J'ai
récemment affirmé que ma petite série d'articles consacrés à la
Blaxploitation
allait arriver à son terme mais ayant très récemment mis la main
sur le premier Black Caesar ainsi
que les trois volets originaux de la franchise Shaft,
j'ai le regret de vous dire que vous allez continuer à en bouffer !
J'ai pourtant décidé de faire une petite pause en visionnant une
comédie dont je n'attends absolument rien. Juste histoire de me
détendre et de pondre, je l'espère, un article au mieux désopilant
et au pire, tout sauf inspiré ! Pas de bol, j'ai choisi de
regarder Prosper
du réalisateur français Yohann
Gloaguen. Un inconnu qui réalise ici son premier long-métrage après
une série de courts et qui, (mal)heureux hasard, met en scène une
majorité d'acteurs blacks ! Bon, en même temps, très chers
''culs blancs'', je vous ai habitué ces derniers temps à vivre des
expériences qui sortent peut-être de votre zone de confort. Ici,
pas de communautarisme cinéphilique ! Si vous voyez encore d'un
mauvais œil la famille de sénégalais qui s'est installée près de
chez vous il y a quelques semaines, je pourrais vous recommander une
cure de Blaxploiation
afin d'apaiser la fièvre ''xénophobique'' qui s'est emparée de
vous. Mais à voir les héros qui s'y meuvent, entre proxénètes,
trafiquants de drogue ou flics corrompus, pas sûr qu'une dose de ce
genre cinématographique soit vraiment conseillée ! Alors,
pourquoi ne pas se payer une bonne grosse tranche de rire devant une
comédie française principalement incarnée par des femmes et des
hommes de ''couleur'' (je mets le mot entre des parenthèse car j'ai
dans mon entourage un pote sénégalais qui déteste qu'on dise de
lui qu'il est noir!) ? En 1982, Zabou (pas encore Breitman)
voyait des nains partout. En 2025, c'est au tour des spectateurs de
voir l'acteur Jean-Pascal Zadi partout. Rien qu'en 2024, le bonhomme
est apparu dans cinq longs-métrages et une série. Cette année, on
a déjà pu voir sa tronche de caricature dans quatre films tandis
que deux autres s'apprêtent à débarquer !
C'est
donc ça la French
Blaxploitation ?
Reprenant certains des codes visibles dans la plupart des films du
genre majoritairement produits dans les années soixante-dix
outre-atlantique, il n'est plus question ici de mettre en scène des
acteurs d'origine afro-américaine mais afro-européenne. Et pourquoi
pas, afro-française ! Des interprètes qui rapidement et
fièrement, clament leurs origines africaines. L'espace dévolu à
l'homme blanc étant ici réduit à sa plus simple expression, il
devient donc inévitable de nier le lien qui unit Prosper
aux films de Blaxploitation
nés sur le territoire américain. Dès l'affiche, curieux mélange
entre la posture des protagonistes qui s'étalaient il y a cinquante
ans sur les devantures des cinémas et ce style visuel
particulièrement redondant qui font se ressembler toutes celles des
comédies actuelles (poses des acteurs sur fond unis, chauds ou
froids), il semble que Yohann Gloaguen se pose en héritier d'un
courant très spécifique dont on pouvait cependant parfois découvrir
une certaines résurgence au niveau mondial (Joe
Bullet du
réalisateur sud-africain Louis de Witt). Rendant ainsi hommage au
genre et notamment à travers la Société
des ambianceurs et des personnes élégantes plus
connue sous l'acronyme SAPE.
Un style vestimentaire qui remonte à la fin du dix-neuvième siècle
lorsque les esclaves congolais décidèrent par contestation de
s'habiller comme les colons qui les exploitaient. Il y a bien des
manières d'envisager cette curieuse ''mode'' consistant à porter
des vêtements pétant de couleurs, bariolés, de plus ou moins bon
goût et dont les plus remarquables détenteurs de la Blaxploitation
étaient souvent des proxénètes ou des dealers de drogue (tandis
que l'homme blanc portait généralement des costumes-cravate). Plus
qu'une œuvre purement axée sur l'humour, Prosper
est un mélange entre comédie, thriller et fantastique.
Jean-Pascal
Zadi incarne Prosper Koffi, chauffeur UBER
qui un jour prend à bord de son véhicule Joachim Kassongo, dit le
King (l'acteur Makita Samba). Le roi de la sape, propriétaire d'un
bar-restaurant, compagnon d'Anissa (Cindy Bruna) et meilleur ami
d'Alpha (Mamadou Minté). Mais un soir, alors qu'il quitte sa boîte,
il est épinglé par un homme qu'il vient d'humilier devant ses
clients. Se dirigeant vers le véhicule de Prosper, deux coups de feu
retentissent et le King tombe raide mort sur le siège arrière.
Apeuré, Prosper roule sur quelques kilomètres avant de se
débarrasser du corps sans avoir omis de le délester d'une enveloppe
remplie de billets et de sa paire de bottes en croco ! Rien que
de très commun jusque là, me direz-vous. À la seule différence
que les chaussures de la victime en question ont le pouvoir de
transférer l'âme du défunt à la place de l'esprit de celui qui
les porte ! Sur cette idée on ne peut plus originale, Prosper
navigue sur un ton humoristique tandis que le réalisateur et ses
interprètes tentent une approche beaucoup moins joviale lorsqu'il
s'agit de confronter Prosper aux anciens amis du King ! En
dehors de quelques sympathiques séquences, le film souffre d'une
écriture sans inspiration. Le rire a du mal à surgir tandis que le
suspens est désamorcé par la seule présence de Jean-Pascal Zadi
qui avec son improbable dentition ne peut que faire sourire. Autre
problème : le jeu d'acteurs. Qu'il s'agisse de l'acteur vedette
ou de toutes celles et ceux qui l'accompagnent dans cette aventure,
leur interprétation est souvent poussive. Que de blancs entre chaque
phrase, entre chaque échange et même parfois à l'intérieur des
phrases elles-mêmes. Pourquoi se donner la peine de rejouer une
scène ? Le spectateur lambda n'y verra de toute manière que du
feu. Jean-Pascal Zadi a beau avoir un certain capital sympathie, mon
dieu ce que son jeu d'acteur peut être mou ! Après, on a vu
pire. Autant dans la comédie française que dans les vieux films de
Blaxploitation.
Prosper,méritait-il
cependant que l'on se déplace en salle au moment de sa sortie ?
Non, certainement pas. Maintenant, si vraiment vous avez envie de
découvrir cette pâle imitation d'un genre authentiquement culte
provenant des années soixante-dix aux États-Unis, vous pouvez
toujours louer le film sur l'une des nombreuses plateformes qui le
proposent à la location...
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