L'un des principaux
privilèges propres à certaines communautés, que l'on nie ou pas
cette assertion, cette condition sine qua non dont la règle est pour
certains parfaitement intégrée, est de pouvoir aborder certains
sujet sans qu'aucune polémique ne vienne réveiller de vieilles
rancœurs nourries entre gens de droite et population de gauche.
Confier l'écriture, la mise en scène ou l'interprétation du
Crocodile du Botswanga
à une équipe strictement constituée de ''visages
pâles''
aurait sans doute provoqué autant de remous qu'une manifestations de
néo-nazis au cœur d'un territoire perdu de la République. N'en
déplaise à celles et ceux qui célèbrent la mort à petit feu d'un
humour sans frontières raciales, religieuses ou biologiques en terme
de féminité ou de masculinité, il en est qui résistent et
s'attaquent frontalement à tout ce qui peut troubler l'ordre public.
L'on honorera donc le Crocodile du Botswanga
comme étant l'un des parangons résiduels d'un ''je
m'en branle de la morale'' dont
la structure fait fi de tout ce qui pourrait engendrer de critiques
nauséeuse, opportuniste et démagogiques de la part d'une part bien
trop importante de nos concitoyens (suivez mon regard vous qui
connaissez mon positionnement) ! Film en couleur mais mis en
scène et écrit par des noirs et blancs, Fabrice Eboué prend cette
fois-ci toute la place de son comparse et ancien camarade du Jamel
Comedy Club
Thomas N'Gijol aux côtés de Lionel Steketee. Tous trois avaient
réalisé ensemble Case Départ
mais pour cette seconde collaboration, seuls Fabrice Eboué et
Lionel Steketee ont assuré la mise en scène du Crocodile
du Botswanga.
Quant à l'écriture, là encore, Fabrice Eboué l'a assurée aux
côtés de la comédienne, scénariste et humoriste Blanche Gardin.
Après la traite négrière au cœur de laquelle ses deux jeunes
héros projetés en 1780 y découvraient que l'esclavage n'y avait
pas encore été aboli, l'équipe formée autour des trois hommes
s'attaque désormais au sujet des dictatures africaines dont
Jean-Bedel Bokassa, Mobutu Sese Seko ou Idi Amin Dada Oumee furent
les figures les plus imposantes. Le Crocodile du
Botswanga
met en scène dans un pays imaginaire le personnage de Didier, agent
d'un jeune footballeur d'origine botswangaise au talent prometteur
(Ibrahim Koma dans le rôle de Leslie Konda) qui désire déposer les
cendres de sa mère défunte au Botswanga.
Accompagné
de Didier, Leslie attire immédiatement l'attention de Thibault
''Bobo'' Babimbi, personnage incarné par Thomas Ngijol, lequel
personnifie l'image de l'un de ces régimes militaires totalitaires
et dictatoriaux qui continuent à s'étendre sur le territoire
africain comme en témoignent encore les récents coups d’état qui
ont notamment touché le continent en Guinée, au Burkina Faso, au
Mali ou encore au Niger. Connaissant les propensions de Fabrice Eboué
et Thomas Ngijol à bousculer les conventions, les deux humoristes
et acteurs s'en donnent à cœur joie lorsqu'il s'agit de s'en
prendre aux régimes militaires en question et à leurs dirigeants à
proprement parler. Dictature, corruption, tout passe à la moulinette
du trio Steketee/ Eboué/Nigijol qui ne tremble pas un seul instant
lorsqu'il s'agit d'égratigner, voire de ridiculiser et pourquoi pas
humilier l'image de ces ''Grands chefs'' aux apparats souvent
ridicules. Aux côtés d'un casting constitué d'interprètes que
l'on avait déjà pu voir dans Case départ
(Franck de la Personne qui passe ainsi du Curé au conseiller de
Bobo Babimbi et Etienne Chicot qui après avoir incarné
l'esclavagiste Monsieur Jourdain interprète désormais le
représentant de Totelf au Botswanga, Jacques Taucard), Fabrice Eboué
et Thomas Ngijol sont bien placés pour évoquer le sujet puisque
étant eux-mêmes fils d'immigrés camerounais, le sujet ne peut que
leur tenir à cœur puisque le Cameroun lui-même est touché par la
vérole de la dictature avec la présence depuis plus de quarante ans
de Paul Biya à la tête de la nation camerounaise ! Malgré la
gravité du sujet, Le Crocodile du Botswanga
est une comédie pure jus, drôle et aussi délicieusement
impertinente que pouvait l'être trois ans auparavant Case
départ.
Par la suite, les trois hommes feront carrière séparée. Lionel
Steketee signera deux comédies tellement ''étronesques''
qu'elles en deviendront cultes (Les nouvelles
aventures de Cendrillon
en 2017 et Alad'2
en 2018), Thomas Ngijol réalisera Fastlife
en 2014, co-réalisera avec Karole Rocher Black
Snake
en 2018 ainsi que Indomptables
en solo en 2025 tandis que Fabrice Eboué signera le sympathique
Coexister
et le savoureusement trash Barbaque
en 2021. En attendant que ce dernier revienne avec Gérald
le conquérant dont
la sortie est prévue pour le 3 décembre prochain, replongeons-nous
dans cette sympathique caricature qu'est Le
Crocodile du Botswanga...
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