La folie au cinéma est
une thématique récurrente sur laquelle se sont penchés
d'innombrables cinéastes à travers le temps. De grands réalisateurs
s'y sont également intéressés. Au titre des plus grandes œuvres,
l'on citera Soudain l'été dernier de Joseph L.
Mankiewicz en 1959, Qu'est-il arrivé à Baby Jane ? de
Robert Aldrich en 1962, Shock Corridor de Samuel Fuller
en 1963 ou encore Vol au dessus d'un nid de coucou de
Miloš Forman en 1975. Bon nombre de cinéastes spécialisés dans le
cinéma d'épouvante se sont également emparés du sujet. Difficile
de les énumérer tous mais parmi eux, l'autrichien Gerald Kargl la
traita en 1983 avec son remarquable et éprouvant Schizophrenia.
Un long-métrage si déstabilisant que son auteur se retrouva
financièrement démuni et contraint de travailler dans la publicité
afin de rembourser ses dettes ! Dans certains pays où le film sera
interdit ou écopera d'un classement X au même titre que le cinéma
pornographique, il faudra patienter de longues années avant que le
public puisse enfin le découvrir... Mais revenons en arrière,
jusqu'en 1964, année où fut projeté sur les écrans La
Meurtrière diabolique (Strait-Jacket) du
réalisateur américain William Castle, œuvre marquée d'une
interdiction aux moins de treize ans et d'un avertissement pour
violence, gore et contenu dérangeant. Aussi puissant qu'est le titre
dans sa traduction française que dans sa version originale (laquelle
signifie Camisole de force),
le film est d'abord l’œuvre d'un réalisateur puis d'un scénariste
qui tous deux se sont chacun dans leur catégorie, spécialisés dans
le cinéma et le roman d'épouvante. Du premier l'on retiendra
l'usage de gadgets à l'attention des spectateurs lors de la
projection de plusieurs de ses longs-métrages en salle. Au titre
desquels, La nuit de tous les mystères et
Le désosseur de cadavres
en 1959 et 13 Fantômes
l'année suivante.
Quant
au second, le célèbre écrivain américain Robert Bloch, il est
surtout devenu mondialement célèbre pour avoir été à l'origine
en 1959, l'auteur du roman Psychose
que le cinéaste Alfred Hitchcock adapta sous le même titre l'année
suivante... Huit ans avant qu'il ne retourne à des ''aspirations''
d'ordre psychiatrique en écrivant le scénario du film à sketchs de
Roy Ward Baker Les Mystères d'Asylum,
Robert Bloch se pencha sur l'écriture de ce qui à l'écran
deviendra La meurtrière diabolique.
William Castle, qui ne renie alors pas le genre qui le rendit célèbre
se montre pourtant beaucoup plus sobre dans sa description de
l'horreur et de l'épouvante. Et pourtant, si le film a écopé d'un
PG-13
sur le territoire américain, ça n'est pas pour rien. En effet, bien
que l'on soit là face à un drame domestique au sein d'une famille
au terrible passé, William Castle assène quelques plans horrifiques
plutôt rares pour l'époque. L'on évoquera moins leur aspect gore
du fait que pas une seule goutte de sang ne soit déversé à l'image
que la répétitivité des séquences exposant des décapitations
perpétrées à la hache. Tout commence il y a vingt ans, lorsque de
retour chez elle, Lucy Harbin découvre que son mari est au lit avec
son ancienne petite amie. Ne supportant pas cette trahison, l'épouse
abusée s'empare d'une hache et tue le couple adultérin. Et ce,
devant les yeux de sa petite fille Carol ! Enfermée dans un
hôpital psychiatrique durant les vingt années qui suivent, Lucy est
finalement rendue à sa liberté et est accueillie par son frère
Bill (Leif Erickson), sa belle-sœur Emily (Rochelle Hudson) et par
Carol qui depuis les deux dernières décennies a été élevée par
son oncle et sa tante. La gamine a depuis bien changée et est
devenue une très jolie jeune femme fiancée à Michael Fields (John
Anthony Hayes) dont les parents forment un couple de riches
propriétaires... Le retour de Lucy s'avère délicat. N'ayant eu de
contact avec autrui qu'à travers les patients de l'asile et les
différents spécialistes qui se sont chargés de sa santé, celle
qui est devenue une vieille dame craint de rencontrer Michael et ses
parents.
Et
alors que les médecins ont jugé qu'elle pouvait retourner vivre
avec les siens, le comportement de plus en plus alarmant de Lucy
inquiète sa fille ainsi que son frère et sa belle-sœur... Dans un
superbe noir et blanc, William Castle filme donc les retrouvailles
d'une mère et de sa fille dans un contexte trouble. Alors que Carol
est incarnée par la charmante Diane Baker que l'on a pu notamment
découvrir dans Voyage au centre de la Terre
de Henry Levin, Pas de printemps pour Marnie
d'Alfred Hitchcock ou dans l'épisode La montre
témoin
de la série policière Columbo,
Le film de William Castle est véritablement porté par la présence
et l'incarnation de Joan Crawford, immense actrice aux plus de cent
rôles et qui dans le cas de La Meurtrière
diabolique
déploie son talent d'interprète en exploitant toutes les
possibilités offertes par un personnage à l'humeur changeante.
L'actrice est ainsi tour à tour inquiétante, touchante, ambiguë,
lorsque sa personnalité change et passe de la tranquille et timide
mère de Carol en une furie qui s'exprime en hurlant. Au drame et au
film d'épouvante l'on ajoutera en outre le concept de thriller à un
long-métrage qui n'aura pas livré tous ses secrets lors de sa
première heure mais confondra au contraire le public face à ses
certitudes. Notons enfin la présence de l'acteur George Kennedy qui
des décennies avant d'être apparu à plusieurs reprises dans la
franchise Airport
ou parmi les interprètes de Mort sur le Nil
de John Guillermin ou de Tremblement de terre de
Mark Robson incarne ici l'homme à tout faire de la famille Harbin,
Leo Krause. Un personnage diamétralement opposé à ceux qu'on lui
connaît généralement, avec son look de cul-terreux sale et un brin
immoral...
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