préparés à un tel déchaînement de violence.
La
logique voulant que l’on éprouve une certaine hostilité envers
l’androïde Bishop dont la présence ravive de douloureux souvenirs
chez Ripley et chez le spectateur, ce dernier ne tardant pas à
éprouver une certaine antipathie envers Carter
Burke, l'avocat de la compagnie Weyland-Yutani qui employait déjà
Ripley à l’époque du Nostromo, et véritable méchant de cet
épisode.
Alors
que Ridley Scott avait en un seul film parcouru la presque totalité
des évolutions physiques de sa créature (avant d’en imaginer de
nouvelles pour Alien :Covenant)
James Cameron ose imaginer une reine unique (par colonie),
gigantesque (plus de quatre mètres d’envergure), et plus
redoutable encore que l’alien qu’imaginait Ridley Scott dans sa
forme ultime en 1979.
James
Cameron prolonge en 1986 sa vision d’un futur apocalyptique en
jetant ses interprètes dans un environnement similaire à celui
découvert dans les flash-back futuristes de son excellent Terminator
(1984). Lorsque la navette appartenant au vaisseau Sulaco s’écrase
sur la planète LV-4-26,
les images semblent provenir de rushs appartenant au second
long-métrage de James Cameron. La présence de l’acteur Michael
Biehn renforçant encore l’impression que cette scène n’est
qu’une extension de son œuvre de science-fiction séminale.
Toujours aussi emblématique, le personnage incarné par Sigourney
Weaver gagne en valeurs ajoutées. Alors qu’elle n’était jusqu’à
maintenant perçue que comme un commandant de substitution (à la
mort de dallas, dans le premier Alien)
menant un double combat (face au xénomorphe et contre la Compagnie
Weylad-Yutani incarnée par l'androïde Ash), elle est désormais
confrontée au machisme des militaires dont le principal élément
féminin de la section (le 1ère classe Jenette Vasquez, incarné par l'actrice Jenette Goldstein) a évacué l'inconvénient d'être une femme
parmi des hommes en adoptant le même comportement qu'eux.
Contrairement à une Ripley refusant de se soumettre aux railleries
de ses nouveaux camarades en tentant (vainement) d'imposer sa vision
des implications liées à la mission à venir.
James
Cameron intègre la notion d'instinct maternel avec la présence de
Newt, une gamine orpheline déjà découverte au début du film dans
la version longue, et que Ripley prendra d'office sous son aile. Loin
d'imaginer encore le traitement que subira la survivante des
expéditions du Nostromo et du Sulaco une fois lâchée par Cameron
et reprise en main par David Fincher (Seven,
Fight
Club,
Zodiac)
puis plus tard par le français Jean-Pierre Jeunet (Delicatessen,
Le
Fabuleux Destin d'Amélie Poulain),
l'héroïne n'aura jamais autant semblé humaine que dans ce second
volet de la saga. Alien³
rompra
violemment avec l'image touchante de ce personnage qui après avoir
dérivé durant cinquante-sept ans dans l'espace aura retrouvé le
statut de mère après avoir appris la mort de sa fille au début du
long-métrage. Mais ceci est une autre histoire...
bravo Ed
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