Le cinéma de Wojciech Has demande un certain niveau d'exigence.
D'écoute, d'attention, de concentration. Et celui-ci sans
doute plus encore que pour son chef-d'œuvre, Sanatorium pod
klepsydrą. Sans doute parce que rien ne vient nous divertir
autant que tel fut le cas au travers des stupéfiant décors naturels
de son sanatorium naturellement tombé en ruines. Et pourtant, dans
un cas comme dans l'autre, au delà de ce livre ouvert qui nous est
conté à travers les mots prononcés en voix-off par le personnage
principal, Nieciekawa Historia est sans aucun
doute visuellement aussi marquant que Sanatorium pod klepsydrą.
Comme une collection de tableaux qui prennent vie et au centre
desquels hommes et femmes se meuvent avec cette même langueur qui
caractérise la régurgitation de dialogues extrêmement concis.. Une
écriture que l'on aurait pu croire réservée à des dialoguistes
hexagonaux mais qui prouve qu'ailleurs aussi l'on se préoccupe de
leur teneur au sein d'un récit. La source provenant de la nouvelle
Skoutchnaïa historia de
l'écrivain et dramaturge russe Anton Tchekhov, l'on comprend d'où
provient la précision chirurgicale des dialogues adaptés à l'écran
par Wojciech Has lui-même. Réalisateur rusé qui joue avec
son environnement et le texte pour emmener le spectateur vers ce que
celui-ci pourrait éventuellement considérer comme un drame, sous
couvert de démonter tout ce qui se rattache à l'existence de son
personnage, Wojciech Has possède surtout un sens inné de la formule
qui transforme n'importe quel moment dramatique en pur instant de
jouissance lors duquel les zygomatiques sont à la fête. Un humour
ravageur, grinçant, pince-sans-rire, truculent, dont on découvre
pourtant sans véritable éclat de rire, toute la portée
philosophique. De cette simple réflexion qui lorgne du côté de la
régression intellectuelle ('' Je donnerais cher pour savoir
comment ce fossile fait l'amour à sa femme'' exprime au fond de
lui le héros au détour d'une conversation avec l'un de ses
disciples) en passant par ce repas dont le monologue intérieur
prononcé par le héros semble infiniment plus savoureux que le
contenu des assiettes, Nieciekawa Historia est un
plaisir que l'on peut considérer de coupable tant il verse dans une
certaine forme de cynisme décomplexé ! Ici, sobriété rime avec
austérité. Et si le tempo semble vouloir renvoyer les incultes et
les impatients à d'autres préoccupations, Nieciekawa Historia
est sans doute l'objet cinématographique le plus drôle et
le plus inattendu que j'ai pu découvrir depuis très longtemps !
Contraint au double
menton à force de poser un regard lointain sur sa propre existence,
le visage penché vers le sol comme s'il cherchait à échapper au
regard de ceux qui ne cessent de le solliciter, le personnage du
professeur de médecine qu'incarne le formidable acteur, réalisateur
et homme politique polonais Gustaw Holoubek attend la mort. Ce qui
contraint aussi et surtout le réalisateur et scénariste à changer
de point de vue quant à l'approche du récit. L'humour fuyant peu à
peu l'espace qui lui était jusque là réservé pour laisser la
place au véritable drame qui entoure donc ce personnage aigri,
irritable, voire même désagréable avec son entourage et qui fuit
autant que cela lui est possible son épouse et sa fille (laquelle
dilapide le peu qui lui reste de fortune dans des cours de violon qui
ne la voient jamais progresser dans le bon sens), le long-métrage
prend alors un ton plus grave. Toujours sublimé par des décors et
des costumes d'époque qui ravissent les yeux,
la grisaille généralisée
offre
désormais une porte d'entrée à des couleurs chaudes lors de cette
longue séquence qui voit le professeur et la jeune femme prénommée
Katarzyna dont il a eu la tutelle à la mort de son père échanger
durant près d'une demi-heure. Le début d'un long périple où
l'émotion est réelle, palpable, grandissant sous les quelques notes
de piano du compositeur polonais Jerzy Maksymiuk mais aussi et
surtout grâce à l'impeccable incarnation des deux interprètes qui
trouvent le ton juste lors de cette révélation des rapports qui
dépassent de loin ceux que l'on suppose être entretenus par un père
et są fille adoptive. Mais Nieciekawa
Historia
étant d'une finesse infinie, rien de scabreux ne s'étale à
l'écran. Au contraire, Wojciech Has parvient à toucher son public
en plein cœur et à rendre belle cette histoire d'amour qui n'ira
cependant pas au delà des mots. Après cette bouleversante
déclaration d'amour qui dans le choix de la terminologie n'indique
pas tout à fait frontalement le désir ''incestueux'' de l'un ou de
l'autre de nos deux protagonistes, le film se conclue par une
troisième et ultime partie. S'enfonce alors notre héros dans une
chambre dont le décor, d'une sobriété presque immaculée, annonce
déjà la fin de son histoire et donc celle du long-métrage. Un
dernier regard vers Katarzyna, un peu à la manière de David
Helfgott vers son père, héros du formidable Shine
de Scott Hicks incarné par l'acteur australien Geoffry Rush, avant
que l'écran ne nous plonge dans le noir... Nieciekawa
Historia
est un très grand film. Et même plus que cela. Un chef-d'œuvre du
cinéma polonais qu'il faut absolument avoir vu au moins une fois
dans są vie...
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Ah pinaise, j'ai encore quasiment rien vu des asiats et des ritals, s'il faut aussi regarder vers la Pologne, j'aurai besoin de trois vies... :-)
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