Auteur de plus d'une
dizaine de courts-métrages tournés entre 1947 et 1955, le
réalisateur et scénariste polonais Wojciech Has s'est ensuite
absenté avant de revenir avec un premier long-métrage intitulé
Petla
en 1958. La même année, le cinéaste retrouve pour la seconde fois
celui qui deviendra son acteur fétiche en la personne de Gustaw
Holoubek. Homme aux multiples casquettes, vu au cinéma et au théâtre
ainsi que sur la scène politique puisqu'il sera député à la Diète
de la république de Pologne entre 1976 et 1982 avant de devenir
sénateur au début des années quatre-vingt dix ! Mais le
véritable héros de Pozegnania
(Les adieux),
second long-métrage réalisé par Wojciech Has en 1958, n'est pas
incarné par Gustaw Holoubek mais par Tadeusz Janczar. Lequel
interprète le rôle de Pawel, fils d'une famille aisée, promis à
un riche avenir mais qui devant l'étouffante ambition de ses parents
choisi de prendre la fuite au bras de Lidka (Maria Wachowiak), jeune
et jolie danseuse de cabaret, fatiguée de devoir tenir la chandelle
à de vieux hommes fortunés. L'occasion pour les deux jeunes gens
d'aller prendre l'air à la campagne et pourquoi pas, s'avouer leurs
sentiments réciproques... ? Mais cette adaptation du roman
éponyme de l'écrivain Stanisława Dygata s'affranchit des
conventions propres au romanesque pour inscrire cette curieuse
aventure ''amoureuse'' au sein d'une bourgeoisie polonaise
d'après-guerre où les valeurs seront inversées. Pawel, jeune homme
un brin rebelle, refusant sa condition de nanti peut ainsi apparaître
comme un sale garnement, à qui tout est offert, et qui malgré tout
préfère aller jusqu'à vivre dans une chambre d'hôte miteuse et
nouer une étrange relation avec une jeune femme de peu de vertu que
de suivre le chemin tout tracé par son statut et ses parents. Durant
quarante minutes, le spectateur a droit à un étrange jeu du chat et
de la souris entre un Pawel d'abord entreprenant, puis étrangement
réticent. Un jeu auquel se prête Lidka en inversant elle-même le
concept en se montrant tout d'abord méfiante avant de procéder à
un jeu de séduction qui laisse froid le jeune homme. Filmé en noir
et blanc, Wojciech Has ironise à travers Pozegnania
comme il le fera bien des années plus tard avec le formidable
Nieciekawa
Historia...
Retrouvant
donc notamment l'excellent Gustaw Holoubek, qui dans le rôle de
Mirek, l'amant de Lidka vit au sein d'une famille et d'une propriété
''reconvertie'' en ''Arche de Noé'' pour anciens membres de la
bourgeoisie polonaise réduits à quémander une petite place au
chaud chez la tante de ce dernier. Férocement ironique, Pozegnania
traite
toutes les couches de la société. Du mépris des nantis qui voient
d'un mauvais œil la relation d'un ''gosse de riche'' avec une
danseuse de cabaret (l'attitude de Pawel faisant à minima figure de
provocation adolescente vis à vis de ses géniteurs) jusqu'à ces
curieux personnages de restaurateur ou d'hôtelière que le cinéaste
ne ménage pas toujours, en passant par ces anciens riches se
disputant comme des couples de classe moyenne depuis qu'ils ont perdu
leur rang consécutivement à l'arrivée des troupes allemandes sur
le territoire polonais... Tourné entre Varsovie et Podkowa Leśna,
Pozegnania
est
encore timide... Surtout si on le compare aux chefs-d’œuvre que
son auteur s'apprêtait à signer par la suite. Si l'ironie s'est
déjà faite une place importante dans le cinéma de Wojciech Has,
visuellement, on est encore loin d'atteindre la maestria d’œuvres
telles que Nieciekawa
Historia,
Osobisty
Pamiętnik Grzesznika Przez Niego Samego Spisany
ou de celle de l'incroyable Sanatorium
Pod Klepsydrą
tourné
en 1973... Notons que si le film est l'adaptation du roman du même
nom de son compatriote Stanisław Dygat, Wojciech Has en a changé
certains concepts. Alors que son futur Nieciekawa
Historia
sera porté par l'excellent monologue intérieur de son principal
personnage incarné par Gustaw Holoubek, le principe est ici
abandonné alors même qu'il s'agissait de l'une des principales
forces du récit. Le cinéaste a en outre choisit de raconter son
histoire à travers celle de son jeune couple, traduisant ainsi sa
volonté de transformer le roman d'origine en une œuvre
mélodramatique qui depuis a tout de même pris un petit coup de
vieux. Il faudra donc envisager Pozegnania
comme une œuvre mineure dans la carrière du cinéaste polonais...
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