Si l'on devait comparer
et noter The Running Man
d'Edgar Wright et
Les tourmentés
de Lucas Belvaux uniquement sur le principe de la chasse à l'homme,
le premier remporterait sans doute aisément la compétition avec un
score d'au moins trois-zéro. Pourquoi ? Parce que la promesse
concernant la traque d'un homme par une richissime femme ne sera pas
tenue dans l’œuvre du cinéaste belge. Pour autant, son dernier
long-métrage mérite-t-il d'être ignoré ? Méprisé ? Sa
vision doit-elle être repoussée aux calendes grecques ?
Lorsque l'on s'attend à une nouvelle adaptation de la nouvelle The
Most Dangerous Game
de Richard Connell et que l'on se retrouve face à un drame
psychologique réunissant quatre interprètes l'on a de quoi hurler
au mensonge, à la trahison... Et pourtant, Lucas Belvaux, qui adapte
ici son propre roman éponyme, signe un long-métrage qui mérite des
louanges auxquels The Running Man
n'aura pas eu droit. Sans doute la transposition sur grand écran du
récit de ces deux anciens camarades de la Légion se retrouvant
après dix ans de séparation aurait-il mérité de prendre quelques
vitamines pour ne pas tant se traîner sur près de deux heures mais
le contexte et l'approche psychologique semblent avoir imposé au
réalisateur et scénariste belge d'aborder ses différentes
thématiques sous un angle qui l'éloigne de toute comparaison avec
le blockbuster d'Edgar Wright. Les tourmentés
impose une règle à laquelle son auteur ne dérogera jamais :
produire un exercice de style très différent de ce à quoi l'on
aurait pu ou dû s'attendre en exposant ses personnages face à leurs
traumas. Sans effet de style particulier. Sans surenchère. Ignorez
donc l'idée de découvrir sur grand écran une énième itération
des Chasses du
Comte Zaroff.
Tout au plus Lucas Belvaux entretient l'intérêt en ce sens lors de
flash-forwards décrivant diverses situations qui n'auront pourtant
pas réellement lieu. Principalement incarné par Niels Schneider et
Ramzy Bédia, les deux acteurs interprètent respectivement Skender
et Max. Tous deux se sont notamment connus sur un champ de bataille
qui a laissé chez eux de profondes blessures psychologiques. Leurs
retrouvailles seront synonymes d'une étrange proposition de la part
du second : Max proposera en effet à Skender de rencontrer
''Madame'' qu'incarne l'actrice franco-vietnamienne Linh-Dan-Pham....
Une
femme d'âge plus ou moins mûr qui proposera contre une très forte
somme d'argent au jeune homme de lui servir de gibier humain lors
d'une chasse qui devra avoir lieu six mois plus tard. Trois millions
d'euros qui les mettront lui, son ex compagne et leurs deux fils à
l'abri du besoin. Skender n'hésite pas et accepte le contrat.
L'occasion pour lui de se rapprocher de Manon (l'actrice belge
Déborah François) avec laquelle il est séparé. L'on comprendra
plus tard pourquoi, d'ailleurs. Tout comme l'on saura quels sont les
véritables enjeux pour Madame, cette femme dont on pourrait croire
qu'elle n'est qu'une vieille et richissime femme excentrique qui pour
tuer l'ennui s'adonne à ce genre d'exercice. Un personnage en
réalité bien plus profond qu'il n'y paraît, victime du syndrome
d'abandon depuis que cette ancienne petite fille originaire du
Vietnam fut vendue par sa mère à un homme qui l'épousa quelques
années plus tard (Jérôme Robart dans le rôle du mari). Déborah
François interprète une Manon qui depuis que Skender s'est retrouvé
en prison a élevé seule ses deux fils. Infirmière, elle travaille
dur pour subvenir à leurs besoins. Quant à Ramzy Bédia, lequel se
retrouve dans la même position que Bernard Campan par rapport à
Didier Bourdon, contrairement à Eric Judor celui-ci a su élargir
son interprétation pour se retrouver dans ce genre de projet,
beaucoup plus sombre et ''premier degré'' que les comédies qu'il
interpréta avec son ancien complice de cinéma et de scène.
L'acteur et humoriste trouve ici l'un de ses meilleurs rôles, visage
buriné et air grave. Un personnage relativement énigmatique qui
lâche d'ailleurs beaucoup moins d'informations sur sa personne que
les autres protagonistes... Lucas Belvaux a sans doute bien fait
d'écarter le sujet de la chasse à l'homme en la décentralisant du
récit pour mieux approfondir la psychologie de chacun dans cette
œuvre relativement austère que d'aucun pourrait juger d'onanisme
intellectuel mais qui relève en réalité d'une pensée profonde.
Bref, entre l'aveuglant et assourdissant show visuel et sonore
proposé par Edgar Wright et la sobriété de Lucas Belvaux, il y en
aura pour tout le monde. À chacun, désormais, de faire son choix...
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