Grand Prix du Jury en
1989 pour Trop Belle pour Toi de Bertrand Blier. Encore
une histoire d'amour singulière pour ce cinéaste qui écrit
lui-même le scénario de ses œuvres. Toujours avec une petite
touche de cynisme (lorsqu'il n'en jette pas par sauts entiers), le
fils de l'illustre Bernard Blier nous conte une histoire encore
bouleversante. Peut-être moins évidente pourtant qu'à son habitude
par son approche toute particulière. Au cœur de l'intrigue, un
triangle amoureux formé par Carole Bouquet, Josiane Balasko, et
entre les deux actrices, Gérard Depardieu qui tourne ici pour la
cinquième fois aux côtés de Bertrand Blier. Comme pour Beau-Père
huit ans plus tôt, les personnages semblent directement s'adresser
aux spectateurs, les prenant à témoins du drame qui se noue autour
de ce garagiste, époux d'une très belle femme, père de deux
enfants, et qui va tomber sous le charme de sa nouvelle secrétaire.
Un peu ronde, plutôt fade, c'est pourtant elle que son cœur a
choisi. Trop Belle pour Toi
démontre avec force que lorsque c'est ce dernier qui parle, rien ne
peut s'y opposer. Même la beauté d'une épouse qui finit par
désirer être aussi « moche »
que l'amante de son mari pour se le réapproprier.
Le
traitement du film est résolument moderne. Les flash-back faisant
partie intégrante des scènes situées dans le présent des
personnages, Blier construit une œuvre au fil d’Ariane qui ne se
rompt jamais. L'une des scènes les plus réussies en la matière se
situe lors du repas donné par Bernard Barthélémy (Gérard
Depardieu) et son épouse Florence (Carole Bouquet) et auquel ils ont
convié une dizaine d'amis. Pour ne pas briser l'homogénéité du
récit, et lorsqu'il s'agit de remonter au temps de la cérémonie de
mariage des deux personnages, il réorganise logiquement le tour de
table, les effets personnels (comme la robe de mariée remplaçant la
tenue sombre que porte aujourd'hui
Florence), mais en conservant une ligne narratrice impeccable. Même
le personnage de Colette Chevassu tenu par Josiane Balsako se fond
comme par miracle durant les festivités alors même qu'elle et les
mariés ne se connaissent pas encore et que sa relation avec Bernard
n'aura lieu que quelques années plus tard.
Carole Bouquet, sa grâce, sa beauté, mais aussi sa froideur. Elle
que l'on a connu dans un registre bien différent, là voilà
blessée, déboussolée, implorant son époux de revenir vers elle.
Bertrand Blier offre à Josiane Balasko un rôle bien différent de
ceux auxquels elle était habituée jusque là. A l'aube des années
quatre-vingt dix, elle passe de la comédie pure au drame. A
l'histoire d'amour dont elle est cette fois-ci, la principale
interprète. Bien qu'elle est censée y jouer le rôle d'une
secrétaire physiquement quelconque, Bertrand Blier a pourtant réussi
à mettre tous les atouts de l'actrice en valeur. A dire vrai,
elle n'a jamais été plus belle, plus à son avantage que dans Trop
Belle pour Toi.
On le sait, Bertrand Blier aime profondément la musique classique.
Véritable mélomane, il aurait, dit-on, aménagé une pièce de sa
demeure spécialement consacrée à cet objet de culte. Des enceintes
et un fauteuil fixés au sol dans des conditions optimales. Qu'il
s'agisse de fiction ou de la réalité, ses personnages, en tout cas
pour certains, aiment eux, profondément le classique. Comme Patrick
Dewaere dans Préparez-vos Mouchoirs, son personnage ne
jurant que pour Mozart et personne d'autre. Dans Trop Belle pour Toi,
c'est Franz Schubert qui est à l'honneur. Et de quelle manière. Des
œuvres bouleversantes qui jouent un rôle primordiale dans le
registre de l'émotion. Des messes, des sonates, une valse, tout cela
(et d'autres encore) accompagné par la musique additionnelle du
composteur Francis Lai.
Un Grand Prix du Jury amplement mérité...
Un Grand Prix du Jury amplement mérité...
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