Après David Cronenberg
et son fils Brandon, c'est désormais à la fille du premier et à la
sœur du second de se lancer dans le grand format avec son tout
premier long-métrage intitulé Humane.
Après s'être fait la main sur les courts-métrages The
Ending (avec
Jessica Ennis) en 2018 et The Death of David
Cronenberg
(avec son père) en 2021, voici que la jeune cameraman et photographe
canadienne s'émancipe et nous propose un premier véritable film
dont le sujet semble à son tour très proche des univers dédiés
aux sciences nouvelles chères aux deux autres illustres membres de
sa famille. Sujet ô combien d'actualité, un affaissement d'ordre
écologique pousse les dirigeants de notre planète à prendre de
radicales décisions afin de réduite la population à l'échelle
mondiale. Sous ses allures de téléfilm visuellement classieux,
Humane cache
la critique féroce d'une société qui emprunte moins à un univers
dit dystopique qu'au monde tel que nous le connaissons aujourd'hui.
Reposant sur un concept que d'autres avant Caitlin Cronenberg ont
exploité à maintes reprises, Humane
nous convie au sein d'une famille aisée dont le père invite ses
enfants à un dîner afin de leur révéler la décision que sa
compagne Dawn Kim et lui ont prise afin de les préserver d'une
directive désormais imposée par les grands dirigeants de notre
planète afin de pallier à une carence alimentaire mondiale. Écrit
par Michael Sparaga, le long-métrage impose un rythme lent pour
mieux laisser s'y glisser une effroyable ironie. Des effets néfastes
découlant de la surconsommation mais plus sûrement d'un dérèglement
climatique aux conséquences tragiques ne demeure à l'image que
cette atmosphère cancérigène contraignant tout un chacun à se
calfeutrer derrière des fenêtres et des pare-brises de véhicules
ou sous des ombrelles sur lesquels sont soigneusement appliqués des
films-plastique anti-ultraviolets... Pour le reste, l'action se situe
exclusivement entre les murs de la luxueuse demeure du père, Charles
York (Peter Gallagher) et de son épouse Dawn Kim (Uni Park),
invitant Rachel (Emily Hampshire), Jared (Jay Baruchel), Noah
(Sebastian Chacon), Ashley (Alanna Bale) et par extension Mia (Sirena
Gulamgaus) à un repas à l'issue duquel le patriarche va faire une
dramatique annonce : en effet, Dawn et lui ont accepté de participer
à un programme d’euthanasie volontaire.
À
l'issue du repas préparé par Dawn, un employé du DOCS
(excellent Enrico Colantoni dans le rôle de Bob) se présente à la
porte afin de mettre en place le protocole visant à euthanasier
Charles et son épouse. Problème : Dawn s'est faite la malle.
Et comme le veut l'engagement signé par les deux époux, en
l'absence de l'un d'eux, l'un des enfants York va devoir accepter de
prendre sa place... Et autant dire qu'au sein de cette famille
terriblement dysfonctionnelle où en dehors du père chacun ne semble
préoccupé que par sa propre existence, chacun, parmi Rachel,
Jared, Noah et Ashley va tout faire pour éviter d'être celui ou
celle qui prendra la place de la belle-mère ! Humane
révèle en outre le contrôle total qui est exercé sur tous les
membres de la famille dont la vie est systématiquement scrutée à
la loupe avant d'être retranscrite sur des documents, révélant
indirectement les travers de chacun. Un moyen scénaristiquement
astucieux pouvant motiver ou non le sacrifice de l'un ou de l'autre
de ses membres. Dans l'esprit d'un Festen
de fin du monde, Caitlin Cronenberg parvient à s'extraire de
l'esprit propre aux œuvres signées par son père et son frère pour
se rapprocher de ces longs-métrages souvent humoristiques se
terminant en guerre intestines entre membres d'une même fratrie !
Le cynisme avec lequel la réalisatrice traite ses personnages est
tout simplement jubilatoire, la palme revenant sans doute à Jay
Baruchel dans le rôle de l'opportuniste et individualiste Jared mais
aussi et surtout à l'acteur Enrico Colantoni qui dans le rôle de
l'employé du DOCS
prénommé Bob présente une apparente bonhomie qui cache plus
sûrement une immoralité et une amoralité qui se dégustent lors
d'apparitions elles aussi fort réjouissantes. Dans l'esprit d'un
Alex De La Iglesia exporté sur le territoire canadien, Humane
part en roue libre s'avère être pour la carrière à venir de sa
réalisatrice et de son scénariste, la promesse d'un avenir
radieux...
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