Dernier long-métrage du
cinéaste britannique Christopher Smith à ce jour, l'auteur des
excellents Creep,
Triangle
et Black Death
revenait en 2016 avec un Detour
étonnant. Scénarisé par le réalisateur lui-même, le film est un
mélange entre thriller et road-movie. Mais plutôt que de suivre la
même voie que les autres, ce cinéaste qui décidément aborde son
œuvre d'une toute autre manière a choisit de tracer sa propre route
et propose un récit dont les conventions en terme de mise en scène
sont éclatées. Arborant les atours d'une œuvre schizophrène,
Detour fait
avant tout preuve d'une astucieuse et redoutable construction. Fuyant
l'habituelle linéarité de ce genre de productions, Christopher
Smith se réapproprie les codes du flash-back pour y imprimer sa
patte toute personnelle.
Le
récit démarre sur les bases d'un drame. Celui qui touche le jeune
Harper, un étudiant dont la mère est dans le coma à la suite d'un
accident de voiture duquel son compagnon, le beau-père d'Harper, est
demeuré indemne. Persuadé que Vincent a volontairement causé la
mort de son épouse afin de se débarrasser d'elle et de s'approprier
ses biens, Harper se confie à un inconnu du nom de Johnny Ray un
soir où il a un peu trop bu. Une petite frappe qui contre la somme
de vingt-mille dollars accepte de débarrasser l'adolescent de son
encombrant beau-père. Le lendemain matin, Harper a récupéré ses
esprits mais il est déjà trop tard : Johnny et sa petite amie
Cherry l'attendent sur le bas de la porte de la propriété familiale.
Contraint d'accepter de les suivre jusqu'à Las Vegas où a prévu de
se rendre Vincent, Harper suit d'abord les conseils prodigués par
Johnny la veille : laisser sur place une partie de son esprit.
Embarqués à bord de la voiture de son beau-père laissée au
garage, Harper, Johnny et Cherry prennent ainsi la route vers la
capitale du jeu...
Detour,
c'est tout d'abord la rencontre entre un adolescent fragilisé par le
coma dans lequel est plongé sa mère, un voyou contraint de
rembourser une grosse somme d'argent à un véritable psychopathe
(excellent John Lynch, dans la peau de Franck), et une jeune
danseuses que Johnny emploie à l'occasion comme prostituée afin de
se faire de l'argent facilement. Trois personnages au centre d'une
virée meurtrière dont on ne soupçonne pas le cheminement que
prendront les événements. On sait désormais que Christopher Smith
a dans la tête des idées bien précises en terme d'écriture. Qu'il
ne se contente pas de répéter bêtement ce que d'autres ont
entrepris avant lui. Detour ne
déroge pas à la règle et propose un spectacle remettant
régulièrement en question les idées reçues d'un public
habituellement formaté. Tye Sheridan (Harper), Emory Cohen (Johnny
Ray) et Bel Powley (Cherry) campent un épatant trio roulant vers Las
Vegas. Mais le britannique trompe son monde. Car en exposant un
Harper dédoublé lors de séquences se déroulant dans la demeure
familiale, Christopher Smith bâtit un stratagème intelligent et
diablement efficace.
Après
un quart-d'heure passé à nous faire croire que le film se déroulera
de manière classique (Johnny et Harper passant un contrat. Route
vers Las Vegas. Assassinat du beau-père), le cinéaste bouleverse
les conventions et contrôle seul la suite des événements. Si le
scénario peut apparaître comme sensiblement tordu, il suit
cependant une logique infaillible et parfaitement maîtrisée par son
auteur. Christopher Smith fait montre une fois encore de son talent
de scénariste et de réalisateur dans un film riche et parfaitement
incarné par l'ensemble du casting. On appréciera la photographie
lumineuse de Christopher Ross qui tranche radicalement avec celles,
beaucoup plus ténébreuses, des précédents long-métrages de
Christopher Smith. Une belle réussite !
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