Il y a trente-sept ans
sortait sur les écrans de cinéma, Street Trash
de Jim Muro. Et pour celles et ceux qui eurent la chance de le
découvrir dès sa sortie dans les salles obscures, le film est
demeuré comme l'une des plus jouissives expériences en matière
d'horreur. Créant ainsi le gore multicolore, son auteur n'allait
pourtant malheureusement pas persévérer puisque à ce jour, Street
Trash
est le seul long-métrage qu'a réalisé Jim Muro. Comme la quasi
totalité des grands classiques du genre, c'est donc à son tour
d'être remis au goût du jour à travers non pas un remake, mais une
suite. Aussi tardive qu'elle puisse être, Street
Trash
cuvée 2024 a retenu de l’œuvre originale ses séquences gore, son
univers tournant autour d'une ''communauté'' de clochards, sa
fameuse boisson Viper même si dans le cas présent elle n'apparaît
sous sa forme originelle qu'à une seule occasion, son humour
décapant, tout en constituant une nouvelle approche du récit dans
un contexte où la pauvreté s'est ici généralisée. Visage honteux
d'une communauté de nantis qui cherche par tous les moyens à s'en
débarrasser, le récit est transposé sur le continent africain et
dans un quart de siècle, soit, en 2025. Street
Trash
n'est plus simplement le film gore rigolo et délicieusement
irrévérencieux que connurent les adolescents d'alors mais a muté
vers une œuvre de science-dystopique cradingue rappelant même
certaines des heures les plus sombres de l'humanité (la chambre à
gaz). Mais contrairement à la plupart des dystopies récentes qui
évoquent des univers aseptisés d'où aucune émotion n'échappe au
regard de leurs dirigeants, Street Trash
se complaît à décrire un monde dévasté par le chômage et dont
l'unique solution apportée par le maire est d'éradiquer la présence
des sans domicile fixe en usant d'une solution gazeuse produite à
partir de la boisson Viper qui quarante ans plus tôt fit des ravages
sur l'organisme de celles et ceux qui eurent le malheur d'en boire ne
serait-ce qu'une gorgée. Cette transformation de la fameuse boisson
en un gaz acide symbolise toute la différence qui existe entre la
version de 2024 et celle de 1987. À dire vrai, sans ses clochards,
l'évocation du Viper et sans ses effets-spéciaux colorés, le
long-métrage de Ryan Kruger aurait pu être davantage comparé à
une production ou une réalisation estampillée Troma
Entertainment
et Lloyd Kaufman. Street Trash
version 2024 ne se distingue donc pas tant que cela de la série des
Class of Nuke'Em High,
de Terror Firmer,
de Poultrygeist: Night of the Chicken Dead
ou du récent Shakespeare's Sh*tstorm.
Repoussant ainsi les limites du mauvais goût comme pour la célèbre
société de production américaine fondée par Kaufman et son ami
Michael Herz voilà cinquante ans tout rond ! Se
distinguant par un message très appuyé faisant la part belle aux
inégalités sociales et économiques, ce nouveau Street
Trash
accumule pourtant certains problèmes qui le condamnent à ne jamais
pouvoir se hisser à la hauteur de l'original.
Le
réalisateur et le scénariste James C. Williamson prennent trop
régulièrement le spectateur par la main. Comme si certains actes
perpétrés devaient être systématiquement décrits à travers le
langage des personnages pour leur pleine compréhension. C'est faire
mépris d'un public qui ne sera pas strictement constitué de
demeurés ivres d'assister à un spectacle gore décérébré !
Sous certains aspects, le film renvoie également à l'excellent
Invasion Los Angeles de
John Carpenter même si les sujets traités les éloignent
drastiquement l'un de l'autre. L'on pourra ensuite reprocher l'image
trop propre de cette version 2024 quand le grain de la version de
1987 participait de cet univers cradingue dans lequel vivaient Fred,
Kevin ou le psychopathe Bronson (Vic Noto); Ryan Kruger tente de
corréler son long-métrage à celui de Jim Muro à travers le
personnage de Chef (Joe Vaz), lequel rappelle ostensiblement celui de
Burt qu'incarnait à son époque Clarence Jarmon. Le réalisateur
apporte à son tour une touche de féminité à travers le personnage
d'Alex qu'interprète l'actrice Donna Cormack-Thomson quand en 1987,
les deux seules représentantes de sexe féminin étaient Jane
Arakawa dans le rôle de Wendy et Nicole Potter dans celui de
Winette, la partenaire de Bronson ! Trente-sept ans après que Jim
Muro ait mis en scène la fameuse séquence du ''match de rugby''
dans une décharge et dont le ballon était remplacé par le pénis
d'un clochard fraîchement coupé au couteau par Bronson, Ryan Kruger
tente de son côté de faire accepter la présence aux côtés de
l'un des personnages du groupe de clochards (Gary Green dans le rôle
de 2-Bit), un drôle de petit gnome entièrement bleu. Une créature
hideuse, véritable obsédée sexuelle qui se frotte continuellement
contre la jambe de son propriétaire qui, en outre, est le seul à le
voir. Tout ce petit monde orbite autour de Ronald (Sean Cameron
Michael) et va devoir survivre face au maire de la ville (Warrick
Grier dans le rôle de l'infâme Mostert) mais aussi face aux hommes
d'une certaine Rat King (Suraya Rose Santos), la cheffe d'un gang
reliée en permanence à un système respiratoire. Vulgaire mais
aussi très gore, les scènes d'horreur sont plus nombreuses que dans
l'original mais aussi, largement moins inventives. Si les premières
morts sont relativement efficaces, par la suite l'on se rend compte
du manque d'imagination des spécialistes des effets-spéciaux qui ne
font que répéter inlassablement le même type d'effet prosthétique!
Bref, les petits jeunes risquent de s'éclater. Les anciens, un peu
moins. Cette séquelle du film culte de Jim Muro est donc un
sympathique film gore mais qui en comparaison de l'original ne fait
malheureusement pas le poids...
La deuxième image n'est pas issue du film, c'est un "gilet jaune" (d'ailleurs, il est accroché derrière) qui rentre d'une manif... :-)
RépondreSupprimerBonne année et longue vie au blog, cher Cinemart !