De petits films en huit
millimètres. En seize, parfois. Des documents personnels, une voix
off étouffée, presque inaudible. Une cité dévastée par une
tornade de force 5 le 3 avril 1974. Des survivants qui tentent aussi
bien qu'ils peuvent de survivre depuis plus de vingt ans après la
catastrophe. Un monde dont les curieuses règles semblent régies par
les enfants et les adolescents. Les adultes s'y font rares, et
lorsqu'ils pointent le museau, c'est pour agir de manière aussi peu
constructive et mature que leur engeance. Gummo,
ou l'art d'investir les terres du documentaire tout en proposant un
spectacle de fiction radicalement différent de ce que l'on a
l'habitude de voir. Un cinéma qui dérange, qui enfonce des portes
sans annoncer sa présence dans des foyers cradingues, au mobilier
hétéroclite et constitué des restes que la tornade a épargné
vingt-trois ans plus tôt. Xenia, petite ville de l'Ohio. Ou du moins
ce qu'il en reste. Entre images d'archives nous montrant l'horreur
des faits relatés, chiens emberlificotés dans des antennes
satellites, cadavres humains encore tout frais et témoignages crus
et sans filtres d'une jeunesse à la dérive, le premier film du
cinéaste et scénariste Harmony Korine est une expérience très
particulière, sans doute exempt de toute forme de divertissement,
désuète dans son approche « adolescente »,
mais c'est certain, diablement envoûtante.
Marquant
l'entrée de son auteur au panthéon des cinéaste cultes, Gummo
est
libre, trash, émouvant, drôle, ou parfois même antipathique. Il
interroge sur la situation d'une population laissée à l'abandon, à
une jeunesse en proie au désespoir et à un monde des adultes qui
n'est plus là afin d'éduquer sa progéniture sur ce qu'il est bon
ou pas d'exercer comme activité. Il devient alors normal de tuer les
chats errants. A coups de fusil, par noyade ou de quelque manière
que ce soit, pour survivre. Pour revendre la viande à un commerçant
qui en échange offrira de quoi subvenir aux besoins de certains
habitants de Xenia. Du moins pendant un temps. Un peu de cash, ou de
nourriture.
Solomon,
Tummler, Bunny Boy, Darby, Dot, Helen, ou bien Huntz, tels sont les
personnages de Gummo.
Jacob Reynolds, Nick Sutton, Lara Tosh, Jacob Sewell, les frères
Guzak, Jason et Casey... des interprètes inconnus du grand public
pour une œuvre qui n'a alors, vraiment plus rien à voir avec le
spectacle navrant d'une jeunesse américaine dorée et grandissant
dans le confort d'immenses demeures bourgeoises de certains quartiers
huppés des États-Unis.
Le
film de Harmony Korine ne s'embarrasse d'aucune forme de censure et
nous invite à un voyage où certaines valeurs n'ont plus court. La
sexualité, certains la découvrent dans les bras d'une prostituée
occasionnelle « maquée »
par son propre compagnon, lequel ferme les yeux sur la relative
jeunesse de certains clients, dont un Solomon qui n'est pas encore
entré dans le monde des adultes. On croise en autres personnages,
deux frangins connus pour avoir tué leurs parents et qui se battent
devant la caméra pour une simple paire de baskets. Deux sœurs aux
mœurs étranges qui, n'ayant pas le moindre sou, opèrent une
modification mammaire aussi touchante que grotesque. Ici, un groupe
constitué d'une petite dizaine d'individus regroupés dans une
cuisine où « la
mise à mort »
d'une chaise succédera à un concours de bras de fer. Là, le
témoignage d'une adolescente attardée aimant les enfants et
traînant dans ses bras une poupée.
Harmony
Korine a sélectionné toute une série de minuscules sketches tournés
dans certains des quartiers les plus pauvre de Nashville. Tournant
son œuvre dans des conditions parfois intolérables, l'équipe dont
le cinéaste s'entoure alors est contrainte de participer à un
tournage auquel lequel des milliers de cafards s'invitent. Totalement
improvisé, Gummo
offre une totale liberté à ses interprètes. C'est sans doute
d'ailleurs parce qu'il a choisi de les laisser faire ce qu'il
voulaient que le cinéaste est parvenu à les rendre crédibles et
émouvants. Concernant la présence d'animaux dont le sort est
parfois très regrettable, il ne s'agit fort heureusement que de
prothèses. Aucun chat ne semble donc avoir été victime de
maltraitance. La bande originale quant à elle est constituée de
titres pop (Madonna, Roy Orbinson, de chansons populaires (Buddy
Holly) et de quelques titres de black metal ravageurs. Gummo est une
expérience unique à découvrir de toute urgence. Un bel exemple de
cinéma-vérité...
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