La passion naît presque
immédiatement dans le cœur de Gloria. Intense, immédiate, animale
et sauvage. La force des premières images de cette rencontre
improbable entre une jeune femme d'origine espagnole déçu e d'un
homme dont elle est divorcée et d'un autre, nouveau dans sa vie,
dont les intérêts sont tout autres a quelque chose de miraculeux.
Comme l'émotion palpable et l'attachement du spectateur pour ces
deux personnages naufragés le sont quand dans la plupart des œuvres
du même genre c'est le détachement qui prédomine par manque de
temps, de moyens ou de talent, nous laissant dans une indifférence
totale. Celui qui use de sa belle prose pour séduire sa dernière
proie et lui faire cracher quelques billets révèle un visage bien
différent et un comportement fait de prostration et de crédulité,
pantalon sur les genoux, lorsqu'il assiste sans moyen d'agir ou de
participer au meurtre particulièrement sauvage du personnage de
Marguerite campé par Édith Le Merdy.
Si le film est parfois filmé
dans des tons presque crus et monochromes valsant entre bleu
électrique et rouge carmin, la dite scène, jouée dans une cave
humide, image granuleuse et halo de lumière laiteux viennent appuyer
le propos sordide de ce meurtre sauvage signifiant l'exclusivité de
Gloria sur le corps et l'esprit de celui dont elle est FOLLEment
amoureuse. Celle qui jusqu'alors nous avait exhibé ses faiblesses,
entre pleurs incontrôlés, cris hystériques presque enfantins et
capricieux, et naïveté assumée lors de ses retrouvaille avec
Michel (prodigieusement interprété par l'éblouissant acteur
Laurent Lucas), nous montre un tout autre visage. Elle arbore en
effet le visage en tout point semblable à celui de Frank Zito dans
le Maniac de William Lustig, et même si les deux
personnages n'ont que très peu de rapports (et même voire aucun),
c'est la même folie qui se dessine dans leurs yeux durant cet
instant terrible où ils commettent ces actes jusqu’au-boutistes de
meurtres.
C'est pour Gloria aussi
sans doute l'occasion d'affirmer sa position en tant que maîtresse
exclusive de Michel, amant effaré par la scène à laquelle il vient
d'assister. La scène est longue, et dure sûrement aussi longtemps
qu'un acte réel de meurtre par strangulation. Et pour rendre la
chose encore plus difficile à regarder, le cinéaste belge Fabrice
du Welz appuie le propos en accentuant les bruits dérangeants
dispensés par cette femme qui agonise sur le sol de sa propre cave.
"Tu te rends
compte de ce que tu viens de faire Gloria ?" Premiers
mots de Michel, suivis de "T'as conscience qu'elle allait
nous donner l'argent, que c'était une question de jours ?".
Le
moment ne serait pas si tragique qu'on en viendrait presque à rire.
Car après la seconde phrase (alors qu'à l'issue de la première on
croit encore noter un semblant d'humanité chez l'amant), Fabrice du
Welz met en avant les principaux enjeux de cette relation. Plus
encore que le meurtre, c'est l’appât du gain qui prévaut sur tout
le reste. Que Gloria tue n'a plus vraiment d'importance tant qu'elle
attend que la victime ait confié son argent à ses deux insoupçonnés
futurs bourreaux...
Si
cet article n'explore que le second acte d'une œuvre qui en compte
quatre, ça n'est que pour mieux conserver toute la substance d'un
film qui revient sur un fait divers horrible survenu à la toute fin
des années 40 et dont les auteurs sont les célèbres meurtriers
Martha Beck et Raymond Fernandez. Alors que la première devait être
la prochaine proie du second qui escroquait ses victimes, celui-ci
tombe amoureux de la jeune femme. Martha Beck finit par participer
aux activités criminelles de Fernandez. Si certains aspects
diffèrent de l'histoire vraie, Alléluia compte
pas mal de points en commun avec le récit de Beck et Fernandez. Les
noms diffèrent mais les agissements sont similaires. A la différence
près que Gloria (l'éblouissante Lola Duenas) est celle qui dans le
film commet les meurtres. Les noms ne sont pas les mêmes mais
l'adaptation est assez fidèle. La musique de Vincent Cahay appuie
aussi bien l'aspect sordide de certaines situations et la poésie
macabre qui s'en dégage. Manuel Dacosse assure quant à lui une
photographie superbe. Dix ans après son très réussi Calvaire,
Fabrie du Welz signe son quatrième et indéniablement meilleur film.
Une œuvre qui sera nominée dans différents festivals et notamment
à Canne dans la sélection de la Quinzaine des Réalisateurs et le
Festival International du Film de Toronto. Un chef-d’œuvre et un classique qui laisse une marque indélébile dans l'esprit de celui qui l'explore...
Le vrai visage de la mort
superbe film de Du Weltz
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