Kate n'a vraiment pas de chance. Alors qu'elle rejoint le métro, embrumée par l'alcool, elle s'assoupit sur un banc pour ne se réveiller qu'après le passage de la dernière rame. Elle est seule, fatiguée, pressée d'en finir avec cette soirée, et commence à avoir peur. Elle a beau crier et taper contre les grilles baissées d'une bouche de métro, ses appels restent sans effets. Elle qui se croit déjà condamnée à errer toute la nuit dans les couloirs inquiétants du métro londonien finit pourtant par entendre au loin le crissement d'une rame qui approche du quai sur lequel elle s'est endormie un peu plus tôt. Tout va donc rentrer dans l'ordre. Elle va pouvoir sauter dans le premier wagon et pouvoir enfin rentrer chez elle...
Sauf que Christopher Smith n'a pas l'intention de donner une fin positive à son film. Du moins, pas aussi rapidement.
Kate est donc cette fois-ci bien à l'abri dans le wagon sur lequel elle s'est ruée.
A l'abri ?
Entre deux stations, la rame s'arrête brutalement. Elle ne repartira plus. Quelques bruits de pas accompagnent l'obscurité imposée par une coupure d'électricité. C'était écrit : Kate va passer une nuit éreintante. Et même peut-être pire que cela. Tout d'abord parce que ces pas qu'elle entend résonner, ce sont ceux de ce connard de Guy, un égocentrique sûr de son charme et que kate a osé jeter lors de la soirée à laquelle ils participaient tous les deux. Défoncé, le jeune homme a suivi kate jusque dans le métro afin de lui demander de lui faire une gâterie qu'elle a l'idiotie de refuser. Lui, s’énerve. Elle, se défend avec rage, mais sans véritable réussite. Heureusement, Kate est sauvée in extremis du viol par un individu dont on n'aperçoit même pas la silhouette et qui se charge d'éliminer Guy.
Christopher Smith maintient un certain suspens, écourtant les scènes en apportant de nouveaux éléments afin de capturer l'attention du spectateur avant qu'il ne fuit de trop pesantes longueurs (fort heureusement absentes jusqu'ici). D'un cadre aseptisé (celui de la soirée cocktail), on passe directement à celui beaucoup plus obscure d'un monde souterrain pour plonger jusque dans des abîmes d'une noirceur qui dépasse de loin celle de la majorité des films fantastiques.
Kate embarque donc avec elle un quatuor de personnages qui vont tous tomber entre les griffes de ce mystérieux individu que le cinéaste s'emploie à rendre invisible devant l'objectif de la caméra. C'est peut-être de ce coté là qu'il faut d'ailleurs situer l’intérêt puisqu'une bonne partie de l'intrigue repose sur cette seule question : qui donc promène sa silhouette dans les couloirs du métro londonien et tue ceux qui entrent en contact avec Kate ? Deux jeunes cloches fort sympathiques (moyennant finances), un violeur (guy en l’occurrence) ainsi qu'un gardien de la sécurité pas tout à fait conscient du danger qui se trame derrière son dos.
Plutôt que de maintenir le suspens jusqu'à la dernière minute, au beau milieu du film Smith nous montre le tueur et sa découverte nous saisit à la gorge. En effet, plutôt que de nous servir une sempiternelle créature à la mâchoire disproportionnée et percluse de dents acérées, au corps monstrueusement difformes cachant derrière de douteux replis d'abominables excroissances prêtes à péter au visage du personnage principal, le monstre de "Creep" a quelque chose de terriblement humain. Alors évidemment, il ne sera jamais prêt pour les podiums de mode mais il conserve une apparence suffisamment proche de la notre pour que nous nous identifions à lui en tant qu'être humain. Et cette curieuse manière qu'il a de se déplacer. Comme s'il était constamment tiraillé par l'envie de se déposséder de telle ou telle partie de son corps. Son regard absent démontre à quel point il est déshumanisé. Et pourtant, lorsqu'arrivé dans la glauquissime salle de chirurgie désaffectée, il mime sans doute des actions dont il a par le passé été lui-même victime, il semble encore davantage faire partie des nôtres.
Les décors sont sublimes. Gros travail sur les textures qui suintent et vomissent les immondices produites par l'humanité. Chaque objet est sa place et file un terrible bourdon. Le monstre dégage une impression de malaise et quand à l'actrice principale, l'allemande Franka Potente habite le film à chaque plan. Le film renouvelle le genre et prouve que malgré la disparition de la Hammer, il est encore raisonnable d’espérer découvrir de petites pépites de l'autre coté de la Manche...
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