Attention, film culte !
Ou en tout cas, en devenir... Derrière un titre passe-partout qui
semble vouloir apparemment signifier l'avènement d'un nouveau
concept diabolique se propageant tel un virus mortel ou une
malédiction, Dead Mail
évoque bien des notions mais certainement pas celle-ci. Second
long-métrage conjointement réalisé par Joe DeBoer et Kyle
McConaghy en 2024 juste après le thriller BAB,
cette deuxième collaboration entre les deux hommes explore une
thématique couramment appliquée au cinéma d'horreur, d'épouvante
ainsi qu'au thriller. À la seule différence que les deux cinéastes
se sont employés à mener leur projet de manière tout à fait
inédite. La notion de séquestration se multipliant au cinéma plus
rapidement que n'importe quel virus chez l'homme, le sujet paraîtra
à priori sans intérêt particulier. Un homme, noir, est retenu dans
le sous-sol bétonné d'une demeure appartenant à un second, blanc !
Jusqu'ici, rien de plus anodin. Mais lorsque la victime réussit à
s'extraire de sa prison afin de poster dans une boite aux lettres un
message écrit avec son sang dans lequel elle indique demander de
l'aide, tout s'enchaîne. Il n'y a ici pas un protagoniste principal,
mais plusieurs. À commencer par Jasper (Tomas Boykin), un employé
de la Poste de Peoria et expert dans la recherche d'adresses
d'expéditeurs. Alors qu'il enquête sur les origines d'un morceau de
papier déchiré sur lequel sont présentes des tâches de sang et un
bout d'adresse, il est vivement agressé par derrière puis tué par
un homme qu'il a rencontré la veille dans le foyer qui l'abrite la
nuit. Cet homme, c'est Trent (John Fleck). Une fois le meurtre de
Jasper accompli, le point de vue du long-métrage change et c'est
lors d'un flash-back que les raisons qui vont pousser Trent à tuer
son nouveau compagnon de foyer nous sont révélées. En effet, Trent
retient chez lui un homme contre sa volonté. Et découvrant que
celui-ci a posté le morceau de papier compromettant, il a décidé
de remonter jusqu'à celui qui le détient afin de l'éliminer et
ainsi faire disparaître l'unique preuve qui l'implique dans
l'enlèvement de celui qui se prénomme Josh (Sterling Macer Jr.). Un
fabricant amateur de synthétiseurs que Trent a pris sous son aile,
finançant ainsi tout le matériel dont l'homme a besoin jusqu'au
jour où il découvre que son ''partenaire'' a prévu de partir pour
le Japon où une société de matériel électronique lui propose de
travailler pour elle! Bref, un coup dur pour celui qui se sent très
justement trahit. Mais jusqu'à cette révélation qui intervient à
peu près au beau milieu du récit, Joe DeBoer et Kyle McConaghy
s'intéressent à la rencontre et surtout à l'étrange rapport
qu'entretient Trent vis à vis de Josh...
Au-delà
du simple rapt, de la psychopathie visible comme le nez au milieu de
la figure chez Trent ou de son infecte titre qui pourrait en rebuter
plus d'un, Dead mail est
l'une de ces expériences sensorielles qui d'un point de vue visuel
et auditif marquent profondément et durablement les esprits. Ici,
pas de psychédélisme ou d'effets kaléidoscopiques mais une patte
visuelle qui renvoie directement aux années quatre-vingt, époque où
d'ailleurs semble s'inscrire ce récit qui repose sur une écriture
là encore conjointe entre les deux réalisateurs. Couleur ''passées
à la machine à laver'',
Dead Mail
est la victime bienheureuse d'une patine délavée qui lui offre son
côté indépendant habituellement cher au Festival
de Sundance.
Couleurs fades, certes, mais aussi et surtout, des angles de caméras
relativement déconcertants. En effet, les deux cinéastes
s'emploient presque systématiquement à filmer la totalité des
personnages en plongée/contre-plongée et parfois même décadrés.
Cette répétition accentue bizarrement le malaise qui s'est
maintenant installé depuis un certain temps et on ne sait réellement
pour quelle raison. Peut-être notre cerveau ne s'était-il pas
préparé à ''subir'' cette façon si particulière et presque
''fanatique'' de filmer personnages et environnements. Ajouté à
cela, des premier et arrière-plans flous qui ajoutent là encore un
intérêt supplémentaire à ce réjouissant et inconfortable
spectacle qui risque peut-être malgré tout d'en rebuter certains.
Encore une fois, Joe DeBoer et Kyle McConaghy changeront de point de
vue en mettant en valeur l'une des rares interprètes féminines en
la personne de Micki Jackson, superbe actrice afro-américaine qui
incarne le personnage d'Ann, l'une des collègues et amie de travail
du regretté jasper ! Parfois glauquissime d'un point de vue
artistique et même concernant certains contenus (l’ambiguïté des
sentiments que ressent Trent par rapport à Josh), Joe DeBoer et Kyle
McConaghy ajoutent une dernière et définitive couche au malaise
ambiant en signant eux-mêmes la partition musicale faite de nappes
glaçantes et de bidouillages électroniques. Bref, l'immersion est
totale ! Je vous le dis : Lorsque viendra le temps de faire
le bilan en dressant une liste des meilleurs films ''d'horreur'' de
l'année 2025, il ne faudra surtout pas oublier de citer celui-ci.
D'autant plus qu'il semblerait inspiré par un authentique
fait-divers...
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