Artiste réservé et peu
enclin à se livrer lors des quelques rares interviews qu'il consent
à donner dans les différents médias, le réalisateur, scénariste
et producteur athénien Yórgos Lánthimos a bâtit une œuvre qui
semble évoquer un cinéaste très sûr de lui, narcissique, voire
peut-être même un brin orgueilleux. Et pourtant, il est tout le
contraire. Il faut dire que certaines de ses œuvres, et à commencer
par Canine
en 2009, Alps
en 2011 et The Lobster
en 2015, ne furent pas du genre à ménager leur public. C'est
pourquoi l'on peut considérer qu'en 2025 l'homme a enfin choisi de
lâcher la bride même si encore une fois il aborde un thème à
priori des plus simple avec son savoir-faire personnel. En effet,
Bugonia
parlera avant tout à celles et ceux qui sont coutumiers de certains
concepts en vogue comme le complotisme, le capitalisme, le
post-traumatisme et l'idée aussi folle que passionnante s'agissant
de la présence parmi nos concitoyens d'individus venus d'une autre
planète. Yórgos Lánthimos joue d'ailleurs sur cette ambiguïté
tout au long d'un récit qui frôle les cent-vingt minutes et qui met
tout d'abord en scène l'égérie du cinéaste Emma Stone avec
laquelle Yórgos Lánthimos signe sa quatrième collaboration. Dans
Bugonia,
la jeune femme incarne Michelle Fuller, Présiente Directrice
Générale de l'entreprise pharmaceutique Auxolith
Biomedical.
Une femme ambitieuse, reconnue pour ses talents et dont l'un des
projets portant sur un traitement anti-opioïde s'est pourtant soldé
par un échec. Face à elle, l'acteur Jesse Plemons, vu chez Steven
Spielberg, Paul Thomas Anderson, Jane Campion ou Martin Scorsese et
qui après avoir collaboré une première fois avec le cinéaste grec
l'année dernière pour Kinds of Kindness
apparaît ici sous les traits de Teddy Gatz. Un homme déboussolé,
effondré, paranoïaque et complotiste qui s'est fichu dans la tête
que la PDG de Auxolith
Biomedical
est une extraterrestre qui est venu au titre d'une espèce que le
jeune homme appelle les andromédiens pour préparer l'invasion de
notre planète. Une idée farfelu à laquelle, pourtant, adhère son
cousin Don, un jeune homme à la santé mentale fragile incarné à
l'écran par l'acteur américain autiste Aidan Delbis. Aussi fou et
criminel que puisse paraître le projet des deux hommes, Teddy et Don
vont kidnapper Michelle, l'enfermer dans la cave de la demeure
familiale, lui faire avouer qu'elle fait bien partie d'une espèce
extraterrestre et exiger de sa part qu'elle convainque ses supérieurs
de la nécessité de les emmener à bord du vaisseau-mère...
Ouais,
rien que cela ! Bugonia
est un jeu de confrontations entre un homme, Teddy, accablé par un
drame dont les répercussions montrent encore aujourd'hui des signes
plus qu'inquiétants, et une femme, Michelle, ambitieuse patronne
d'une entreprise florissante qui croit très probablement que
l'argent' peut tout résoudre. L'affrontement entre les deux
personnages est passionnant et l'on ne sait jamais vraiment de quel
côté se ranger. Car l'un et l'autre, sous une forme indépendante
qui leur appartient, apparaissent tantôt touchants, tantôt
glaçants. Mais le piège avec ce genre de scénario écrit ici par
Will Tracy est d'éveiller rapidement certains soupçons chez ceux
qui sont rompus à ce genre d'exercice. D'autant plus que le dernier
long-métrage de Yórgos Lánthimos est en fait le remake du film de
science-fiction sud-coréen Jigureul Jikyeora !
de
Jang Joon-hwan plus
connu chez nous sous le titre Save
the Green Planet ! Et
donc, la messe est dite. Si Emma Stone continue à développer une
carrière remarquable, il est probable que l'on retienne ici surtout
la performance de Jesse Plemons, dont le personnage de Teddy est sans
doute la nouvelle référence en matière de paranoïa et de
complotisme sur grand écran. Quatorze ans après Curtis LaForche
(Michael Shannon) dans Take
Shelter
de Jeff Nichols et sept après Sam (Andrew Garfield) dans Under
the Silver Lake
de David Robert Mitchell, il incarne un individu crédible, dont
l'obsession et l'instabilité ne l'empêchent absolument pas d'être
méthodique et très intelligent. Enfin, c'est avec un certain
cynisme que Yórgos Lánthimos abordera l'issue du récit. Une
conclusion que l'on peut d'ailleurs juger à différents échelons
sur une échelle de valeur allant de un à cinq. Après s'être
inspiré du scénario du sud-coréen Jang Joon-hwan, cette fois-ci,
l'athénien paraît vouloir rendre hommage au mythes et légendes
ancestrales de son propre pays. En effet, comment ne pas penser aux
écrits qui à une époque firent les beaux jours d'un genre très
particulier: le péplum mythologico-fantastique. On pense alors
évidemment à Jason et
les argonautes
de Don Chaffey ou au Choc
des titans
de Desmond Davis. Mais de là à dire que l'idée de reprendre
certains de ces concepts en 2025 pour clore une oeuvre jusque là
plutôt brillante fut la meilleure qu'ait eu le réalisateur de
Bugonia,
il est possible d'en douter...
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