De son vrai nom Joseph
Frank Keaton Junior, Buster Keaton demeure l'un des plus célèbres
acteurs comiques du cinéma muet américain des années 1920. Et bien
qu'il ait continué à tourner durant les quatre décennies suivantes
(The Scribe
sera le dernier film dans lequel l'acteur apparaîtra en 1966 avant
de mourir d'un cancer du poumon le 1er février de cette même
année), l'année 1930 marquera le début du déclin de cet acteur,
scénariste et réalisateur qui au même titre que Charlie Chaplin,
Harold Lloyd ou le duo Stan Laurel et Oliver Hardy aura marqué de
son empreinte le cinéma américain de cette première moitié du
vingtième siècle...Alors que sa carrière d'acteur est lancée dès
1917, Buster Keaton qui jusqu'à maintenant jouait aux côtés de
l'acteur-réalisateur Roscoe Arbuckle, surnommé Fatty (nom donné au
personnage que celui-ci incarne alors dans une quinzaine de
courts-métrages entre 1917 et 1919), passe à la réalisation avec
La Maison Démontable (One
Week)
en 1920. Un court-métrage d'un peu plus de vingt et une minutes
co-réalisé avec le réalisateur, scénariste, producteur et acteur
américain Edward
F. Cline.
La
Maison Démontable peut
se voir comme une œuvre-témoin du travail extraordinaire de Buster
Keaton. Qu'il s'agisse de la mise en scène, de l'écriture, de
l'interprétation et des risques prix par l'acteur qui exécute
lui-même les cascades, cette première réalisation est sans doute
parmi les plus célèbres et les plus remarquables de leur auteur.
Buster
Keaton y incarne une fois encore son propre rôle. Celui de Buster,
tout juste marié à une jeune femme incarnée par la délicieuse
Sybil Seely (actrice du cinéma muet burlesque, elle jouera à cinq
reprises à ses côtés), tous les deux se voient offrir un cadeau
hors du commun. Comme tout jeune couple qui se respecte, l'un des
rêves est de former une famille. Mais pour cela faut-il encore
pouvoir offrir à sa future progéniture de quoi l'abriter. C'est
donc sous la forme d'une dizaine de caisses que Buster et son épouse
reçoivent une maison préfabriquée. Mais alors qu'ils s'apprêtent
à construire leur future demeure, un homme malintentionné s'amuse à
intervertir le numéro des caisses. Avec méthode et discipline,
Buster va s'attacher à respecter le nouvel ordre de ces dernières
et construire avec sa femme une maison que ne renierait sans doute
pas l'auteur de l'un des grands chefs-d’œuvre de l'expressionnisme
allemand, Le Cabinet du
docteur Caligari du
wroclawien Robert Wiene (à noter que les deux films sont sortis la
même année à sept mois d'intervalle).
Une
demeure étonnante dont la porte d'entrée est située au premier
étage de la façade, ou le lavabo de la salle de bain est à
l'extérieur, et où les angles ne respectent jamais les quatre-vingt
dix degrés généralement réglementaires. Malgré toutes les
difficultés que rencontre le couple, Buster et son épouse finissent
pourtant par atteindre leur but. Pour fêter la fin de la
construction, ils convient chez eux quelques amis. Mais une tempête
de vent se profile à l'horizon... et bien avant que l'hallucinante
séquence de la maison soufflée par les vents n'intervienne, La
Maison Démontable
est déjà un véritable catalogue de démonstrations. Celui que tout le
monde connaît également sous le nom de «
l'homme qui ne rit jamais » ne
se départit jamais de son impassibilité. Faisant face aux éléments
et aux embûches, Buster déploie des trésors d'imagination. Entre
cascades, acrobaties et équilibrisme, l'acteur, scénariste et
réalisateur semble mettre en permanence sa vie en danger. Et tout
cela en prises directes. De la belle ouvrage, chronométrée, au
centimètre près, et d'une inventivité sans cesse renouvelée. La
Maison Démontable est
une merveille de construction. Des idées qui en chassent d'autres, et
tout cela sans la moindre ligne de dialogue. Le genre de
court-métrage qui en remontrerait certainement à tous ces
freluquets de l'humour « Made
In un peu partout dans le monde » qui
se croient des génies mais qui en réalité n'inventent jamais rien.
A une année près, nous aurions pu célébrer le centenaire de ce
petit chef-d’œuvre du burlesque américain. Mais pourquoi attendre
2020 pour le redécouvrir... ?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire