Sans les quelques timides
bobines horrifiques hexagonales nées à la toute fins des années
quatre-vingt et au tout début de la décennie suivante, le cinéma
d'horreur français ne serait peut-être pas tout à fait le même
actuellement. C'est en général ce que l'on peut lire dans les
colonnes de n'importe quel magazine consacré au septième art à ou
à la musique dès lors que l'on cherche à remonter aux origines
d'un courant musical ou d'un genre cinématographique. C'est ainsi
que même très éloigné des préoccupations d'ancens auteurs,
Martyrs
de Pascal Laugier, Haute tension
d'Alexandre Aja, Frontière(s)
de Xavier Gens ou A l'intérieur
d'Alexandre Bustillo et Julien Maury doivent tout ou presque à la
vague de films d'horreur qui vinrent tâcher l'écran immaculé de
nos salles obscures préférées. C'est ainsi qu'en l'espace de deux
ou trois années seulement, René Manzor avec 3615
code Père Noël,
Jérôme Boivin avec Baxter et
surtout Alain Robak avec Baby Blood
entamèrent fièrement le capital français d'un courant dont notre
pays était de toute manière l'un des plus anciens dépositaires
avec Le théâtre
du Grand-Guignol,
lequel
n'attendit
pas l'arrivée en 1963 de l'américain Herschell Gordon Lewis qui
signa le tout premier film gore officiel de l'histoire du genre cette
année là sous le titre Blood Feast.
Une date coïncidant d'ailleurs avec la fermeture définitive du
Théâtre du
Grand-Guignol situé
dans la capitale française au 7, cité Chaptal, dans le neuvième
arrondissement, après soixante-sept ans de bons et loyaux services
dans les domaines de l'horreur et de l'épouvante ! L'on
remontera d'ailleurs peut-être un peu plus tôt, au cœur des
''eighties'',
en évoquant quelques pépites bien de chez nous, comme le curieux
Litan
de l'inénarrable Jean-Pierre Mocky ou l'improbable mais finalement
très réjouissant Frankenstein 90
d'Alain Jessua, lequel mérite une relecture beaucoup plus objective
depuis que des hordes de navets ont été mis au monde de l'autre
côté de l'Atlantique. Parodie de l’œuvre séminale de James
Whale, mais aussi et surtout adapté pour le grand écran par le
réalisateur et son scénariste Paul Gégauff à partir du célèbre
roman de Mary Shelley,
Frankenstein ou le Prométhée moderne,Frankenstein
90
mettait en scène Jean Rochefort dans le rôle de Victor
Frankenstein, la sublime Fiona Gélin dans celui de sa fiancée
Elizabeth, mais aussi et surtout, Eddy Mitchell dans le costume de
Frank, la créature du film. Sorti en 1984, l’œuvre d'Alain Jessua
a au fil du temps gagné ses galons de nanar potache culte. Cinq ans
plus tard, et alors que la décennie arrive à son terme pour laisser
place à la suivante, plusieurs réalisateurs se réunissent autour
d'un projet commun de film à sketchs horrifiques.
Intitulé
Adrénaline,
le film voit en outre Alain Robak, Yann Piquer ou Barthélémy
Bompard mettre en scène divers interprètes dans une succession de
courts-métrages qui à l'époque firent le bonheur des amateurs de
cinéma horrifique pas encore trop regardants sur la qualité
générale des produits qui leur étaient imposés. C'est ainsi donc
que l'on retrouve à l'image Clémentine Célarié, Henri Guégan,
Jean-François Gallotte ou encore Ged Marlon (lequel était déjà
apparu cinq ans plus tôt dans le rôle d'un flic dans Frankenstein
90)
pour une série de courtes vidéos qui ont toute en commun de plonger
leurs protagonistes dans des aventures qui se veulent a priori
comico-horrifiques... Sur un ton qui n'est donc pas toujours
forcément sérieux, faisant même parfois penser à du comique
troupier, les auteurs d'Adrénaline
nous concoctèrent une collection d’œuvres courtes bricolées avec
les moyens du bord. Allant d'ailleurs du meilleur au pire. Censé
accorder quelques frissons aux spectateurs préalablement prévenus
par son titre, le film a le mérite de ne pas faire perdre son temps
à ces derniers. La plupart des sketchs sont courts et vont
directement à l'essentiel. Maintenant, il va falloir trier entre le
bon grain et l'ivraie. Testostéroné à la manière d'un Jan Kounen
(Vibroboy,
Gisèle Kérozène),
Métrovision
met en scène son propre auteur, Yann Piquer, dans une rame de métro
dont la vitesse ne va cesser de s'accentuer jusqu'à le rendre fou.
Sympa, sans plus. S'agissant de Revestriction
de Barthélémy Bompard, dans un style visuel et dans l'effroi de son
unique personnage (incarné par Bernadette Coqueret), le court
rappelle sensiblement La nuit des morts-vivants,
surtout lorsqu'une mère y était assassinée à coups de truelles
par sa propre fille zombifiée ! Ici, rien de scénaristiquement
commun mais un plafond qui au dernier étage d'un immeuble se
rapproche dangereusement du plancher. Simple et efficace mais aussi
doté d'un tout dernier plan cynique et plutôt malin. Passons sur
Graffiti,
lui-même réalisé par Barthélémy Bompard et dans lequel une
vieille dame (Marie-Christine Munchery, grimée pour l'occasion)
éclate un chat contre un mur avant de badigeonner celui-ci de son
sang et dont la seule qualité est sa courte durée !
