Pour ce dernier article consacré à la Blaxploitation,
j'avais très envie de traiter d'une œuvre qui sort un peu des
habituelles intrigues se déroulant autour de la mafia, de la drogue
ou du proxénétisme ainsi que de New York et du quartier de Harlem.
Et cela tombe bien puisque pour clore la trilogie originale Shaft,
nous allons évoquer Shaft contre les trafiquants
d'hommes (ou
Shaft in Africa).
Après deux premiers volets réalisés par Gordon Parks qui plutôt
que de se charger de l'ultime opus s'est tourné vers la mise en
scène de The Super Cops
en 1974, le troisième a été quant à lui confié à John
Guillermin. Et John Guillermin, ça n'est pas n'importe qui. Si l'on
fait l'impasse sur une première partie de carrière plus ou moins
acceptable précédant sa future notoriété dont on peut malgré
tout évoquer la réalisation de plusieurs volets de la franchise
Tarzan
dans lesquels est cependant absent le célèbre acteur et nageur
olympique américain originaire d'Acapulco, Johnny Weissmuller, la
suite sera parfois d'un tout autre ordre. Si le nom du réalisateur
ne doit pas être simplement rattaché à ses premières tentatives
ou à des pellicules pas toujours de très grande qualité, c'est
parce qu'il fut surtout l'auteur de quelques très bons films au
titre desquels l'on retiendra notamment le film de guerre historique
Le pont de Remagen en
1969, le remake de King Kong
en 1976, l'adaptation du roman Mort
sur le Nil
d'Agatha Christie en 1978 mais aussi et surtout l'immense film
catastrophe (genre auquel il s'essaya tout d'abord en 1972 avec
Alerte à la bombe)
La tour infernale
en 1974. Un long-métrage exceptionnel doté d'un casting cinq
étoiles ! Mais revenons à Shaft contre
les trafiquants d'hommes.
Dans les troisièmes aventures du détective toujours interprété
par l'acteur afro-américain Richard Roundtree, le casting des deux
précédents volets a été entièrement remanié. Exit les acteurs
découverts précédemment dans Les Nuits rouges
de Harlem
et dans Les Nouveaux Exploits de Shaft.
La refonte est totale. Qu'il s'agisse du casting, d'accord, mais
également du contexte puisque désormais, et malgré un début
d'action se déroulant à New York, le tournage sera cette fois-ci
effectué à Addis-Abeba en Éthiopie (d'ailleurs, l'orthographe
visible dans le film sous la forme Addis Abäba n'est pas une erreur
mais correspond bien à sa traduction d'origine Oromo qui est une
langue maternelle que partagent environs trente-cinq millions
d'habitants de la Corne de l'Afrique).
Autre
lieu de tournage, la capitale de la région Semien-Keih-Bahri,
Massaoua en Érythrée. Mais aussi, beaucoup plus proche de nous,
Paris ! Dans cet ultime volet, John Shaft va cette fois-ci être
confronté à des trafiquants d'hommes dont les victimes seront des
habitants de divers pays d'Afrique Noire kidnappés afin de servir
dans la capitale française d'esclaves sur le marché du travail. Des
dizaines d'hommes enfermés dans un cachot en attendant de travailler
seize heures par jour pour un salaire dérisoire de deux-cent francs
(dont la moitié ira dans la poche d'un marchand de sommeil du nom de
Perreau interprété par l'acteur français Jacques Herlin). Chose
très troublante, puisque nous sommes en 1973. L'un des
interlocuteurs du long-métrage évoque le but de cette
exploitation : faire exécuter des tâches que les européens
refusent d'accomplir eux-même ! Et oui, déjà cette même
rengaine de l'immigré qui encore aujourd’hui effectue des tâches
très pénibles à la place de français qui ne veulent surtout pas
se salir ou s'abîmer les mains ! Fidèle au personnage qu'il a
toujours été jusque là, John Shaft se pose en héros vengeur,
défendant l'opprimé mais dans un contexte bien différent mais
aussi en ''Tombeur
de ces dames''.
Et c'est bien là l'un des rares intérêts du long-métrage dont
chaque pièce du puzzle est, je trouve, maladroitement amenée. On a
droit à quelques interventions de sexe féminin. La franchise
demeurant continuellement un modèle de sexisme, l'actrice
afro-américaine Vonetta McGee ne s'en sort pas trop mal tandis que
la craquante yougoslave Neda Arnerić incarne très clairement le
rôle d'une nymphomane dont l'existence tourne principalement autour
du sexe... Alors que l'on nous promettait une plongée au cœur d'un
réseau d'esclavage dans lequel John Shaft plongeait volontairement,
le film ne va pas au bout de son scénario malgré quelques séquences
dépaysantes et un quartier de Paris parfois visuellement proche du
Harlem généralement décrit dans ce type de long-métrage. Notons
la présence lors de la dernière partie du film de cet autre acteur
français qu'est Jacques Marin. Acteur anglophone, on l'a vu dans de
nombreux longs-métrages dans des seconds rôles et notamment dans
celui, très court, de l'épicier dans Mais où
est donc passée la septième compagnie ? de
Robert Lamoureux en 1973. Au final, ce troisième volet vaut bien le
second mais est largement inférieur au premier qui reste donc le
meilleur de tous...
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