Après la déception
consécutive à la vision de Viva la Muerte, c'est avec
une assez grande appréhension que j'ai choisi pour ce second article
consacré au Cycle Improbable,
le deuxième long-métrage de Fernando Arrabal. Non par masochisme
mais parce que je ne voulais surtout pas rester sur une impression
définitive : celle de penser que le cinéma de l'espagnol était
bien trop surévalué.
J'Irai Comme un
Cheval Fou est donc le
second film de Fernando Arrabal. S'il n'a pas abandonné l'idée de
produire des œuvres à l'aspect surréaliste, il semble avoir
cependant apporté davantage de soin à celui-ci. Fando a laissé la
place à Aden. Et s'il est ici question d'un personnage bien
différent, un homme vivant dans une cité qui n'a plus rien à voir
avec le village espagnol du petit enfant, celui dont le parcours
initiatique nous est conté désormais ne peut lui non plus, compter
sur la présence du père. Témoin d'un acte sexuel qui l'a
traumatisé étant enfant, Aden s'est réfugié dans un monde de
fantasmes morbides. Victimes de crises d’épilepsie ponctuelles, il
finit par tuer celle qu'il considère comme responsable de ses maux :
sa mère.
Fuyant
la justice des hommes, il se réfugie dans le désert et fait une
rencontre inattendue. Celle de Marvel, un tout petit individu vivant
en ermite, s’abreuvant du lait de sa chèvre et se nourrissant de
sable. Marvel possède une capacité qu'il ne partage avec aucun
autre homme sur Terre : il communique avec les animaux, les
éléments, et tout ce qui existe sur notre planète. Pour Aden,
c'est une révélation. Fasciné par ce petit homme savant, il lui
propose de l'accompagner afin de découvrir la civilisation qui
selon lui, assure le bonheur des hommes. Mais très vite, Marvel va
déchanter face à cet univers bruyant et pollué, à mille lieues du
havre de paix qu'est le désert...
L'homme
se complaît dans le confort qu'il s'est établi peu à peu depuis
des générations. L'eau courante, l'électricité, le chauffage. Un
toit en dur, des magasins où acheter de la nourriture, ou des
vêtements. Des voitures pour aller plus vite. Mais aussi, une
atmosphère viciée, le vacarme assourdissant de milliers de moteurs.
Un monde dans lequel l'on prône avant tout l'individualisme. Tout ce
qui oppose l'univers du personnage de Marvel interprété par Hachemi
Marzouk. Ce sculpteur et décorateur qui s'occupa des décors de Viva
la Muerte se voit donc
offrir par Fernando Arrabal le rôle de ce sage qui apprendra à son
nouvel ami, les rudiments d'une existence sans paillettes et de
partage. Il sera le révélateur des maux de ce matricide qui finira
entièrement dévoré par les soins de Marvel, ce dernier revenant
ainsi à la vie, fusionnant à tout jamais avec cet être sans âge
mais que l'on suppose être vieux de plusieurs milliers d'années (le
sac renfermant les rognures d'ongles annuelles en témoignant).
Si
Viva la Muerte
ne m'avait absolument pas convaincu, J'Irai Comme un
Cheval Fou,
lui, mérite effectivement l'engouement et la vénération dont il
fait l'objet. La mise en scène de Fernando Arrabal est pour une fois
maîtrisée. Beaucoup moins transgressif (et donc bien moins
gratuit), le film est davantage marquant. Le réalisateur met en
parallèle deux modes de vie diamétralement opposés, et c'est à
chacun ensuite de se faire une opinion. L'espagno en profite
pour faire la critique féroce de la religion et des rapports
mère-enfant avec lesquels il semble toujours avoir un souci. J'Irai
Comme un Cheval Fou est
une œuvre belle, complexe, surréaliste et poétique. On y retrouve
une fois de plus une bande-son hétéroclite faite de chants tribaux
africains, de musique sacrée et de comptines pour enfants...
Très bel article en tout cas.
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