Fear City est
le troisième long-métrage ''classique'' du cinéaste américain
Abel Ferrara (qui débuta sa carrière dans le porno). Une œuvre
sombre, nocturne, glauque et brutale à travers laquelle le
réalisateur laisse s'exprimer son goût pour la noirceur, les
ruelles humides et jonchées de détritus, les dealers, la mafia
italienne et les boites de strip-tease. Le long-métrage est pour lui
surtout l'occasion de rendre hommage à la mythique ''42nd
Street'' de Manhattan à New
York. Un axe qui dans les années trente accumulait bon nombre de
cinémas mais dont la programmation à l'aube des années
soixante-dix ne proposa plus que de la pornographie. Connu chez nous
sous le titre New York, 2 Heures du Matin, l’œuvre d'Abel Ferrara nous plonge dans un univers sordide, gangrené
par des gangs se battant pour avoir le monopole de l'une des plus
importantes activités du coin : les clubs de strip-tease...
Première
impression : Fear City
semble faire écho au 10 to Midnight
que réalisa l'année précédente en 1983 le réalisateur J. Lee
Thompson avec son tueur en série s'attaquant exclusivement à des
jeunes femmes. Un an après Charles Bronson dans la peau de Leo
Kessler, Abel Ferrara nous propose sa vision d'un New York décadent,
avec ses ruelles insalubres, mal éclairées, terrain de jeu favori
d'un serial killer qui s'attaque tout d'abord aux ''filles'' de
Matti Rossi et Nick Parzeno, laissant ces deux là supposer que le
responsable pourrait être leur concurrent direct, un certain
Goldstein. Mais alors que le tueur a fait plusieurs victimes dont
toutes sont mortes à l'exception de la première, voilà que
celle qu'il prend ensuite pour cible fait partie de ''l'écurie'' de
Goldstein. Bien que la police enquête, le tueur semble
insaisissable. En excellente condition physique et adepte des arts
martiaux, il échappe aux rares individus qui tentent de le stopper
dans sa folle virée meurtrière...
Abel
Ferrara, qui connaîtra la consécration au moins à deux occasions
avec ses brillants The King of New York
et Bad Lieutenant,
signe avec Fear City
une œuvre qui ne se contente pas d'être un simple ''serial killer
film'' mais observe également avec une certaine intelligence les
conséquences économiques dues à la ''désertion'' de
strip-teaseuses affolées à l'idée d'êtres les prochaines victimes
du maniaque. À partir d'un scénario écrit par son fidèle
collaborateur depuis ses débuts (le scénariste Nicholas St. John),
Abel Ferrara signe une œuvre âpre, violente et particulièrement
chaude pour laquelle il engage les plus belles filles d'un catalogue
personnel sans doute inspiré de ses propres fantasmes ou plus
simplement de ses goûts en matière de femmes. Il faut dire que les
interprètes féminines sont toutes plus jolies les unes que les
autres, d'autant plus qu'aucune n'hésite à se mettre littéralement
à nu dans des clubs surchauffés et hantés par des âmes perdues.
Parmi elle, la superbe Melanie Griffith qui l'année suivante
interprétera le rôle de Holly dans le sublime et troublant Body
Double
de Brian De Palma. La canado-américaine Rae Dawn Chong que l'on
verra notamment dans Commando
de Mark L. Lester aux côtés d'Arnold Schwarzenegger ou dans La
Couleur Pourpre
de Steven Spielberg. Ou bien encore l'actrice Janet Julian que l'on
reverra dans The King of New York
six ans plus tard aux côtés de Christopher Walken.
Côté
''mâles'', on retrouve le charismatique Tom Berenger dans le rôle
de Matt Rossi, ancien boxeur ayant abandonné sa carrière au profit
de celui d'agent de strip-teaseuses après avoir causé la mort de
son dernier adversaire sur le ring. Jack Scalia incarne le personnage
de Nick Parzeno, fidèle ami et associé de Matt. En cette année 1984, Abel Ferrara
égratignait déjà la police en la montrant particulièrement
agressive à travers le personnage d'Al Wheeler qu'interprète
l'acteur Billy Dee Williams. Mais Fear City c'est
aussi des ''gueules'' comme on aimerait continuer à en voir sur
grand écran : celle de Michael V. Gazzo (à son propos, la
version originale s'impose), ou celle de Rossano Brazzi. Quant au
tueur, il est incarné par John Foster qui à part sa participation
au long-métrage d'Abel Ferrara ne semble pas avoir joué dans d'autres productions. Si avec Fear City
on est encore loin d'atteindre la perfection de certains de ses
meilleurs films, Abel Ferrara y affirme déjà son goût pour les ambiances poisseuses et nihilistes.
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