Tout commence lorsque le
1er mai 2012, le corps du liégeois d'origine marocaine Ihsane Jarfi
est retrouvé nu dans une prairie d'une section de la commune belge
de NandrinVillers-le-Temple en Wallonie. Alors âgé de trente-deux
ans, il disparaît tout d'abord le 22 avril 2012 après avoir été
vu pour la dernière au sortir du bar gay L'Open Bar
situé rue des Mineurs. Frappé à mort par quatre individus,
il meurt de ses blessures pour n'être ensuite retrouvé qu'une
semaine plus tard... Ceci n'est pas une fiction mais l'histoire vraie
d'un jeune homme cultivé, bien éduqué, issu d'un ''brassage
ethnique'' entre une mère européenne et un père originaire du
Maroc et qui n'eut d'autre tort que celui d'être homosexuel... Ce
fait divers sordide portera le nom d'Affaire Ihsane Jarfi.
À l'issue de l'arrestation de ses quatre bourreaux, trois d'entre
eux seront condamnés à la prison à perpétuité. Ce qui signifie
qu'en théorie, ils finiront leurs jours en prison. Le quatrième,
lui, sera condamné à trente ans de prison... Animals
du réalisateur, scénariste et acteur belge Nabil Ben Yadir
retranscrit le calvaire que vécu le jeune homme à travers
l'histoire de Brahim, jeune homme de trente ans d'origine maghrébine,
homosexuel, mais qui avant de rencontrer ceux qui l'ont torturé et
assassiné participe à l'organisation de l'anniversaire de sa mère.
Un premier acte qui mêle plans-séquences et scènes découpées en
plusieurs plans. Filmée caméra à l'épaule et au format 4/3 pour
plus de réalisme, cette première partie presque anodine nous convie
à explorer le quotidien de Brahim dont presque toute la famille
ignore son attirance pour les hommes et pour un certain Thomas en
particulier qu'il fréquente maintenant depuis cinq ans. Seul son
frère Medhi (Salim Talbi) et son épouse savent qu'il est gay
depuis que cette dernière s'est confiée à son mari après avoir
aperçu le couple dans la rue.
Une
certaine tension naît autour de ce secret considéré de honteux
pour le couple qui n'envisage évidemment pas de révéler aux autres
membres de la famille ainsi qu'aux amis la vérité sur Brahim.
Étouffant malgré les festivités qui entourent l'anniversaire de sa
mère, le jeune homme préfère quitter la fête pour se réfugier
dans le bar gay qu'il fréquente habituellement et où il espère
retrouver Thomas qui plus tôt a été pris à parti part Medhi. Son
compagnon absent, Brahim sort de la boite et se dirige vers un
véhicule dont l'un des quatre passagers emmerde littéralement une
jeune femme. Afin d'apaiser la situation, le jeune homme leur propose
de les emmener dans une boîte remplie de femmes où ils pourront à
loisir ''partir en chasse''. Mauvaise idée... On devine évidemment
la suite et ce que l'on s'apprête à vivre en tant que spectateur
dépasse de très loin ce que l'on peut imaginer. Quoique... À lire
les différents commentaires disponibles sur le net, ceux-ci donnent
véritablement l'impression que l'on s'apprête à plonger
visuellement dans l'horreur la plus absolue. Un pressentiment
renforcé par l'idée que le film repose sur un fait-divers
authentique. S'il est envisageable de penser que certains spectateurs
détourneront le regard tandis que d'autres ressentiront un véritable
malaise devant l'atroce spectacle d'un homme mis plus bas que terre,
humilié, avant d'être purement et simplement battu à mort, il est
fort à parier que d'autres demeureront coi devant une succession de
plans, certes, relativement dérangeant, mais au fond bien moins
rudes que ce à quoi il s'attendaient !
Cette
seconde partie, tout d'abord elle aussi filmée caméra à l'épaule
se rapproche encore davantage des personnages lorsque la caméra
s'efface pour laisser la place aux smartphone des bourreaux. Quatre
monstres qui n'en perdent pas une miette et figurent ce que peut
représenter une partie heureusement infime de notre société.
Dénuée d'empathie, de raison, de moralité ou d'humanité... Bien
qu'assister au sort accordé à Brahim, excellemment incarné par
l'acteur bruxellois Soufiane Chilah, devienne parfois compliqué
(difficile en effet de demeurer insensible), l'une des séquences les
plus fortes du long-métrage n'est pas tant cette série d'actes de
barbarie et d'humiliation subits par le jeune homme que cette scène
durant laquelle la victime est enfermée dans le coffre de la voiture
de ses agresseurs. Une poignée de minutes qui semble durer des
plombes. Nabil Ben Yadir a su parfaitement capter l'effroi de
Brahim. Le souffle et le regard du jeune en disant plus long que
n'importe quel discours. Une fois l'acte de pure folie homophobe
consommé, la troisième partie de Animals
se concentre alors sur le personnage de Loïc (Ginni Guettaf). L'un
des quatre bourreaux de Brahim. De retour chez lui l'on assiste
au quotidien du jeune homme dont rien ne vient heureusement justifier
l'horreur à laquelle il a participé. Tout au plus le film donne le
sentiment qu'il s'est laissé guidé par les trois autres. Un acte
insensé, qui sous forme de ''passage à l'âge adulte'' et
d'admission au groupe de dégénérés que constitue le reste du
quatuor stipule sans doute qu'il fut accompli sous la contrainte...
Sans doute moins éprouvant que l'épouvantable The
Girl Next Door
de Gregory M. Wilson lui aussi tiré d'un fait-divers authentique,
Animals
n'en est pas moins une œuvre essentielle. Ne vous laissez pas
influencer par ceux qui peuvent penser à de la complaisance puisque
la monstration, quelque soit sa durée et l'intensité des actes
commis est ici parfaitement justifiée...
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