À la recherche du frisson perdu...
À moins d'avoir écumé
la plupart des festivals, d'avoir usé ses fonds de culottes sur les
sièges des salles de cinéma, d'avoir loué des centaines de
cassettes vidéo à l'époque où les vidéoclubs étaient encore à
la mode ou d'avoir patienté jusqu'à la diffusion à la télévision
des plus grands classiques de l'épouvante, il est devenu aujourd'hui
presque illusoire de ressentir cet effroi que peu de films ont su
retranscrire depuis que le septième art existe. C'est donc
généralement avec une très forte pointe de circonspection ou de
désespoir que l'on accepte toujours de faire confiance à une
accroche brandie au sommet d'une affiche de cinéma. Comme si à
force de nous répéter sans cesse la même chose arriverait ce jour
bénit où enfin la promesse serait tenue. Mais pour cela mieux vaut
sortir des convenances habituelles qui voudraient pour le grand
public que le grand frisson ne peut être autre que d'origine
outre-atlantique. Et pourtant, lorsque débarque Amelia's
Children
du réalisateur américano-portugais Gabriel Abrantes, c'est bien
d'une œuvre européenne dont il s'agit. D'un pays qui ne fait en
général pas beaucoup de remous mais qui avec ce long-métrage que
sans doute pas grand monde n'attendait, a des chances de détrôner
la concurrence pour les années à venir. C'est pourtant au passé
que nous devrions en parler. Car si peu de rides ont encore revêtit
ce film, il est pourtant déjà sorti voilà près d'un an et demi.
Ce qui à l'âge du septième art ne représente pas grand chose mais
qui au beau milieu de dizaines, voire de centaines de films qui
sortent chaque mois, peut condamner une œuvre à disparaître des
mémoires aussi rapidement qu'elle est apparue ! Après une entrée
en matière dont nous nous serions aisément passés vu qu'elle
délivre un détail sur l'intrigue à venir dont l'importance se
révèle considérable, Amelia's Children
nous présente Riley et son compagnon Edward. Ils vivent ensemble aux
États-Unis mais vont rapidement se retrouver projetés dans une
luxueuse demeure portugaise lorsque Edward, après avoir fait un test
afin de connaître ses origines, va découvrir qu'il a un frère
jumeau vivant de l'autre côté de l'Atlantique. Là-bas, Riley et
lui sont accueillis par Manuel, le frère jumeau en question et par
Amelia, la mère des deux hommes. Alors que la vieille femme décide
de partager sa fortune entre ses deux fils, Riley décèle que
quelque chose de louche se prépare. Alertée par une voisine de la
famille, la jeune femme découvre l'impensable. Il est alors temps
pour Riley et Edward de partir. Mais les choses ne se dérouleront
pas aussi facilement qu'ils l'avaient envisagé...
Inutile
de s'emporter. Amelia's Children
n'est sans doute pas le long-métrage qui renouera forcément le
public avide de frissons avec la Grande Peur. Celle qui s'étale si
rarement sur les écrans de cinéma. Et pourtant, mieux que n'importe
quel film qui depuis des années ment sur ses intentions, le
long-métrage de Gabriel Abrantes fait le taf. Sur certains points,
les nombreuses sources d'inspiration du réalisateur
américano-portugais servent très bien son projet. Évoquant aussi
bien Profondo Rosso ou
Suspiria de
l'italien Dario Argento que le Dracula de
l'irlandais Bram Stoker d'un point de vue scénaristique, ou des
groupes de musique tels que les allemands de Popol
Vuh,
les italiens de Goblins,
l'islandais Jóhann Jóhannsson, l'américain John Carpenter ou le
mythique transalpin Ennio Morricone pour la bande musicale, le film
est un condensé de séquences qui fonctionnent parfaitement. Musique
et sound Design, mise en scène et interprétation, décors et
éclairages participent de l'élaboration d'une œuvre qui
esthétiquement et techniquement peut être parfois comparée à The
Others de
l'espagnol Alejandro Amenábar. Un cinéaste qui aborda parfois
durant les premières années de sa carrière, des thèmes
relativement délicats tels que celui des Snuff
Movies
(dans l'extraordinaire Tesis).
Gabriel Abrantes ne faisant lui-même pas les choses à moitié,
Amelia's Children
est pour son couple de protagonistes une sorte de piège presque
digne de celui fomenté autour du personnage de Chris Washington dans
Get Out de
Jordan Peele. Mais surtout, le cinéaste explore les liens familiaux,
la sexualité déviante et la vieillesse dans ce qu'ils peuvent avoir
de plus dérangeants. Mais chut, pas de divulgation inappropriée.
Laissez-vous porter par cette sinistre histoire de famille dont deux
des principaux arguments sont l'interprétation et l'architecture de
la demeure... Notons donc la performance de Brigette Lundy-Paine,
actrice devenue depuis l'acteur non-genré Jack Haven, celle de
Carloto Cota qui incarne le triple rôle de Ed, de Manuel et d'Artur
ou celle d'Anabela Moreira qui interprète Amélia et son grotesque
faciès...
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