Une vie entière ne
suffirait pas à étancher la soif du cinéphile. Et donc, lorsque se
présente l'occasion de découvrir une œuvre inédite en ce sens où
elle ne fit pas de ''bruit'' dans notre pays lors de sa sortie ou les
décennies suivantes, il faut saisir sa chance, coûte que coûte...
Twisted Nerve
de Roy Boulting fait partie de ces longs-métrages qui longtemps
demeureront dans l'ombre avant de pouvoir enfin être mis à
disposition des amateurs d'étrangetés. Bien que ce type d'intrigue
ait fait les beaux jours d'innombrables films, celui-ci peut se voir
comme l'un des étendards du film de Psychokiller
avec son jeune interprète Hywel Bennett, lequel incarne
l'antagoniste du récit. Un jeune homme du nom de Martin Durnley qui
durant toute l'intrigue se fera appeler Georgie. Bien que plus tard,
un spécialiste apportera un certain éclaircissement quant aux
conséquences de certaines difformités chromosomiques, dès
l'entame, le scénario de Roy Boulting, Leo Marks et Roger Marshall
explore diverses facettes de la ''folie'' à travers le portrait
anonyme d'individus atteints de trisomie. C'est d'ailleurs dans ce
contexte là qu'évolue Martin qui somme toute semble tout à fait
normal. Sa rencontre avec la jolie Susan Harper (Hayley Mills, sœur
de l'actrice Juliet Mills) va marquer une étape importante dans sa
vie mais aussi dans celle de ceux qu'il va désormais côtoyer. Lors
d'un vol effectué dans un magasin, Martin est arrêté ainsi que
Susan qui se trouvait justement à ses côtés mais avec laquelle
Martin n'entretient pour l'instant aucun rapport. Pour se
dépatouiller de cette affaire, le jeune homme se fait passer pour un
faible d'esprit et Susan et lui sont finalement relâchés. Objet
d'attention de la part de sa mère Enid (l'actrice Phyllis Calvert)
mais détesté par son beau-père Henry (Frank Finlay), ce dernier
finit par le jeter à la rue. Martin se débrouille alors pour se
réfugier chez Susan et sa mère Joan (Billie Whitelaw) qui tiennent
une pension. Le jeune homme, de part son attitude d'enfant quelque
peu attardé, va s'attirer la sympathie de la fille et de sa mère
qui l'une et l'autre vont accepter de l'accueillir chez elles... En
impliquant le cadre étriqué d'une pension familiale, Twisted
Nerve
s'approche de l'étouffante nébuleuse The
Beguiled
que réalisa Don Siegel en 1971. Un chef-d’œuvre oppressant dans
lequel l'immense Clint Eastwood et l'éternel macho qu'il figurait
souvent sur grand écran étaient pris à contre-pied. Dans sa forme,
le long-métrage de Roy Boulting possède également une approche
que l'on qualifiera de Kubrickienne, à l'époque où l'auteur de
2001, l'odyssée de l'espace,
d'Orange Mécanique ou
de Shining
tournait sa version de Lolita,
adaptation du roman éponyme de Vladimir Nabokov édité alors sept
ans auparavant, en 1962.
Le
confinement des personnages dans l'espace restreint de cette pension
qui n'abritait jusque là que la mère et sa fille ainsi que deux
pensionnaires (Barry Foster dans le rôle de Gerry Henderson et
Salmaan Peerzada dans celui de Shashie Kadir) va jouer un rôle
fondamental. Si l'on a pour habitude de faire entrer les films dans
des catégories bien précises, il faut reconnaître parfois que deux
types de longs-métrages peuvent tout aussi bien être regroupés
dans un seul et même style. Car au fond, le giallo
n'est-il pas une vision personnelle et transalpine du Slasher ?
Si les amateurs de ce dernier
s'accordent
généralement à dire que Black Christmas
de Bob Clark est le tout premier à avoir vu le jour sur grand écran,
nous pourrions notamment rétorquer qu'avec Sei
Donne per l'Assassino,
le réalisateur italien Mario Bava s'était déjà dangereusement
approché de ses codes dix ans plus tôt, en 1964. Mais pourquoi donc
évoquer ce sous-genre du cinéma horrifique avec lequel Twisted
Nerve
semble n'entretenir aucun rapport ? Pour une raison simple :
le long-métrage de Roy Boulting employait déjà en 1968 certains
procédés visuels qui feront florès les décennies suivantes et à
commencer par le premier volet de la franchise Halloween
signé de l'un des grands maîtres du cinéma d'horreur, John
Carpenter... Mais Twisted Nerve
n'est pas que le petit film d'épouvante que pourrait éventuellement
laisser supposer l'article que vous lisez actuellement. De la
photographie en passant par la mise en scène ou l'interprétation,
le long-métrage peut-être envisagé comme une série B ayant
quelque peu muté pour devenir de classe A. Non pas que les
environnements soient d'une élégance folle mais le choix du cadrage
est souvent désarmant de modernité pour l'époque. Certains
cinéastes s'en sont sans doute souvenu les années suivantes pour au
final s'en inspirer... Notons que la bande-originale, signée du
compositeur américain Bernard Herrmann (Psychose),
surprend presque immédiatement. Georgie sifflant à diverses
reprises tel le tueur du chef-d’œuvre de Fritz Lang M
le Maudit
un air bien connu, ces quelques notes du bout des lèvres de
l'antagoniste rappellent des souvenirs lointains et pourtant demeurés
furieusement ''anonymes'' jusque là !!! Bref, Twisted
Nerve
est un indispensable. Moite, sulfureux, angoissant, dramatique,
touchant, bref, du grand art...
Découvert récemment, j'ai trouvé aussi que c'était une très bonne surprise : avec ses histoires de chromosomes, on ne peut s'empêcher de penser au "Chat à 9 queues". Et le film a su garder une certaine modernité dans le forme (et dans l'expression de la violence).
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