Lorsque le chirurgien
Max Holst reçoit chez lui un appel téléphonique d'un confrère, il
est intrigué. Un certain Steinmetz vient d'être admis dans le
service psychiatrique où il officie. Apparemment, cet homme connaît
Max bien que celui-ci nie savoir qui il est. Lorsque le chirurgien
rencontre Steinmetz dans sa cellule, il est mécontent de voir qu'il
a en sa possession une boite de cigare et une bouteille de cognac
alors que le tabac et l'alcool sont proscrits. Alors que Max tente de
savoir de quelle manière le patient s'est procuré ces derniers,
Steinmetz lui propose de lui révéler son secret si le médecin
accepte d'abord de le libérer. Mais devant le refus de Max,
Steinmetz s'évade par on ne sait quel moyen après avoir laissé un
mot à l'attention du chirurgien. Il lui propose de le retrouver
quelques jours plus tard sur un pont.
Tout de même intrigué
par cet homme qui a réussi à s'échapper de sa chambre d’hôpital
pourtant fermée à clé, Max le retrouve comme convenu et accepte de
le suivre jusque chez lui. Là, Steinmetz invite le médecin à
s'asseoir à une table et lui révèle son pouvoir : l'homme est
capable de faire apparaître par la pensée toutes sortes d'objets.
Pire, il est même capable de donner vie à de petits rongeurs, bien
que cela lui prenne plusieurs jours. Ce qu'attend Steinmetz de Max,
c'est qu'il accepte de l'aider à créer par la pensée, un être
humain. Le chirurgien devra ensuite opérer Steinmetz afin de lui
permettre d'augmenter ses extraordinaires capacités mentales...
La première chose qui
saute aux yeux lorsque l'on découvre "Manden der Tænkte Ting" du
cinéaste danois Jens Ravn, c'est le travail accompli sur
l'esthétisme général de son long-métrage. Dans un superbe noir et
blanc, il s'accapare l'environnement pour en faire une œuvre
artistique à part entière. Certains plans demeurent d'une telle
modernité que l'on a parfois du mal à croire que le film a été
tourné il y a déjà plus de quarante-cinq ans. En effet, "Manden
der Tænkte Ting" date de 1969,
à une époque où "2001, l'Odyssée de l'Espace"
reste l'un des rares exemples de films où la maîtrise visuelle et
technique demeurent d'une exemplarité hors normes. L’œuvre de
Jens Ravn peut être considérée comme l'ancêtre du cinéma d'un
certain David Cronenberg ("Crime of the Century"), lequel s'emploiera durant une grande partie
de sa carrière à triturer la chair et l'esprit.
Jens
Ravn filme le complexe hospitalier où travaille Max Holst (l'acteur
Preben Neergaard) et la demeure de Steinmetz (John Price) de manière
presque mathématique. L'obscurité faisant parfois office de gouffre
dérangeant, la lumière des salles d'opérations cliniquement
froides devient ici un refuge apaisant, dégageant une chaleur
réconfortante. Le cinéaste on le sent, recherche la perfection dans
le cadrage. Rien ne semble laissé au hasard. Entre les lignes
simulant l'enfermement et la douceur de certaines courbes, on prend
conscience du travail incroyable se cachant derrière un sujet, lui,
déjà passionnant.
Derrière
"Manden der Tænkte Ting" se
cache l'inévitable message du combat qu'ont toujours mené la
science et le paranormal, ce dernier se prévalant de connaissances
plus accrues que sa rivale. L’œuvre est aussi l'occasion pour Jens
Ravn d'évoquer la peur de la révolution industrielle et celle
concordant avec la frilosité de certains à l'égard du progrès. En
l'état, le film est un petit bijou d'anticipation qui dans son
minimalisme formel exprime des idées brillantes qui demeurent pour
certaines aujourd'hui plus que jamais d'actualité...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire