Cela commence par la
présentation d'une famille d'américains moyens tout ce qu'il y a de
plus classique. Du moins sur grand écran. Une mère de famille un
brin rigide et procédurière, un époux humaniste et qui a donc le
cœur sur la main, un fils accaparé par les filles de son âge et
une petite dernière obsédée par les réseaux sociaux et fan
absolue de la série friends !
Amanda Sandford (Julia Roberts) a décidé sans prévenir les autres
membres de la famille d'organiser un petit séjour dans une luxueuse
demeure de location. Histoire de passer du bon temps aux côtés des
siens. En achetant des provisions, Amanda remarque l'étrange
attitude d'un client. Plus tard, alors qu'ils sont désormais
installés pour quelques jours dans leur nouvelle demeure, les
Sandford sont témoins d'un événement non moins surprenant alors
qu'ils prennent le soleil sur une plage. Bientôt, les diverses
méthodes de communications cessent de fonctionner. Internet, les
téléphones ainsi que la télévision, tout ce qui relie les hommes
au monde ne marche plus. En pleine nuit, le propriétaire des lieux
George H. Scott et sa fille Ruth frappent à la porte. Alors qu'en
ville le réseau électrique est tombé en panne, les nouveaux venus
demandent à leurs locataires s'ils peuvent venir passer la lui dans
leur demeure... Je ne sais pas ce qu'en pensent tous ceux qui ont
découvert Le monde après nous
ou Leave The World Behind
(ce qui peut littéralement se traduire par Laisser
le monde derrière)
sur Netflix
récemment mais le second long-métrage du réalisateur américain
Sam Esmail neuf ans après la comédie romantico-dramatique Comet
a ce petit et délicieux parfum des œuvres signées de M. Night
Shyamalan. En effet, le film est teinté d'un mystère qui va couvrir
l'intégralité du récit. Une atmosphère angoissante et quasi
surnaturelle notamment entretenue par la bande originale signée du
compositeur américain Mac Quayle qui travailla en outre sur les
séries American Horror Story,
Mr. Robot
(pour laquelle il obtiendra le Primetime
Emmy Award de la meilleure musique dans une série
en 2015) et Ratched.
Sous de faux airs de Home
Invasion
dont les codes auraient été inversés, le réalisateur et
scénariste adapte le roman à succès de l'écrivain Rumaan Alam
dans lequel l'auteur abordait déjà les préjugés d'ordre raciaux.
Une attitude que l'on peut notamment observer du point de vue
d'Amanda Sandford, méfiante vis à vis de ces ''nouveaux venus''
(Mahershala Ali et Myha'la Herrold dans les rôles respectifs de
George et Ruth Scott) ou lorsque la fille du propriétaire pose une
question sur l'éventuelle relation qu'entretiendrait Clay avec ses
élèves !
Un spectacle divertissant souvent encerclé de clichés et de sous-entendus...
Dans
le rôle de Clay Sandford nous retrouvons le formidable Ethan Hawke
qui excelle à incarner un époux et père de famille que l'on pourra
à loisir décrire soit comme humaniste, irresponsable, mais
observant en tout cas une attitude plutôt indolente face à des
inconnus certes polis (Ruth, la gamine, se comporte malgré tout de
manière arrogante) mais dont ils ne savent absolument rien...
Derrière les apparences qui auraient pu faire de Leave
The World Behind
un thriller assez convenu se glisse un arrière-plan d'apocalypse
fort intriguant. Ajoutant aux ''confrontations'' quelques séquences
réellement prenantes comme lorsque Clay part en ville en voiture ou
lorsque George décide de rendre visite à ses plus proches voisins.
Si une coupure d'électricité généralisée peut aisément
s'expliquer (un fait si peu rare qu'il peut paraître anodin),
d'autres phénomènes sembleront déjà beaucoup moins rationnels.
Comme ces dizaines de cerfs désorientés qui débarquent sur le
terrain de la propriété ou ces avions qui viennent s'écraser aux
abords de la plage, attirés comme par un aimant (l'exemple du
pétrolier semble d'ailleurs le confirmer). L’ambiguïté de
certains propos ou l'attitude même des uns et des autres (et surtout
celle de George et de sa fille) ajoutent une couche supplémentaire
de mystère à une intrigue qui s'en trouve donc épaissie. D'un
point de vue strictement sensoriel, Leave The
World Behind
est une brillante réussite. Jouant avec maestria de sa caméra, Sam
Esmail observe ses interprètes et donc les protagonistes sous toutes
les coutures. Les filmant en plongée, contre-plongée, de face ou de
profil, en gros plan ou éloignés au fond d'une pièce, son approche
de la mise en scène participe de cette fascination pour des êtres
communs plongés dans une situation qui l'est déjà beaucoup moins.
Le sensationnel laisse ensuite la place à des apartés entre les uns
et les autres. Les tensions subjectivement raciales disparaissent au
profit d'autres questionnements. Le rythme ralentit peu à peu et
l'intérêt sans doute aussi davantage. C'est non sans une certaine
ironie que Sam Esmail développe le sujet du catastrophisme à
travers quelques séquences relativement drôles mais qui éclairent
parfois sur le comportement des parents (Amanda restant en retrait
alors que son fils vient instantanément de perdre plusieurs dents!)
ou sur celui des nouvelles technologies comme ces voitures
électriques autonomes qui ''jouent'' aux autos-tamponneuses !
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