Original,Cimetière
des éléphants
l'est assurément ! Réalisé par Philippe Dorison
celui-ci met en scène André Obadia dans un récit où les voitures
prennent le pouvoir sur les humains et conduisent ces derniers vers
une mort certaine. Dans Embouteillage,
une fois encore réalisé par Barthélémy Bompard et dont le titre
joue sur un jeu de mots, l'acteur Franck Baruk se livrera à un duel
face à une bouteille vide qui le traquera dans son propre
appartement. Vient ensuite l'excellent Corridor
dans lequel Alain Robak installe un dispositif en préfigurant un
courant qui sera officiellement initié en 1997 par le canadien
Vincenzo Natali à travers Cube,
film culte qui ouvrira en grand les portes d'un concept maintes fois
remanié sur grand écran : celui de l'Escape
Room
ou, Escape Game !
On peut donc considérer Corridor
comme l'ancêtre de ce courant, d'autant plus que parmi les treize
courts-métrages que constitue Adrénaline,
celui-ci, lequel met notamment en scène l'acteur Jean-François
Gallotte, est sans doute l'un des meilleurs d'entre tous. Yann Piquer
est ensuite accompagné de Jean-Marie Maddeddu et met ce dernier en
scène dans le rôle d'un ambulancier chargé de se rendre sur le
lieu d'un accident. Nous retrouverons d'ailleurs Jean-Marie Maddeddu
derrière la caméra de trois autres courts-métrages parmi les
suivants : Tout d'abord Interrogatoire,
dans lequel un homme est attaché contre un mur par un second et s'y
fait découper en morceaux. Ce court-métrage préfigurant ainsi à
son tour le Torture-Porn.
La dernière mouche
qu'il réalise ensuite une fois de plus aux côtés de Yann Piquer
met quant lui en scène un homme obsédé par les mouches qu'il fixe
sur les murs de son appartement après leur avoir coupé les pattes
et les ailes (mais qu'a donc fait à l'époque la SPA
pour se révolter contre une telle pratique?) avant de recevoir la
visite d'une femme (la très Lyncho-fellinienne Anne-Marie Pisani)
qu'il tue avant de.... vous verrez par vous-mêmes !
T.V. Buster
d'Anita Assal et John Hudson fait apparaître à l'image Clémentine
Célarié et Ged Marlon dans un court diabolico-paranoïaque dans
lequel le couple qu'ils incarnent est assailli par leur petit poste
de télévision avant qu'un télé-exorciste n'intervienne. Les deux
réalisateurs rempilent directement avec Cyclope
dans lequel le décidément très présent Jean-Marie Maddeddu, en
agent de surveillance, est agressé par un dispositif de caméra
transformé en araignée ! La conclusion de ce court est
d'ailleurs assez remarquable. Enfin, Sculpture
physique
de Yann Piquer et...... Jean-Marie Maddeddu (erf, ça commence à
devenir lassant, hum?) met en scène......... sérieux ….....?
Jean-Marie Maddeddu ? Dans cet ultime ouvrage, assez gore pour
l'époque je dois dire, l'acteur et réalisateur s'en prend plein la
gueule, au sens propre, puisque assis sur une chaise, il va se
prendre une volée de coups de poings donnés à l'aide d'un gant de
boxe. À l'image, son personnage est au fil des coups, littéralement
défiguré. Sa tête finissant ainsi dans une galerie d'art, exposée
comme une sculpture. Celle du titre, justement. Si l'on compte bien,
il manque un court-métrage parmi les treize qu'est censé regrouper
Adrénaline.
Une nouvelle fois réalisé par Anital Assal et John Hudson, Les
aveugles
servira en réalité de lien entre les douze autres. L'on y découvre
une tripotée de figurants affligés de cécité attendant
fébrilement l'ouverture d'une salle de cinéma. Le bilan ?
Adrénaline
reste dans l'ensemble assez satisfaisant. Original, très réactif
mais aussi manifestement fauché, cette compilation de
courts-métrages demeure parfois jubilatoire et très rarement
décevant. Il faut sans doute malgré tout se remettre dans le
contexte de l'époque où le cinéma de (ce) genre était en France
abordé de manière relativement isolée. Notons qu'en 1994, Alain
Robak, Anita Assal, Yann Piquer, John Hudson et le ''petit nouveau''
Manuel Flèche reprendront le chemin du film à sketchs avec six
courts-métrages réunis sous le titre Parano.
Regroupant cette fois-ci un casting nettement plus ''prestigieux'' au
sein duquel l'on retrouvera notamment Jacques Villeret, Jean-François
Stévenin, Smaïn, Patrick Bouchitey ou encore Alain Chabat...
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