Tourné sous une forme
peu conventionnelle en 1961 par le réalisateur, scénariste,
dramaturge, journaliste et écrivain français Armand Gatti, L'enclos
emploie
donc un ton et une esthétique peu en accord avec les canons du genre
qui comme lui traitent du difficile sujet de la Shoah.
Loin d'être aussi ''divertissant'' que Les
rescapés de Sobibor
de Jack Gold, que La vie est belle
de Roberto Benigni, que Les milles
de Sébastien Grall ou que La liste de Schindler
de Steven Spielberg pour ne citer que quelques-unes des œuvres les
plus connues du répertoire, L'enclos
semble mépriser le terme de ''récréation'' et offre un spectacle
de désolation et d'inhumanité crasse qui laisse souvent perplexe.
Vision mortifère d'une tragédie de l'Histoire qui n'est de toute
manière pas à destination de tous les publics, celui-ci s'inscrit
donc davantage dans un cadre réaliste et donc forcément moribond.
Si l'idée initiale conçue par le réalisateur lui-même et par le
journaliste et écrivain Pierre Joffroy s’affaire à produire une
intrigue à la perversité morbide, L'enclos
dégage une sale impression. D'une noirceur et d'une violence sourdes
qui confinent aux pires geôles où finirent enfermés prisonniers
politiques, traites à la cause Nazis ainsi que les représentants du
peuple juif. Un film pas drôle. Ni amusant en ce sens où le
spectateur est convié à un spectacle où le rythme est à l'aune de
ce que purent endurer les victimes. Et pourtant, le long-métrage
d'Armand Gatti est doté d'une sous-intrigue qui aurait logiquement
dû l'extraire du carcan réservé au simple documentaire qu'il
semble être parfois. Cette idée ô combien malsaine que l'on ne
peut accorder qu'aux individus parmi les plus néfastes et
monstrueux : enfermer deux hommes dans un enclos. Le numéro 3
où vont donc se retrouver piégés l'allemand Karl Schongauer (Hans
Christian Blech) qui de l'avis de ses supérieurs hiérarchiques
collabore avec l'ennemi à travers l'usage d'une radio amateur, ainsi
que David Stein (Jean Négroni), un français dont le seul tort est
d'être juif. Deux hommes qui auront vingt-quatre heures pour choisir
qui des deux devra mourir pour que l'autre survive...
Des
horreurs de cette guerre qui causa la mort de cinquante à soixante
millions d'individus de tous bords, L'enclos
concentre son action dans un camp que les auteurs semblent avoir
préféré créer de toute pièce. Au point que son architecture y
apparaît de manière relativement mal définie. Les contours entre
les zones réservées aux allemands et celles ''sacrifiées'' aux
prisonniers demeurant particulièrement floues. Tout comme la
présence des miradors ou des barbelés censés retenir prisonniers
ces derniers. L'inconfort généralisé que procure le film touchera
sans doute plus encore ceux qui ne souffrent généralement pas de
suivre de quelconques ''péripéties'' autrement que dans leur propre
langue puisque le film, d'origine franco-yougoslave ne se réserve
pas le droit exclusif d'être dirigé en langue française mais
également en yougoslave et en allemand. Le seul moyen de pouvoir
suivre avec aisance l'intégralité du propos demeurant alors l'usage
de sous-titrages. L'enclos
s'ouvre sur une séquence terrible tandis que les prisonniers du camp
fictif de Tatenberg ''charbonnent'' en déblayant des gravas arrachés
au sommet d'une colline afin de les réunir par la suite et ainsi les
transporter à mains nues. Un labeur qui laisse certains prisonniers
sur le carreau comme le montrent certaines images de cadavres laissés
sur place. L'occasion également de faire connaissance avec ces
hommes surnommés Kapo
qui durant la seconde guerre mondiale étaient chargés d'encadrer
les prisonniers dans les camps de concentration. Des individus qui
généralement étaient eux-mêmes des prisonniers et qui dans le cas
présent profitent parfois de ce privilège pour se montrer aussi
inhumains que les nazis eux-mêmes ! Concentré en un lieu
unique, L'enclos
symbolise la société humaine, avec ses couches sociales, ses
petites gens tout comme ses dirigeants. Forçant les uns à chercher
comment survivre tandis que les autres ont leur sort entre les mains.
Malheureusement méconnu, le long-métrage d'Armand Gatti qui malgré
son austérité et les fantômes qui y errent tels les travailleurs
de la Ville Basse
du
chef-d’œuvre de Fritz Lang, Metropolis
mérite amplement d'être redécouvert...
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