Il se dégage de Piove,
second long-métrage du réalisateur italien Paolo Strippoli après
toute une série de courts-métrages et sa collaboration avec Roberto
De Feo en 2021 sur le projet A Classic Horror
Story,
un réel et puissant sentiment de désespoir. L'amour, les liens
familiaux et l'amitié y sont dévoyés, déconstruits, défigurés
au travers d'un récit qui mêle drame et épouvante. Nous sommes en
2022 et le film dit d'infectés parait avoir fait le tour d'horizon
complet du genre depuis ses prémices qui semblent provenir du fin
fond des années soixante-dix avec The Crazies
de George Romero jusqu'aux plus récents exemples parmi lesquels l'on
attend fébrilement 28 ans plus tard
de Danny Boyle, troisième volet d'une franchise qui démarra en 2003
pour se poursuivre en 2007 et dont le dernier en date fut longtemps
une arlésienne. Paolo Strippoli s'emploie ici à traiter son sujet
avec éminemment plus de finesse que la plupart des concurrents en
inscrivant le récit au sein d'une famille éclatée d'où la mère a
disparue suite à un grave accident de la route causée selon son
fils par son propre époux. Autant dire qu'Enrico (Francesco Ghegh)
éprouve de grandes difficultés à communiquer avec son père Thomas
(Fabrizio Rongione), responsable également de sa fille Barbara
(Aurora Menenti), une jeune handicapée moteur. Avec un tel bagage et
un tel parcours, on se doute que les tensions familiales vont
participer de cette froideur permanente que développe tout d'abord
le scénario de Jacopo Del Giudice, Gustavo Hernández et du
réalisateur lui-même et que l'esthétique générale produite par
la photographie de Cristiano Di Nicola accentue également. Ici, les
âmes se déchirent. La relation entre le père et son fils n'est
faite que de violence verbale, l'un et l'autre étant pratiquement
prêt à se jeter l'un sur l'autre. Le seul point d'ancrage
concernant l'amour est décrit à travers la relation tarifée de
l'adolescent avec une prostituée. Quant à l'amitié entre ce même
Enrico et Gianluca (Leon de la Vallée), celle-ci fut sans doute
absorbée le jour où la mère de l'adolescent fut retrouvée morte.
Dans un contexte social déjà terriblement lourd, Paolo Strippoli se
joue des codes du film d'infectés pour appuyer la thématique de la
violence urbaine qui depuis maintenant un certain nombre d'années
fait régulièrement la une des médias.
Ici
l'on évoque un vieillard de soixante-quinze ans ayant tué ses deux
fils. Là, le meurtre au couteau d'un homme par sa conjointe qui lui
a planté son arme à dix-sept reprises dans la poitrine. Une
véritable épidémie reléguée par les réseaux sociaux qui
transforment ces événements apparemment indépendants les uns des
autres en actes de complotisme. Piove impose
un certain mutisme à ses personnages. Cette difficulté à exprimer
ses émotions sont comme une soupape prête à exploser et qu'une
simple mèche attend d'être allumée. Cette dernière prendra la
forme d'un phénomène inexplicable ayant lieu chaque fois que la
pluie tombe. Et comble de malchance, en ce moment, les averses sont
nombreuses. Se dégage alors des sous-sols de la ville une épaisse
brume qui au contact de tout individu a des conséquences
parfaitement inattendues. D'où le rapport qu'entretient le
long-métrage du réalisateur et scénariste italien avec le genre
souvent abordé dans le cinéma d'horreur et d'épouvante mais qui
dans le cas de Piove
s'y exprime sous forme d'allégorie comme le prétend d'ailleurs
Paolo Strippoli. Lequel justifie donc les actes de violence crue mais
nécessaire contre lesquels la Commission italienne de classification
des films a pourtant jugé bon d'interdire le film aux moins de
dix-huit ans. Une recommandation qui au regard des horreurs qui
s'étalent depuis maintenant longtemps sur les écrans de cinéma peu
paraître quelque peu inadéquate mais qui s'explique sans doute à
travers le rapport tendu qu'entretiennent certaines actions
véritablement violentes de Piove
avec le quotidien de certaines populations européennes. C'est donc
dans un contexte glaçant, réaliste et nimbé de teintes souvent
bleutées que Piove
intègre le fantastique. Comme un germe endormi au fond de chacun
depuis la naissance et réveillé au seul contact d'une brume
d'origine inconnue, Piove
est une excellente surprise, au climat anxiogène, dotée de solides
interprètes et où les sentiments s'expriment certes souvent dans la
violence, mais d'où l'on espère voir se ressouder les liens
familiaux...
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